Eurazeo poursuit sa conquête des Amériques

Après une implantation à Sao Paulo en 2015, la société française d’investissement ouvrira un bureau à New York, cet été. Avec le double objectif de faciliter l’internationalisation des sociétés de son portefeuille, et d’investir en direct dans des entreprises américaines de taille moyenne.
Christine Lejoux
Les Etats-Unis ne sont autres que le premier marché mondial du capital-investissement, et l'un des plus concurrentiels.

Après Shanghai en 2013, Eurazeo met résolument le cap à l'Ouest. Cet été, la société française d'investissement, émanation de la banque Lazard, ouvrira un bureau aux Etats-Unis, à New York, un an après s'être implantée en Amérique Latine, à Sao Paulo. Dans le même esprit que les incursions en Chine et au Brésil, ce départ à la conquête des Etats-Unis a pour premier objectif de faciliter et d'accompagner l'internationalisation des sociétés européennes - grandes, moyennes ou de croissance - dans lesquelles Eurazeo investit. « Les sociétés de notre portefeuille [au nombre de 33 ; Ndlr] ont presque toutes leur siège social en Europe mais sont très présentes à l'international, ce qui leur permet de bénéficier de la croissance de pays situés en dehors du Vieux Continent, tout en bénéficiant du cadre juridique sûr de l'Europe », explique Philippe Audouin, directeur financier d'Eurazeo.

Mais la société d'investissement ne va pas limiter son ambition outre-Atlantique à la recherche de cibles d'acquisition pour ses participations. Eurazeo entend bien investir directement des tickets de 200 millions à 450 millions de dollars dans des entreprises américaines de taille moyenne, notamment dans les secteurs des biens de consommation et des services aux entreprises. Sauf que les Etats-Unis ne sont autres que le premier marché mondial du capital-investissement, et l'un des plus concurrentiels, avec des acteurs aussi colossaux que Carlyle et autre Cinven...

« Il existe certes beaucoup d'acteurs sur le marché du capital-investissement, aux Etats-Unis, mais l'une de nos différences avec les grands fonds américains réside dans notre implantation européenne, qui nous permettra d'aider les entreprises américaines à se développer en Europe », argumente Philippe Audouin.

Preuve qu'Eurazeo ne compte pas faire de la figuration au pays de l'Oncle Sam, le bureau de New York comptera six à sept personnes dès son ouverture, dont rien moins que Virginie Morgon, la directrice générale de la société d'investissement.

Un « capitalisme patient »

A l'appui des ambitions internationales d'Eurazeo, un bénéfice net de 1,276 milliard d'euros au titre de l'exercice 2015, le plus important jamais dégagé par la société, dont les origines remontent à 1881, date de la création de la holding Gaz et Eaux, qui fusionnera en 2001 avec Eurafrance, donnant ainsi naissance à Eurazeo. Son résultat net record de l'an dernier, celle-ci le doit d'abord aux plus-values réalisées dans le cadre des introductions en Bourse de ses participations Elis (blanchisserie industrielle) et Europcar (location de voitures), mais également sur les cessions de parts dans AccorHotels et dans Moncler, le fabricant des célèbres doudounes haut de gamme. Ensuite, les comptes 2015 d'Eurazeo ont bénéficié des bonnes performances opérationnelles des sociétés de son portefeuille : leur contribution, nette du coût de financement, a bondi de 56,1% en 2015, à 165,2 millions d'euros. Exception confirmant la règle, Desigual a vu son chiffre d'affaires reculer de 3,1% l'an dernier, à 933,2 millions d'euros, ce qui a contraint Eurazeo à passer une provision de 150 millions d'euros sur la marque espagnole de prêt-à-porter, dans laquelle le groupe avait investi 285 millions d'euros en 2014, et dont il détient près de 10% du capital.

« Nous avons beaucoup travaillé en 2015 pour comprendre d'où venaient les difficultés traversées par Desigual. Nous avons identifié des pistes de travail portant sur les produits, les réseaux de distribution, les équipes », rétorque Philippe Audouin. Tout en reconnaissant que « pour 2016, les fermetures de magasins entraîneront une perte de chiffre d'affaires et généreront des coûts. »

Mais pas question, pour Eurazeo, de se désengager de Desigual, qui ne supporte aucune dette. Et ce, d'autant moins que « nous avons l'avantage de pouvoir faire du « capitalisme patient », puisque nous investissons l'argent qui se trouve au bilan d'Eurazeo, contrairement aux fonds classiques, qui doivent rendre régulièrement des capitaux à leurs investisseurs », souligne Philippe Audouin. Eurazeo présente en effet la particularité d'être cotée en Bourse [61,4% du capital se trouve entre les mains du public, l'essentiel du solde se répartissant entre les familles David-Weill, fondatrice de Lazard, Boël et Richardson ; Ndlr], ce qui lui offre un accès permanent au capital, alors que les sociétés traditionnelles de private equity doivent lever des fonds tous les cinq ans environ auprès d'investisseurs institutionnels. Cette capacité d'investissement à long terme sera également mise à profit par Eurazeo pour bâtir une véritable entreprise à partir de Carambar, Krema, La Pie Qui Chante et autres marques de confiserie emblématiques, mais quelque peu endormies, que le groupe vient de racheter.

Christine Lejoux

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