"Mon objectif est que le capital-investissement français double de taille d'ici à 5 ans"

Ce mercredi 15 juin, l'Afic (Association professionnelle des investisseurs pour la croissance), le porte-voix du capital-investissement français, a élu son nouveau président pour les deux prochaines années. Il s'agit d'Olivier Millet, président du directoire d'Eurazeo PME, qui succède à Michel Chabanel. A un an de l'élection présidentielle, Olivier Millet juge légitime que le capital-investissement, compte tenu de son poids, participe au dialogue sur les choix de politique économique.
Olivier Millet, le président de l'Afic.

LA TRIBUNE - Vous venez d'être élu président de l'Afic. Quels seront vos chantiers prioritaires pour les deux prochaines années ?

OLIVIER MILLET - J'ai la chance d'assurer la continuité de notre association dans un contexte de croissance, contrairement à certains de mes prédécesseurs de ces dernières années. Leurs présidences avaient en effet été marquées par la nécessaire réunification des acteurs du capital-investissement français, ainsi que par la défense des intérêts de notre profession et, plus largement, des actionnaires des entreprises.

A douze mois de l'élection présidentielle, nous voulons entrer en campagne, sur le front de la politique économique. Le capital-investissement français a plus de 30 ans d'existence, il a levé l'an dernier 10 milliards d'euros et investi autant dans quelque 1.600 startups, PME et ETI. Au total, nous soutenons plus de 5.000 entreprises, lesquelles, avec l'effet de levier de la dette, présentent une valeur sous-jacente de 100 milliards d'euros, soit 10% de la capitalisation boursière de l'indice CAC 40. Il est donc légitime que le capital-investissement français participe au dialogue sur les choix de politique économique, dans la perspective des élections présidentielle et législatives.

Quelles sont vos revendications?

Nous n'avons pas de revendication catégorielle, mais nous voulons que les pouvoirs publics aient une conscience accrue de l'impact macro-économique de notre activité. Qui sait que les entreprises soutenues par le capital-investissement ont une croissance deux fois supérieure à celle du PIB français ? Nous allons donc expliquer ce que le capital-investissement fait depuis 30 ans, et ce qu'il pourra faire demain dans l'intérêt général du pays. Notre ambition est de proposer un doublement de nos capacités en fonds propres, pour accompagner une augmentation de la taille moyenne des entreprises non cotées. Nous contribuons ainsi à la base fiscale, et donc, on l'espère, à réduire la pression fiscale individuelle.

Vous n'avez donc pas le sentiment que le rôle du capital-investissement est aujourd'hui mieux compris?

L'une des tâches du président de l'Afic consiste à répéter ce que ses prédécesseurs ont déjà dit de très bien. Mais au-delà, je souhaite renforcer l'idée qu'il faut du temps pour transformer les entreprises, les faire passer du stade de PME à celui d'ETI, puis pour qu'elles deviennent des ETI européennes et, enfin, mondiales. C'est cette augmentation de la taille moyenne des sociétés non cotées qui constitue l'un des principaux enjeux du tissu économique français : il existe en France deux fois plus d'entreprises non cotées qui font deux fois moins de chiffre d'affaires qu'au Royaume-Uni et en Allemagne.

Si nous n'injectons pas plus de capital dans ces entreprises françaises au cours des dix prochaines années, notre économie patinera. J'aurai bien travaillé s'il est admis que les professionnels du capital-investissement agissent dans une optique de long terme, c'est-à-dire à cinq ou dix ans. Avec le développement des LBO secondaires, il peut même s'écouler une quinzaine d'années avant qu'une société financée par le capital-investissement entre en Bourse ou soit rachetée par un industriel.

Justement, les 10 milliards injectés l'an dernier par le capital-investissement français dans les entreprises constituent un record depuis la crise financière de 2008. Comment se présente l'année 2016 ?

Je pense qu'elle sera encore meilleure que 2015, tant sur le plan des levées de capitaux que sur celui des investissements. Il y a plus de deals, et surtout davantage de grosses opérations. Mon objectif est qu'à cinq ans le capital-investissement français ait doublé de taille pour faire jeu égal avec le Royaume-Uni, qui investit 20 milliards d'euros par an dans le non coté.

