Fintech : de l'open banking au virement instantané, Bridge parie sur la prochaine révolution des paiements

Après la scission avec Bankin’, l’un des principaux agrégateurs de comptes bancaires en France, et une levée de fonds de 20 millions d’euros auprès de BPCE et Truffle Capital, la fintech Bridge se dote d’une nouvelle gouvernance. L’actuel président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, devient président du conseil d’administration alors qu’Olivier Binet arrive à la direction générale. Recentré sur l’open banking B2B, Bridge entend jouer un rôle dans le développement du paiement instantané qui pourrait annoncer, dans un futur encore lointain, la fin de la carte bancaire.
Le cofondateur de Bankin'/Bridge Joan Burkovic (à gauche) devient conseiller et Olivier Binet (à droite) prend la direction générale de Bridge.
Le cofondateur de Bankin'/Bridge Joan Burkovic (à gauche) devient conseiller et Olivier Binet (à droite) prend la direction générale de Bridge. (Crédits : DR)

Spin off, levée de fonds et, désormais, une nouvelle gouvernance : c'est une pièce en trois actes qui vise à transformer la fintech Bridge, une pionnière de l'open banking en France, plus connue du grand public sous le nom de Bankin', en un acteur de pointe dans le domaine des paiements à partir de son métier de base, l'agrégation de comptes bancaires. La mue a commencé avec la scission, l'été dernier, de l'activité B2C, en clair l'app Bankin', un coach financier sur mobile, reprise par le groupe Casino, un actionnaire historique, de l'activité B2B, désormais regroupée sous la bannière Bridge. Aujourd'hui, Bankin', cofondé il y a douze ans par Joan Burkovic, est donc devenu un client de Bridge.

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Ensuite, Bridge a réalisé une levée de fonds en juillet dernier de 20 millions d'euros, en série A, pour l'essentiel auprès de deux nouveaux investisseurs, le groupe bancaire BPCE et le fonds Truffle Capital. Une levée qui a été bouclée au bon moment, avant l'effondrement des valorisations et l'assèchement du financement de la Tech.

Très présent dans les paiements, BPCE compte déjà à son catalogue plusieurs fintechs, comme Payplug (paiement en ligne), Swile (services prépayés) ou même Xpollens, une plateforme de services de paiement. De son côté, Truffle Capital est l'un des principaux fonds de capital-investissement européen investi dans la fintech.

Nouvelle gouvernance

Enfin, Bridge vient d'annoncer un changement de sa direction, avec la venue à la direction générale d'Olivier Binet, un ex-PayPal et de la néo-banque B2B Finom, et la nomination à la présidence du conseil d'administration, de Geoffroy Roux de Bézieux, serial entrepreneur, président du patronat français (Medef) et accessoirement, actionnaire de Bridge. Ce changement traduit la prise de recul de Joan Brukovic, qui reste cependant impliqué dans la société en tant que conseiller » et bien sûr en tant qu'administrateur.

« Après douze ans, j'ai ressenti la nécessité de passer le témoin à des personnes expertes pour gérer une hyper-croissance. L'entreprise est aujourd'hui financée, elle est structurée avec une direction et des équipes solides et elle est dans une très bonne dynamique avec un marché porteur », explique à La Tribune, Joan Brukovic.

« L'entreprise arrive à une étape particulière de sa croissance alors que le marché commence à plus que frémir et qu'il y a de prochaines échéances importantes (la facture électronique, la révision en cours de la directive sur les paiements DSP2 et le prochain règlement sur le paiement instantané, NDLR) »souligne Olivier Binet.

Nouvelle génération de paiements

Bridge reste un acteur de l'open banking, désormais devenu incontournable dans le paysage bancaire depuis la mise en place de la DSP2. Pour favoriser la concurrence et les innovations, Bruxelles oblige en effet les banques à permettre à des tiers accrédités par les autorités de régulation (comme Bridge) d'accéder aux données sur les comptes bancaires (avec le feu vert des clients) pour proposer de nouveaux services.

