La cashless society n'est pas pour demain. L'explosion du paiement par carte sans contact et la promesse de nouveaux types de paiements digitaux (paiement instantané, virement P2P...) pouvaient laisser croire à une rémission rapide de l'antique paiement en espèces. Une étude de la Banque centrale européenne (BCE) sur les habitudes de paiement des ménages dans la zone euro souligne cependant la résilience des paiements en cash.
Nous sommes donc encore loin de l'exemple de la Norvège (hors zone euro) où, selon une toute récente étude de la banque centrale de Norvège, les espèces ne représentent plus que... 4% des transactions.
Décrue plus prononcée en France
Certes, l'édition 2019 de cette vaste enquête confirme une tendance de long terme : la lente décrue des espèces dans les transactions au profit des paiements digitaux. Mais, l'an dernier, le cash reste le moyen de paiement le plus utilisé par les consommateurs pour leurs transactions dans les points de vente ou entre les particuliers : Il représente 73% des transactions (48% en valeur) en moyenne dans la zone euro, contre 79% trois ans plus tôt (54% en valeur).
En France, pays de «l'interbancarité » où l'usage de la carte de paiement s'est développé plus vite que dans les autres pays européens, la baisse de l'usage du cash est logiquement plus marquée : les espèces concernent 59% des transactions de proximité (25% en valeur), contre 68% en 2016 (28% en valeur).
A l'inverse, les cartes de paiement ont gagné cinq points de pourcentage en trois ans sur la zone euro, en passant de 19% à 24% (de 39 à 41% en valeur) et huit points de pourcentage en France, de 27% à 35% des transactions (59% à 57% en valeur, une diminution qui s'explique par un usage de la carte pour de plus faibles montants).
Les petits commerces acceptent de plus en plus le paiement par carte
Si le cash fait de la résistance, la crise sanitaire, qui a vu une généralisation du paiement par carte dans des petits commerces de proximité (tabacs, boulangeries), grâce à une meilleure acceptation des commerçants eux-mêmes, devrait accélérer la tendance en faveur des paiements digitaux.
La BCE a mené une enquête en juillet 2020 auprès des consommateurs sans tirer cependant de conclusions définitives sur l'impact à long terme de la crise sur le comportement de paiement. Cette enquête avait notamment souligné que 40% des sondés utilisaient « moins » les espèces depuis le début de la crise.
Le défi de l'accès au cash
Reste qu'il existe encore des freins, souvent psychologiques, à la généralisation du paiement digital, notamment les craintes de la fraude ou du piratage. Les espèces représentent également une épargne jugée fiable par les ménages et un tiers des européens conservent un bas de laine en cash chez eux, comme épargne de précaution. Enfin, le cash reste le mode de paiement privilégié par les classes les plus défavorisées.
C'est pourquoi les banques centrales, notamment la Banque de France, restent très attachées au maintien de l'accès du cash. Les agences bancaires ont depuis longtemps quasiment renoncé à cette fonction de caisse, désormais assurée par les distributeurs automatiques (60% des retraits d'espèces en volume). Mais ces derniers sont également en déclin, notamment dans les zones rurales.
Et l'érosion du nombre d'agences bancaires dans de nombreux pays (même si la France est, pour l'heure, relativement préservée) devrait amplifier le mouvement de désertification des distributeurs automatiques. Un service perçu par les banques avant tout comme un centre de coûts.
Certains transporteurs de fonds ou fabricants de distributeurs développent ainsi des services de sous-traitance de plus en plus intégrés aux banques, quitte à gérer eux-mêmes des parcs de distributeurs, comme en Belgique.
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