Comment relever ce défi, les investisseurs institutionnels français plaçant moins de 1% de leurs actifs dans le non coté, contre une moyenne de 3% en Europe ?

Aujourd'hui, 30% à 40% des fonds levés chaque année par le capital-investissement français, soit 3 à 4 milliards d'euros, proviennent de l'épargne longue étrangère. Il s'agit là d'un indicateur avancé d'une opinion positive de la France. Qu'est-ce que les investisseurs étrangers voient que les Français ne discernent pas ? Ils reconnaissent la solidité des entreprises françaises, la qualité de leurs managers, la sécurité financière et juridique du pays, une infrastructure du capital-investissement français qui est l'une des meilleures au monde.

Au cours des deux prochaines années, je passerai beaucoup de temps à expliquer aux gérants français de l'épargne longue qu'avec un TRI net de l'ordre de 11% par an sur 10 ans, le capital-investissement français est une classe d'actifs extrêmement rentable, surtout dans l'environnement actuel de taux très bas.

C'est également une classe d'actifs risquée et peu liquide...

Certes, l'investissement dans le non coté peut être perçu comme risqué si l'on raisonne à l'échelle d'une seule entreprise, mais, dans chacun des portefeuilles des investisseurs institutionnels, le risque est réparti sur plusieurs dizaines de participations. Il y a peu de casse dans le capital-investissement par rapport à la rentabilité obtenue. D'abord parce qu'il n'existe pas de risque systémique, le risque étant parcellisé, et ensuite grâce à notre très forte mobilisation vis à vis des entreprises, puisque nous sommes membres de leurs conseils d'administration.

Quant au manque de liquidité, il se pose en effet à l'échelle de chaque entreprise, mais des fonds secondaires se sont créés, qui permettent d'offrir de la liquidité aux investisseurs en rachetant des parts de fonds de capital-investissement. C'est aujourd'hui un marché très vaste.

De plus, à l'heure où les institutionnels doivent de plus en plus investir sur la base de critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), lesquels constituent l'enjeu clé d'un développement durable des entreprises, la France est le pays du monde qui compte le plus grand nombre de sociétés de capital-investissement ayant signé les principes pour un investissement responsable des Nations Unies.

Un Brexit pourrait-il aider le capital-investissement français dans son objectif de rattraper le Royaume-Uni, en entraînant par exemple un rapatriement de capitaux en Europe continentale ?

Le sujet, là, n'est pas le Brexit mais l'attractivité de la France, nous y travaillons. Plus largement, perdre l'allié britannique ne permettrait pas de favoriser le développement économique de notre pays, car nous perdrions le porte-avion de la relation avec le monde nord-américain.

Pourquoi avez-vous souhaité devenir président de l'Afic ?

Occuper cette fonction n'a de sens qu'après avoir franchi un certain nombre d'étapes dans le métier du capital-investissement, que je pratique depuis une trentaine d'années. En outre, ce métier m'a apporté tant de satisfactions personnelles qu'aujourd'hui j'ai envie de travailler davantage pour servir l'intérêt général. Cela représente un challenge supplémentaire.

___________________________________________________

Biographie

Diplômé de l'Ecole Supérieure de Commerce et de Marketing, Olivier Millet, né en 1964, est marié et père de cinq enfants. Fondateur en 1986 de la publication professionnelle Capital Finance, il intègre en 1990 la société de capital-investissement 3i. En 1994 il rejoint Barclays Private Equity, qui vient alors d'ouvrir son antenne à Paris et participe à son développement durant onze ans. En 2005, Olivier Millet crée une nouvelle société d'investissement avec le soutien de MACIF/OFI AM, OFI Private Equity. Il vend en 2011 OFI Private Equity au groupe Eurazeo, qui devient alors Eurazeo PME, la filiale à 100 % du groupe dédiée aux PME.

Olivier Millet est aujourd'hui président du directoire d'Eurazeo PME et siège au comité exécutif d'Eurazeo. Il était administrateur, vice-président et trésorier de l'Afic depuis 2014. Engagé en faveur de l'ESG (environnement, social, gouvernance), il avait par ailleurs structuré la Commission ESG de l'Afic, qu'il a présidé pendant 6 ans, jusqu'en 2015.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.