Le capital-investissement français veut faire jeu égal avec le Royaume-Uni

En 2015, les sociétés françaises de capital-investissement ont injecté 10,7 milliards d’euros dans des entreprises, essentiellement des PME hexagonales. Un montant que l’Association française des investisseurs pour la croissance (Afic) veut doubler d’ici cinq ou six ans, pour rejoindre les 20 milliards investis chaque année par le « private equity » britannique.
Christine Lejoux
Chaque année, le capital-investissement français finance quelque 1.600 PME et TPE.
Chaque année, le capital-investissement français finance quelque 1.600 PME et TPE. (Crédits : CC0 Public Domain)

Les années noires du capital-investissement français semblent révolues. En 2015, pour la troisième année consécutive, les acteurs de ce métier, qui consiste à placer dans des sociétés non cotées l'argent confié par des investisseurs, ont augmenté leurs investissements. Les quelque 280 sociétés de capital-investissement membres de l'Afic (Association française des investisseurs pour la croissance) ont injecté l'an dernier 10,7 milliards d'euros dans des entreprises, essentiellement des PME françaises. Un montant qui représente non seulement un bond de 23% par rapport à 2014, mais qui signe également le retour des investissements du « private equity » français à leur niveau de 2008, avant la crise financière. L'éclatement de cette dernière les avait fait sombrer à un plancher de 4,1 milliards d'euros en 2009, puis stagner à 7 milliards environ jusqu'en 2013.

La satisfaction de Michel Chabanel, président de l'Afic, est pourtant loin d'être totale : « 2015 est un bon cru, mais le palier de 10 milliards d'euros d'investissements demeure loin de celui du Royaume-Uni », a nuancé le dirigeant lors d'une conférence de presse, mardi 29 mars. De fait, bon an mal an, les sociétés britanniques de private equity investissent deux fois plus que leurs concurrentes françaises, soit une vingtaine de milliards d'euros. Or « il n'y a pas de raison que la France, deuxième marché du capital-investissement en Europe, ne se rapproche pas du Royaume-Uni », estime Michel Chabanel. Qui fixe donc pour objectif au capital-investissement français de doubler de taille, d'ici cinq à six ans.

Les encours de l'assurance-vie pèsent près de 1.600 milliards d'euros

Le besoin existe bel et bien. Chaque année, le capital-investissement français finance quelque 1.600 PME et TPE. Une « incroyable stabilité, qui montre que les besoins en fonds propres des entreprises sont assez insensibles aux grandes variations macro-économiques », souligne Olivier Millet, vice-président de l'Afic. Mais les moyens manquent. En effet, bien que les fonds levés par les sociétés françaises de private equity auprès d'investisseurs aient renoué avec leur niveau d'avant-crise, à 9,7 milliards d'euros en 2015, ils ne suffisent pas à combler les besoins en capitaux propres des PME. La faute, en grande partie, aux réglementations de Bâle III et de Solvabilité II. Décidées à la suite de la crise financière de 2008, elles ont renchéri le coût en fonds propres des investissements des banques et des assureurs dans le private equity, amenant ces financeurs historiques du capital-investissement à réduire leurs allocations à cette classe d'actifs. L'an dernier encore, les assureurs et les banques ne sont arrivés qu'en 4ème et en 5ème position, respectivement, dans le classement des souscripteurs aux levées de fonds du capital-investissement français, avec un poids de 16% pour les premiers et de 7% pour les secondes, derrière le secteur public (23%), les fonds de fonds (21%) et les family offices (gestionnaires de fortunes familiales, 18%).

Autre façon de dire les choses, le capital-investissement ne représente que 1% des actifs des assureurs français, alors que cette proportion s'élève en moyenne à 3% en Europe, et oscille entre 6% et 10% aux Etats-Unis. Dommage pour le financement des PME, quand on sait que l'importante épargne des Français est essentiellement investie dans l'assurance-vie, dont les encours pesaient 1.582,3 milliards d'euros à la fin février. « Contrairement au Royaume-Uni, la France ne dispose pas de fonds de pension, lesquels investissent beaucoup dans l'économie réelle. Il faut donc faire en sorte que l'assurance-vie puisse financer plus facilement les entreprises », plaide Michel Chabanel. « La période électorale qui s'annonce devra être favorable à un meilleur fléchage de l'épargne longue et abondante des Français vers l'investissement dans l'économie réelle », prévient le patron de l'Afic.

Les secteurs traditionnels ont la cote auprès du capital-investissement français

D'ores et déjà, la loi Macron, adoptée le 10 juillet 2015, offrira la possibilité aux détenteurs de contrats d'assurance-vie en unités de compte d'opter, à l'échéance et sous certaines conditions, pour des parts de fonds communs de placement à risques (FCPR). Mais Michel Chabanel espère de nouvelles améliorations, notamment sur le front de Solvabilité II. Un premier écrou a été desserré, puisque les assureurs n'ont plus « que » 39 centimes de capital à provisionner pour chaque euro investi dans le non coté, soit un taux de charge de 39%, contre 49% initialement. Mais, sur la base de travaux menés avec Oliver Gottschalg, professeur à HEC, l'Afic estime que ce taux de charge devrait être encore inférieur, eu égard à la moindre volatilité du capital-investissement, par rapport aux actions cotées, qui supportent elles aussi un taux de charge de 39%.

Pour se faire entendre des pouvoirs publics, l'Afic s'appuiera sur ses chiffres 2015, qui « confirment le rôle du capital-investissement dans le financement de l'économie », selon Olivier Millet. Un rôle qui ne se limite pas au financement du secteur très en vogue du high-tech, contrairement à ce que l'on pourrait croire. Les deux secteurs les plus irrigués par le capital-investissement l'an dernier sont en effet des plus traditionnels : l'industrie et la chimie ont récolté 2,6 milliards d'euros, ex aequo avec les transports et les services, devant l'informatique et le numérique (1,7 milliard d'euros). Contrairement à une autre idée reçue, le capital-investissement ne se cantonne pas non plus au financement des startups. En 2015, plus de la moitié (53%) des sociétés financées par le private equity l'ont été dans le cadre d'opérations de capital-développement, lorsqu'il s'agit par exemple de financer leur internationalisation ou des acquisitions. Et de les aider ainsi à passer du stade de PME à celui d'ETI, ces entreprises de taille intermédiaire que le gouvernement, justement, juge trop peu nombreuses en France.

Christine Lejoux

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Commentaires 3
à écrit le 01/04/2016 à 12:08
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En taxant le capital comme le travail, c'est mal engagé....

le 01/04/2016 à 21:22
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Pas du tout. L'investissement en FCPR offre une réduction fiscale de 18% du montant investi. Un peu de recherche permet d'éviter de dire des sottises.

à écrit le 01/04/2016 à 8:20
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c'est sur! tt le monde lorgne sur les 1600 milliards de l'assurance vie, surtout les politicards verreux..... y a de quoi financer le trou de la secu, les gabegies de l'etat, l'explosion des fonctionnaires territoriaux.... et les entreprises canard...

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