La BCE sonne la fin de la "morphine monétaire"

Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne (BCE), s'est livré à un travail d'équilibriste : il a annoncé la fin des achats de dette pour soutenir l'économie en décembre prochain, mais un maintien des taux d'intérêt à leur niveau historiquement bas jusqu'à l'été 2019. L'euro a chuté dans la foulée mais les marchés sont rassurés.
Le président de la BCE, Mario Draghi, lors de la conférence de presse à Riga, ce jeudi.
Le président de la BCE, Mario Draghi, lors de la conférence de presse à Riga, ce jeudi. (Crédits : BCE)

C'était une réunion très attendue. La Banque centrale européenne (BCE) a comme promis fourni un calendrier relativement précis de la sortie de sa politique monétaire accommodante. Le président de la BCE, Mario Draghi, a annoncé ce jeudi 18 juin, lors d'une conférence de presse à Riga, où se tenait l'une des réunions "hors les murs" de l'institution européenne, que la BCE mettrait un terme à son programme d'achats de dettes ("quantitative easing" ou QE en anglais) à la fin de cette année. Mais il ne prévoit pas de toucher aux taux d'intérêt, à un niveau historiquement bas, "jusqu'à la fin de l'été 2019", une formulation "délibérément imprécise", a-t-il reconnu.

Le taux des dépôts à la BCE est actuellement négatif (-0,40%). Le taux de refinancement reste à 0%, le taux de prêt marginal à 0,25%.

"Nous n'avons pas discuté de la question de savoir s'il fallait relever les taux et quand le faire", a même déclaré Mario Draghi lors d'une conférence de presse. "Une stimulation significative par la politique monétaire demeure nécessaire pour que les pressions sur les prix intérieurs continuent de s'édifier et pour soutenir l'évolution de l'inflation publiée à moyen terme", a-t-il ajouté.

La BCE, qui s'est fixée pour objectif une hausse des prix légèrement inférieure à 2% en rythme annuel, table désormais sur 1,7% cette année, le même niveau (inchangé) en 2019 et en 2020. Elle a revu à la baisse sa prévision de croissance du PIB dans la zone euro pour l'année 2018, de 2,4% à 2,1%.

Lancé en janvier 2015, le programme d'achats d'actifs, qui s'élevait à 60 milliards d'euros par mois jusqu'en décembre dernier, baissera de 30 milliards d'euros à 15 milliards à partir de septembre prochain avant de s'arrêter définitivement. Ou presque.

« Cela ne marque pas la fin de l'assouplissement quantitatif en Europe. La BCE va réinvestir la dette arrivant à échéance pendant une période prolongée après la fin des achats nets, continuant ainsi à injecter des liquidités sur les marchés obligataires européens dans un avenir prévisible, mais à un rythme beaucoup plus lent qu'au cours des deux dernières années », a relevé Wolfgang Bauer, gérant du fonds Absolute Return Bond chez M&G.

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BCE draghi Guindos

[Luis de Guindos, le vice-président de la BCE, Zoja Razmusa, de la banque centrale de Lettonie, Mario Draghi, Christine Graeff, la directrice de la communication de la BCE, à la conférence de presse de Riga ce jeudi 18 juin. Crédits : BCE]

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Vers la fin du QE mondial ?

L'euro a accusé le coup, les investisseurs avaient espéré un relèvement des taux plus tôt. Toutefois, ils craignaient aussi un changement de cap brutal comme celui de la Fed en 2013 (le "tapering"). Les marchés d'actions en Europe ont tous fini largement en hausse.

« Les marchés ont favorablement accueilli cette annonce avec une baisse de 4 points des taux et un euro sous les 1,17. Communication donc réussie pour Mario Draghi qui signe ici un tapering à la canada dry - cela a la couleur et le goût du tapering, mais ce n'est pas vraiment un tapering... » a analysé Nicolas Forest, le directeur de la gestion obligataire chez Candriam.

Même perception positive chez l'agence de notation Fitch.

« La décision prise aujourd'hui de mettre fin à l'assouplissement quantitatif [...] met fin à des mois d'ambiguïté », a commenté Robert Sierra, directeur de l'équipe économique de Fitch Ratings, qui se félicite de « l'affichage explicite des engagements préalables de la BCE, afin d'éviter le "taper tantrum" observé aux États-Unis en 2013, lorsque l'assouplissement quantitatif a été initialement réduit et que les attentes du marché concernant les hausses de taux d'intérêt en suspens aux États-Unis ont réagi de manière excessive. »

Les investisseurs mondiaux doivent se préparer à la fin de ces interventions massives des banques centrales sur les marchés, aux effets souvent comparés à ceux de "piqûres de morphine" auxquelles il est difficile de mettre un terme brutal.

« Dans la foulée du changement de message de la Fed hier soir, c'est un grand jour pour la normalisation des politiques : la fin de l'assouplissement quantitatif mondial est proche », complète l'expert de Fitch Ratings.

Cela ne sera pas sans conséquence sur le marché des changes, au lendemain du relèvement des prévisions de hausse des taux annoncé par la Réserve fédérale américaine.

« À moyen terme, jusqu'à la fin de l'été en tout cas, l'euro devrait rester relativement faible. [...] Les différentiels de taux d'intérêt vont rester importants entre les deux zones monétaires, et ils vont soutenir le dollar contre l'euro », a estimé Valentin Bissat, économiste stratégiste chez Mirabaud AM, interrogé par l'agence Reuters.

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Commentaires 5
à écrit le 16/06/2018 à 9:49
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La banque centrale Européenne devrait avoir comme les banques Américaines ou Anglaise , l' objectif de faire baisser le chômage.L'Amérique n'hésite pas à utiliser leur monnaie ou les taux d'intérêt de manière réactive comme arme contre le chômage. ...

à écrit le 15/06/2018 à 8:49
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IL A RAISON ARRETTONS D ENPRUNTE CAR CELA AUGMENTE LA DETTE? EST LA DETTE C EST COMME UN NOEUD COULENT AUTOURS DU COU DES EUROPEENS.? A QUI PROFITE CETTE DETTE AUX AMERICAINS CAR C EST EUX QUI POSSEDENT LES PLUS GROSSES BANQUES?///IL Y A DEUX MANIERE...

à écrit le 15/06/2018 à 8:34
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Et si, dans les prochains mois, l'inflation de la ZE redescend à 1-1.2%, que fait-on ? De plus, la BCE doit avoir des problèmes pour trouver des obligs allemandes "investment grade" afin de respecter le quota d'allocation de ses achats en fonction d...

à écrit le 14/06/2018 à 23:13
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J'aimerai pas être à sa place quand même. Le système financier est devenu une "économie" subventionnée. Il est temps de cesser, mais en évitant une crise financière ou ce seront encore les petits qui payerais. Quel que soit le domaine, il faut ...

à écrit le 14/06/2018 à 19:31
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C'est beau la Loi de l’offre et de la demande, le marché libre... LOL Vite un frexit.

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