Le financement des « licornes » européennes par des fonds étrangers, un faux débat ?

En Europe, du fait du manque de fonds de capital-risque de très grande taille, 40% à 60% des tours de table supérieurs à 10 millions d'euros sont financés par des fonds américains. Les dirigeants du fonds français Idinvest n'y voient pas de problème.
Christine Lejoux
Sigfox, qui déploie un réseau bas débit pour l'Internet des objets, compte bien procéder en 2016 à une levée de fonds supérieure à celle de 100 millions d'euros réalisée en février.

BlaBlaCar, puis Sigfox, de nouveau BlaBlacar et bientôt « re-Sigfox »... Les pépites françaises de la French Tech volent de record en record, en matière de levées de fonds. Après les 100 millions de dollars (90 millions d'euros) engrangés au cours de l'été 2014, BlaBlaCar a embrayé en septembre dernier sur un tour de table de 200 millions de dollars (181 millions d'euros), le plus élevé jamais bouclé par une startup française, et qui a transformé le site de covoiturage en une « licorne », ces startups valorisées plus d'un milliard de dollars. Quant au Toulousain Sigfox, qui déploie un réseau bas débit pour l'Internet des objets, il compte bien procéder en 2016 à une levée de fonds supérieure à celle de 100 millions d'euros réalisée en février. Des montants qui semblent contredire le postulat largement répandu selon lequel la France - et plus largement l'Europe - donnerait aux entrepreneurs les moyens de créer leur société, mais pas ceux nécessaires à la poursuite de son développement. Et ce, en raison du manque de fonds de capital-risque suffisamment importants pour prendre des tickets de plus de 10 millions d'euros dans des startups déjà matures, qui se trouvent par exemple en phase d'internationalisation.

De fait, si la Banque européenne d'investissement (BEI), Bpifrance et la banque publique allemande KfW ont investi un total de 75 millions d'euros dans le fonds Partech Growth, le 27 octobre, c'est bien pour remédier au « déficit de financement en capital dont le marché européen souffre, pour les montants supérieurs à 10 millions d'euros », expliquent les trois institutions dans leur communiqué. Pour mémoire, Partech Growth est un fonds de capital-croissance, lancé par la société de capital-risque éponyme fin janvier. Désormais doté de 370 millions d'euros, Partech Growth a pour mission d'investir chaque année des tickets de 10 millions à 45 millions d'euros dans trois à cinq startups du secteur high-tech, essentiellement sur le Vieux Continent. L'objectif : aider à combler ce fameux déficit de financement qui existe en Europe sur le segment du capital-croissance, et qui fait que 40% à 60% des tours de table supérieurs à 10 millions d'euros sont financés par des fonds américains.

Les fonds anglo-saxons sont de retour en France

Un faux débat pour Benoît Grossmann, « managing partner » chez Idinvest Partners, spécialiste du capital-croissance et dénicheur de pépites comme Sigfox, Criteo, Deezer, Leetchi, ou encore Meetic  : « Est-ce vraiment un problème que des fonds américains financent les gros tours de table des startups françaises ? Ce qui serait gênant, ce serait de ne pas avoir de fonds nationaux capables de financer leurs premiers tours. » Pour Benoît Grossmann, qui s'exprimait à l'occasion de la conférence de presse annuelle d'Idinvest, lundi 14 décembre, il faut au contraire se féliciter d'assister au retour des fonds anglo-saxons dans l'Hexagone : « Les succès de BlaBlaCar, de Sigfox ou encore de Criteo ont fait revenir les fonds britanniques et américains en France, un, pays dont ils ne voulaient plus entendre parler en 2012 », année qui avait vu le déclenchement de la révolte dite des Pigeons, lorsque le gouvernement s'était mis en tête d'alourdir la taxation des plus-values de cession de valeurs mobilières, avant de faire machine arrière, quelques mois plus tard.

Les fonds anglo-saxons ne sont pas les seuls à voir aujourd'hui l'investissement en France avec des yeux différents : « Il y a cinq ans, lorsque vous disiez le mot « Europe » à des investisseurs asiatiques, ils piquaient une crise de fou rire. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, même s'ils demeurent très sélectifs dans leurs investissements dans des PME européennes », affirme Christophe Bavière, président d'Idinvest. Ce dernier estime donc que « l'argent n'est pas une ressource rare » pour les startups et les PME françaises. « Le déficit de financement sur le capital-croissance est une théorie à laquelle je n'adhère pas », insiste de son côté Benoît Grossmann. Et de tacler : « Les entrepreneurs français ne veulent pas plus d'argent. Ce dont ils ont besoin, c'est qu'on les laisse travailler. » Comprendre, que les pouvoirs publics n'aient pas la main trop lourde en matière réglementaire et fassent preuve de stabilité dans ce domaine.

Christine Lejoux

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Commentaire 1
à écrit le 16/12/2015 à 11:31
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L'on nous bassine sans cesse de rhétoriques sur des paradoxes ou des faux débats ! A force d'abrutir les générations, surtout les nouvelles avec des drogues d'illusionnisme mercantile sans foi ni loi, il n'est pas surprenant que nos élites gouvernan...

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