Worldline et Nets rejoignent le projet européen des paiements EPI

Les deux poids lourds de l’industrie européenne des paiements sont devenus actionnaires de la société qui pilote le projet EPI, soutenu par 16 banques européennes. La société, qui est temporaire, se dote parallèlement d’une gouvernance. L’Initiative européenne des paiements (EPI) vise à créer un système européen unifié des paiements, concurrent de Visa et de MasterCard.
Le numéro un européen des paiements Worldline et son concurrent scandinave Nets sont désormais partie prenante du projet de paiement européen EPI.
Le numéro un européen des paiements Worldline et son concurrent scandinave Nets sont désormais partie prenante du projet de paiement européen EPI. (Crédits : CHRISTIAN HARTMANN)

L'annonce était attendue par tous les professionnels européens des paiements. Deux poids lourds industriels, le français Worldline et l'acteur scandinave Nets, ont annoncé, ce mercredi, leur entrée au capital de l'EPI Interim Company, basée à Bruxelles, et chargée de lancer les travaux de mise en œuvre de ce projet européen ambitieux, l'Initiative européenne des paiements (EPI).

Ce projet, officiellement lancé le 2 juillet dernier à l'initiative de 16 grandes banques européennes, de cinq pays de la zone euro, vise à créer un nouveau standard européen des paiements, transfrontaliers et domestiques, susceptible de s'affranchir de prestataires non européens, comme Visa et MasterCard. Ce projet est clairement soutenu par la Banque centrale européenne (BCE) et, fait nouveau, par la Commission européenne elle-même, au nom de "la souveraineté européenne".

Un atout majeur

Avant le lancement de la phase opérationnelle, prévue en 2022, la société intérimaire a pour mission de définir la feuille de route technique. C'est pourquoi la venue dans ce programme des premiers acteurs non bancaires, comme Worldline et Nets, tous deux spécialisés dans le traitement des paiements auprès des commerçants (acquéreurs), est un atout majeur pour sa réussite.

"D'autres discussions avec plusieurs acteurs de l'industrie sont en cours, à un stade avancé", précise le communiqué commun aux 16 banques du projet.

Ouvrir le jeu

"Cette participation des industriels est extrêmement importante. Elle ouvre le jeu à des acteurs non bancaires clés dans l'écosystème des paiements, apporte une puissance de frappe importante au projet EPI et devrait faciliter la couverture de marchés européens qui ne sont pas encore bien couverts par l'alliance, comme l'Europe du Nord et l'Italie", estime Hervé Sitruk, président de France Payments Forum.

De fait, le projet EPI prend son essor dans un paysage européen des paiements en pleine consolidation. Déjà, la fusion entre Worldline et Ingenico avait créé le numéro un européen des paiements (et numéro quatre mondial). Et Nets est en pourparlers pour fusionner avec son homologue italien Nexi, qui vient de conclure le rachat de la société informatique italienne SIA, également spécialisée dans les paiements.

Cette opération, si elle devait se concrétiser, permettrait aux deux acteurs de ravir le première place européenne à Worldline. Mais, elle inciterait surtout fortement les banques italiennes à rejoindre le projet EPI compte tenu de l'engagement de Nets.

Course de vitesse

Or, de l'avis des professionnels, tout est une question de "vélocité", selon l'expression d'un banquier, face aux appétits grandissants des grands acteurs mondiaux, y compris les GAFA. "Il faut aller très vite. Les géants mondiaux comme MasterCard et Visa multiplient les initiatives pour s'imposer en Europe. Et la seule réponse aujourd'hui face à cette offensive est une réponse industrielle et c'est l'EPI qui la porte", confirme Hervé Sitruk.

Les deux grands scheme américains ne restent pas en effet sans réagir. Ils procèdent à de nombreuses acquisitions, prises de participation ou partenariats dans les activités de processing en Europe. Ils bénéficient de plus de leur assise mondiale. Visa, par exemple, propose en Europe son service de paiement instantané, Visa Direct, une solution de "très bonne qualité", selon un expert, et MasterCard déploie sa stratégie multi-rails en Europe et se lance dans le paiement instantané, notamment au Canada, via sa filiale VocalLink et crée même un ACH (système de transfert de fonds P2P) aux Etats-Unis.

Deux chantiers à mener de front

Dans cette course contre la montre, les partenaires de l'EPI peuvent compter sur le soutien de la BCE, qui tente désormais de convaincre les grandes banques européennes encore récalcitrantes, notamment en Italie, au Portugal et en Autriche, de rejoindre l'alliance. "Il manque encore une dizaine de grandes banques européennes pour consolider le projet", juge un observateur.

Le défi est d'autant plus grand à relever pour les banques qu'elles doivent mener de front le développement de la monnaie digitale, un chantier prioritaire pour les banques centrales, là aussi, pour contrer les initiatives internationales, comme l'e-yuan chinois ou le libra de Facebook. "Les banques peuvent mener les deux projets simultanément", avait estimé, en substance, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, lors des rencontres d'Europlace.

Pas de Français à la tête de la société EPI

Dans la foulée de l'annonce du nouvel actionnariat, la société intérimaire de l'EPI a précisé sa gouvernance. Sans surprise, c'est un Allemand qui prend la présidence du conseil d'administration, en la personne du Dr. Joachim Schmalzl, issu de l'univers des caisses d'épargne allemandes.

En revanche, les observateurs s'attendaient à la nomination d'un Français à la direction générale, compte du poids des banques françaises dans le projet (plus d'un tiers des droits de vote).

Finalement, c'est Martina Weimert qui est nommée à ce poste. C'est en fait une demi-surprise. En effet, en tant qu'associée du cabinet Oliver Wyman, elle est la cheville ouvrière du projet depuis deux ans et la principale interlocutrice des banques. Elle était déjà partie prenante du premier projet paneuropéen Monnet, avorté en 2012, faute de consensus bancaire et de soutien des autorités européennes.

"Il est assez logique que Martina termine sa mission en organisant la structure définitive qui va porter le nouveau système de paiement", juge un observateur. Il est donc plus que probable qu'un Français prenne alors la direction opérationnelle de la nouvelle structure.

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