Les fintech obligent les régulateurs à un numéro d’équilibriste

Favoriser l’essor de ces startups spécialisées dans les technologies financières, sans pour autant mettre en danger la stabilité de la finance mondiale, tel est le dilemme face auquel se trouvent confrontés les régulateurs de par le monde.
Christine Lejoux
En l’espace de cinq ans seulement, les investissements dans les fintech ont été multipliés par plus de dix à l’échelle mondiale, passant de 1,8 milliard de dollars en 2010 à 19 milliards l’an dernier, selon les analystes de Citi.

Les fintech, ces startups qui se font fort de révolutionner l'industrie financière avec des services plus transparents et meilleur marché, n'ont pas encore mis les banques au tapis. Loin de là. Et pareille éventualité ne se produira sans doute jamais : « Prétendre que de petites entreprises comme les fintech remplaceront les banques serait au minimum arrogant », a volontiers admis Nicolas Lesur, président de Financement Participatif France, l'association professionnelle du crowdfunding, lors du « Fintech Summit » qui s'est déroulé à Paris, mercredi 4 mai. Mais, sans aller jusqu'à remplacer purement et simplement les acteurs traditionnels de la finance, nul doute que les fintech sont appelées à peser lourd dans l'économie. De fait, en l'espace de cinq ans seulement, les investissements dans ces jeunes pousses ont été multipliés par plus de dix à l'échelle mondiale, passant de 1,8 milliard de dollars en 2010 à 19 milliards l'an dernier, selon les analystes de Citi.

Des investissements qui ne sont pas seulement le fait des fonds de capital-risque, à l'affût de pépites susceptibles d'être revendues dans quelques années avec un joli multiple de valorisation, mais également des banques. Dans le contexte de la révolution numérique, ces dernières « ont réalisé qu'elles devaient se réinventer, certes en capitalisant sur leurs ressources internes, mais aussi en nouant des partenariats avec des fintech, lesquelles apportent une véritable valeur ajoutée et sont capables d'adapter très rapidement leurs business models à des environnements changeants », souligne Alain Papiasse, directeur général adjoint de BNP Paribas.

Le risque de briser la capacité d'innovation des fintech

Bref, le phénomène des fintech est devenu important, suffisamment, en tout cas, pour que les régulateurs, un peu partout dans le monde, se penchent sur le cas de ces nouveaux entrants dans la finance. Avec le dilemme suivant : comment assurer la sécurité des épargnants et autres clients des fintech, sans briser la capacité d'innovation de ces jeunes pousses en leur imposant les lourdes contraintes réglementaires du secteur financier ? Sans, non plus, les amener à se délocaliser dans des pays où la réglementation est plus souple, comme le Royaume-Uni, couronné première place mondiale de la fintech, devant New York, San Francisco, Francfort ou encore Paris? Une course qui revêt d'importants enjeux en matière de compétitivité économique et d'emploi.

« Les fintech ne peuvent être ni un no man's land, car la finance ne s'est jamais développée sans un cadre réglementaire, ni un secteur sur-régulé. Il va falloir réglementer et réguler différemment, en cheminant aux côtés des fintech et non pas en les précédant, au risque, sinon, de bloquer leur capacité d'innovation. Le défi, pour la puissance publique, sera de disposer d'un cadre réglementaire souple mais sécurisé »,

a déclaré Emmanuel Macron, le ministre de l'Economie, mardi 3 mai, dans le cadre d'un événement organisé à Paris par l'association professionnelle France Fintech. Mark Carney, à la tête du Conseil de stabilité financière, émanation du G20 qui planche sur un cadre réglementaire pour les fintech, n'avait pas dit autre chose, lors d'un entretien à l'agence Reuters, le 31 mars : « Nous devons évoluer parallèlement au développement des fintech, de façon à ne pas étouffer leur capacité d'innovation, mais sans perdre de vue l'amélioration de la résistance du système (financier). » De même, dans un rapport publié le 19 avril, le Forum économique mondial avait enjoint les acteurs traditionnels de la finance, les régulateurs et les fintech à collaborer, afin de définir des règles favorisant l'essor de la finance 2.0, tout en « préservant la stabilité financière mondiale ».

Un esprit de dialogue entre fintech et superviseurs

Face à cette nécessité « d'expérimenter de nouvelles façons de faire de la régulation », Sébastien Raspiller, sous-directeur du financement des entreprises à la direction générale du Trésor, a exhorté mercredi les fintech « de ne jamais hésiter à nous demander de faire partie des discussions » portant sur les évolutions réglementaires. C'est dans cet esprit de dialogue que l'Autorité des marchés financiers (AMF) et l'Autorité de contrôle prudentiel et de régulation (ACPR) ont annoncé, mercredi, dans un entretien aux Echos, la création d'un forum consultatif à destination des fintech. Lesquelles bénéficieront par ailleurs d'un guichet unique, commun au gendarme des marchés financiers et à celui du secteur bancaire, pour leurs demandes d'agréments.

Pour autant, le débat entre, d'une part, l'élaboration de réglementations spécifiques aux fintech et, d'autre part, le maintien de règles applicables à l'ensemble des entreprises de la finance, mais proportionnellement à leur jeunesse, n'a pas encore été tranché. Marie-Anne Barbat-Layani, directrice générale de la Fédération bancaire française (FBF), a son avis sur la question : « Ceux qui veulent avoir le même rôle que les banques doivent se plier aux mêmes règles. »

Christine Lejoux

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