Scandale Wirecard : le procès de l'ex-patron s'ouvre devant la justice allemande ce jeudi

Le procès-fleuve de Markus Braun, ancien patron du prestataire de paiement Wirecard s'ouvre ce jeudi à Munich, deux ans et demi après qu'il a révélé, avec les autres dirigeants, que 1,9 milliard d'euros d'actifs, soit un quart de la taille du bilan, n'existaient, en réalité, pas, provoquant son krach. Une affaire qui, au-delà de son aspect financier, a révélé les lacunes du superviseur allemand des marchés financiers et pointé du doigt le monde politique pour avoir fermé les yeux.
Wirecard, prestataire de paiement, jadis considéré comme un fleuron du secteur numérique, est parvenu à faire illusion jusqu'à son krach en juin 2020.
Wirecard, prestataire de paiement, jadis considéré comme un fleuron du secteur numérique, est parvenu à faire illusion jusqu'à son krach en juin 2020. (Crédits : MICHAEL DALDER)

Un scandale « sans précédent » dans l'Allemagne d'après-guerre. C'est ainsi que l'ancien ministre des Finances de l'époque Olaf Scholz, depuis devenu chancelier, avait qualifié cette affaire hors norme dont le procès s'ouvre, ce jeudi à Munich. Un procès-fleuve qui démarre à 09h00 locales dans une salle sécurisée au sein de la prison de Stadelheim, dans la capitale bavaroise, et qui se poursuivra au moins jusqu'en 2024.

L'occasion de revenir sur les événements qui ont précédé la faillite, deux ans et demi plus tôt, de Wirecard. Ce prestataire de paiement, jadis considéré comme un fleuron du secteur numérique, est parvenu à faire illusion jusqu'à son krach en juin 2020.

Au-delà de Wirecard, c'est bien Markus Braun, qui en était aux commandes, qui sera jugé. Il est accusé de fraude comptable, de manipulation de marché, d'abus de confiance particulièrement graves et d'escroquerie en bande organisée. Deux anciens cadres seront également dans le box des accusés: Stephan von Erffa, ancien chef comptable, et Oliver Bellenhaus, ancien directeur d'une filiale basée à Dubaï, qui va servir de « témoin clé » pour l'accusation. L'Autrichien Jan Marsalek, ancien bras droit de Markus Braun et considéré comme un acteur central de la fraude présumée, figure, lui, aux abonnés absents. Il est en cavale depuis deux ans et demi et il est soupçonné d'avoir bénéficié de complicités au sein de certains services secrets et d'être lié à des intérêts russes ou libyens.

Simple escroc agissant en chef de bande

Markus Braun s'est, jusque-là, montré peu loquace. Austère et longiligne, cet Autrichien de 53 ans, en détention provisoire depuis le début de l'enquête, a conservé la même ligne de défense : il nie tout délit et se considère plutôt comme victime de la fraude. Il était resté muet lors de son audition devant une commission d'enquête parlementaire à Berlin.

C'est pourtant lui qui a hissé Wirecard au sommet après en avoir pris la tête en 2002. Ce n'était alors qu'une jeune start-up qui gagnait de l'argent grâce aux sites pornos et jeux d'argent et que cet ingénieur informatique de formation est parvenu à hisser jusqu'à l'élite de la Bourse allemande, l'indice Dax, en 2018. La firme d'Aschheim, dans le sud de l'Allemagne, valait ainsi plus que le mastodonte Deutsche Bank, faisant de Markus Braun, qui détenait 7% des actions, un milliardaire. À cette époque, l'homme se plait à exposer sa vision de l'avenir numérique tout en cultivant les ressemblances avec un certain Steve Jobs, en s'affichant avec les mêmes cols roulés sombres caractéristiques de l'ancien patron d'Apple.

Aujourd'hui, c'est un simple escroc agissant en chef de bande que le parquet de Munich entend juger. Ce dernier le tient, en outre, comme principal responsable de ce scandale révélé au grand jour après que les dirigeants de Wirecard ont avoué que 1,9 milliard d'euros d'actifs, soit un quart de la taille du bilan, n'existaient pas en réalité. L'enquête a, en effet, mis à jour les comptes de Wirecard pour les années 2015 à 2018 qui avaient enjolivé la situation, afin de rendre l'entreprise attractive pour les investisseurs. Ces derniers ont perdu, au total, plus de 20 milliards d'euros et les banques créancières 2 milliards d'euros.

Dans les faits, une partie des commissions basées sur des paiements ne provenaient pas de Wirecard mais de prétendus tiers en Asie et dans la région du Golfe, qui avaient une licence pour opérer.  Or, « il n'y avait en réalité aucun revendeur mis en relation par ces partenaires » et donc aucun chiffre d'affaires tangible, selon l'acte d'accusation. Wirecard a pu cependant se financer des années durant, pour combler ses pertes réelles.

Retentissement politique

Au delà de l'aspect financier, l'affaire a, également, eu un retentissement politique en ce qu'elle a révélé les lacunes du superviseur allemand des marchés financiers (BaFin), placé sous la tutelle du ministère des Finances, et du cabinet d'audit comptable, la multinationale EY. Ce dernier, incapable de déceler la fraude dans les comptes de Wirecard qu'il auditait, a vu sa réputation ternie. Acculée, l'autorité des marchés financiers allemande s'est excusée de n'avoir « pas su empêcher » ce « désastre complet » après avoir soutenu le cours de Bourse de Wirecard lors des premières révélations du Financial Times« La politique doit s'assurer que la supervision fonctionne », or « il y a eu des carences », estime ainsi Volker Brühl, professeur au Center for Financial Studies à Francfort. Personne n'était prêt à « admettre que des fraudeurs étaient à l'œuvre chez Wirecard », explique-t-il à l'AFP.

D'autant que plusieurs personnalités du monde politique se sont affichées à ses côtés dont l'ancienne chancelière Angela Merkel, qui s'était rendue en Chine accompagnée de l'ex-PDG de Wirecard en septembre 2019. Elle a d'ailleurs admis un « scandale sans équivalent dans le monde de la finance » qui constitue « un signal d'alarme montrant que nous avons besoin de davantage de contrôle ». En avril 2021, elle s'était défendu d'avoir réservé un « traitement spécial" à Wirecard et de l'avoir promue lors du voyage officiel en Chine. « Wirecard n'a eu droit à aucun traitement spécial », avait-elle affirmé lors d'une audition devant la commission parlementaire enquêtant sur ce scandale. Assurant que « malgré tous les articles de presse, il n'y avait aucune raison à l'époque de supposer qu'il y avait de graves irrégularités chez Wirecard », la dirigeante de l'époque avait toutefois admis qu'elle n'avait « pas suivi » les révélations du FT. De son côté, Olaf Scholz avait été mis en cause par l'opposition pour avoir, lui aussi, eu vent des enquêtes en cours contre Wirecard mais n'avoir pas réagi plus tôt. La commission d'enquête parlementaire n'a toutefois pas réussi toutefois à pointer la responsabilité des gouvernants.

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