« Il est assez rare de voir des marchés à la fois « short » (position vendeuse) sur les actions et sur les taux ! », résume un professionnel pour décrire la déroute du mois de juin. Les principaux indices boursiers ont plongé comme jamais depuis la (courte) crise de mars 2020. A Paris, le CAC 40 a perdu plus de 8% sur le mois pour s'installer sous les 6.000 points, sa plus mauvaise performance mensuelle en deux ans.
L'indice Stoxx des 600 principales capitalisations européennes recule de son côté de 7,5% sur la période. Aux Etats-Unis, le S&P 500 chute également de 8% (soit une baisse de 21% depuis janvier) alors que l'indice Nasdaq des valeurs technologiques poursuit sa descente aux enfers (-8,5% sur le mois et -30% depuis le début de l'année).
Réveil brutal
Mais la correction la plus violente - de krach même - s'est opérée sur les marchés de taux et de crédit. « Le réveil a été brutal », commente sobrement Franck Dixmier, responsable des marchés de taux chez Allianz Global Investors. Sur ces marchés, la volatilité a même été trois fois plus élevée que sur les marchés actions. Comme si les banques centrales avaient dû s'ajuster brutalement aux anticipations de hausse des taux des marchés. De fait, le décalage entre le discours des banques centrales et les anticipations du marché était devenu, ces derniers mois, trop important.
Il fallait combler ce « gap » et cela s'est fait dans la douleur. Ce qui laisse espérer d'ailleurs une sorte de plateau sur les taux longs, d'autant que la thématique sur la récession à venir commence à prendre le pas sur les craintes inflationnistes. Les taux longs de la dette souveraine, notamment le Bund Allemand à dix ans, qui sert de référence en zone euro, a sensiblement reculé ces derniers jours autour de 1,34%. Même l'OAT français à dix ans est repassé sous les 2%. Du coup, la courbe des taux devient de plus en plus plate - surtout aux Etats-Unis - ce qui est souvent interprété comme un signe annonciateur de récession. Un scénario qui n'est plus exclu par Jerome Powell, président de la Federal Reserve.
Le crédit sous pression
Le jeu de massacre a été spectaculaire sur le marché de crédit. En Europe, les « spreads » (écart de taux entre une obligation privée et une obligation souveraine sans risque) se sont violemment écartés en juin, de près de 130 points de base pour la dette hybride et de 135 points de base pour la dette « high yield »(haut rendement), la plus risquée.
Au total, depuis le début de l'année, le « spread » de la dette senior investment grade, la moins risquée, a pris 76 points de base alors qu'à l'autre extrémité du spectre dans l'échelle des risques, celui de la dette « high yield » s'écarte de 258 points de base.
Pour comprendre l'ampleur du mouvement, il faut se rappeler que 50% de la dette « investment grade » était à taux négatif il y a un an, alors que le rendement moyen de cette même dette est désormais de l'ordre de 3% ! « La moitié des pertes sur les marchés taux provient de la hausse des taux, et l'autre moitié de l'écartement des 'spreads' », constate Vincent Maroni, directeur des investissements crédit chez Allianz GI.
Pic ou pas pic
Et maintenant ? Globalement, les investisseurs espèrent que l'essentiel de la correction est faite. Sur les actions, la pression sur les marges des entreprises ne sera cependant pas sans conséquences, alors que le consensus n'a pas encore révisé à la baisse ses prévisions de résultats en 2022 et 2023. Surtout si la récession se concrétise à la fin de l'année. En clair, il existé toujours un potentiel de baisse.
« En moyenne une récession coûte 30 % et nous avons déjà fait 20% », résume un gérant. Pour l'instant, la baisse des indices s'explique jusqu'ici par un effet prix, c'est-à-dire, une baisse du prix des actions. Chacun s'attend désormais à un nouvel ajustement sur les profits.
L'Allemagne notamment inquiète. L'avertissement sur résultats de Zelando, le champion du commerce en ligne, et les difficultés du fournisseur de gaz allemand Uniper, (qui a entraîné dans le fond tous les secteurs de la chimie) ne sont pas de bon augure. Plus que jamais, la période sera au stock picking, à la sélection de valeurs capables d'absorber les chocs. En revanche, la gestion indicielle risque de connaître des jours plus difficiles. Les valeurs de croissance, notamment, pourraient retrouver un regain d'intérêt en fin d'année en cas de très fort ralentissement économique.
Sur les taux, tous les yeux sont rivés sur l'inflation et les indicateurs de croissance. Avec l'espoir que l'inflation et les taux longs ont atteint un pic. Pour l'heure, le risque d'une explosion du défaut sur le crédit est écarté et les échéances importantes sur la dette high yied sont plutôt en 2025 et 2026, selon Allianz GI. Le krach obligataire aura au moins une vertu, celle de redonner une vraie échelle de prix en fonction du risque, le tout à des prix (rendement) qui deviennent attractifs.
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