Sur cette base, Bridge entend bien se faire une place dans le monde en plein boom des paiements en proposant de nouvelles solutions, comme le virement instantané sur lequel Bruxelles fonde de grands espoirs pour affirmer une souveraineté dans les paiements, face notamment aux mastodontes américains, comme Visa ou Mastercard.

« Nous avons la possibilité de faire de l'initiation de paiement instantané qui sera demain un moyen de paiement du quotidien », avance Olivier Binet. Un règlement européen prévoit ainsi d'obliger les banques à le déployer en émission et en réception à un prix qui ne doit pas excéder celui du virement standard. « Le sens de l'histoire pousse à la gratuité de ce service. C'est même une volonté politique », estime le nouveau directeur général de Bridge.

A la recherche d'un nouveau modèle

De fait, le paiement instantané peut présenter plusieurs avantages par rapport à la carte bancaire. Il permet de contourner l'épineuse question des plafonds des cartes - à partir de 100 euros de transactions, plus d'un tiers des transactions cartes seraient rejetées à cause du plafond - mais surtout il offre au commerçant une garantie de paiement instantané et irrévocable.

Un avantage certain en magasin mais aussi en ligne pour les achats de gros montants ou les achats à risque. « Avec le virement instantané, le commerçant a zéro impayé. Avec la facture électronique, cela permet de répondre aux grands enjeux de réduction des délais de paiement et des impayés », insiste Olivier Binet. Et ces enjeux se jouent à la fois dans le e-commerce (en ligne) et dans les magasins (off line). Des acteurs dans l'affacturage ou le recouvrement pourraient être intéressés par ces solutions de paiement.

Un secteur concurrentiel

La levée de fonds et surtout un actionnaire comme BPCE sont les bienvenus sur un marché des paiements et de l'open banking ultra-concurrentiel. Certains grands concurrents appartiennent d'ailleurs aux schemes (réseaux de paiement) internationaux, comme Tink (Visa) ou bien Plaid (Mastercard) qui a décidé de lever le pied sur l'Europe. « Finalement, ils sont encore peu présents en Europe », observe Olivier Binet.

En revanche, en Europe, et particulièrement en France, les banques commencent à se positionner avec des acteurs locaux, comme Linxo, racheté par Crédit Agricole, ou Fintecture dans lequel Société Générale a pris un ticket lors de la dernière levée de fonds de 26 millions d'euros l'an dernier. Maintenant, c'est BPCE qui prend pied dans Bridge qui compte déjà la banque comme client.

Et la nouvelle directive DSP3 pourrait donner un nouvel élan à ce marché du paiement qui fourmille d'innovations. L'idée est bien que les banques fournissent des API (interfaces) de qualité - ce qui ne semble pas encore le cas, selon les fintechs - et que les nouveaux services de paiement fournissent un niveau de performance aussi élevé que Visa, Mastercard ou les schemes nationaux (Cartes Bancaires CB en France) et enfin que les superviseurs puissent agir lorsqu'une banque refuse de jouer le jeu de l'open banking. Ce qui n'est pas du goût de tout le monde. Dans un entretien aux Echos, Nicolas Théry, président du Crédit Mutuel, avait qualifié en 2021 « d'absurde » le texte européen.

« La DPS3 et le règlement européen, avec la gratuité pour tous et des API qui fonctionnent, permettront de déployer massivement le paiement instantané, y compris dans les magasins », prédit au contraire Joan Burkovic.

Seul hic : il faudra bien que les banques trouvent un nouveau modèle économique pour financer les investissements et pallier la baisse programmée de l'utilisation de la carte. La Commission européenne et le Parlement européen l'ont bien compris, et ils devraient laisser ouvertes des portes dans la nouvelle directive pour créer un nouveau business model.

Le projet paneuropéen des paiements EPI en est d'ailleurs une des représentations, même si ce projet est actuellement en panne sèche. D'autres instances européennes, comme le SPAA (SEPA Payment Account Access, planchent sur de nouveaux services premium« Il faut que les acteurs de la chaîne puissent se nourrir et ce sera le cas si l'utilisation du paiement instantané est massive », conclut Yoan Burkovic.

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Commentaire 1
à écrit le 26/01/2023 à 10:01
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Le paiement instantané c'est bien, encore faut il que les comptes soient approvisionnés.

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