La Caisse des dépôts teste la Blockchain dans le prêt de titres

Un consortium regroupant la CDC, le Crédit Agricole, CNP, Natixis et Octo va expérimenter les "smart contracts" en s'appuyant sur cette technologie novatrice de stockage et transmission d'information.
Delphine Cuny
La Blockchain intéresse de nombreux acteurs de la banque et la finance et les expérimentations se multiplient.

Le consortium LaBChain mené par la Caisse des dépôts (CDC) a dévoilé ce jeudi l'avancée de ses travaux sur un nouveau cas d'usage de la technologie Blockchain dans la finance : il s'agit des prêts de titres, et plus exactement de la gestion du "collatéral", c'est-à-dire l'actif utilisé pour garantir le crédit (en espèces, en obligations ou en lettres de crédit), dans ces opérations.

Les investisseurs institutionnels, comme les compagnies d'assurance, ou les sociétés de gestion, qui possèdent d'importants portefeuilles d'actions ou d'obligations dans une perspective de moyen ou long terme, prêtent en effet régulièrement leurs titres pour obtenir un revenu d'appoint. En face, des fonds alternatifs (hedge funds), des organismes de placement collectif et toutes sortes d'investisseurs pratiquant la "vente à découvert" (vente à terme de titres qu'on ne possède pas le jour de l'opération). C'est un marché de gré à gré.

Crédit Agricole, CNP Assurances, Natixis Asset Management Finance et le cabinet de conseil en informatique Octo Technology (en passe d'être racheté par Accenture), soit quatre des 25 partenaires du consortium, ont développé une plateforme expérimentale de gestion du collatéral non-cash sur les prêts-emprunts de titres sous Blockchain. Cette technologie des "chaînes de blocs", sous-jacent de la monnaie virtuelle Bitcoin, s'apparente à "un grand livre comptable public, anonyme et infalsifiable", décrit la startup Blockchain France: en créant une sorte de registre numérique décentralisé sans organe central de contrôle, elle semble particulièrement adaptée à ce type de transactions.

"Smart" contrats auto-exécutants

Cette plateforme a été développée sur Ethereum, considérée comme la chaîne de blocs la plus prometteuse, et qui se définit comme "un ordinateur mondial, que n'importe qui peut programmer et utiliser comme il le souhaite" : c'est un réseau de plusieurs milliers d'ordinateurs qui communiquent en permanence et partagent la même base de données. L'intérêt est de pouvoir tester l'utilisation de ce que l'on appelle les "smart contracts", littéralement contrats intelligents mais plus exactement auto-exécutants : on pré-enregistre des engagements qui s'exécutent automatiquement dès que les conditions sont remplies.

Autrement dit de tester "une fonction de middle-office financier automatisant ainsi l'exécution du contrat", explique le consortium LaBChain dans son communiqué. Le recours à la Blockchain permet de limiter le risque inhérent à la gestion papier de ce type d'opérations et aussi de mettre tout le monde d'accord sur le calcul des appels de marge, souvent traité manuellement.

Les impacts "techniques, réglementaires et organisationnels" ont été évalués. Bonne nouvelle : ça marche, à l'échelle d'un test. Mais il y a encore du chemin:

"L'architecture sans intermédiaire de confiance est conforme à la promesse de la confiance décentralisée. Cependant des limites inhérentes aux principes de construction d'une Blockchain publique peuvent restreindre les cas d'usage éligibles notamment pour des questions de confidentialité des transactions et des authentifications en particulier."

L'adoption à grande échelle de cette technologie se heurte pour l'instant aux impératifs de sécurité, de réglementation, de gouvernance et de confidentialité.

En juillet dernier, le consortium avait annoncé son premier cas d'étude de la technologie des "chaînes de blocs", l'identité numérique et les données de connaissance du client (KYC ou "know your client" dans le jargon du secteur).

Des "minibons" de PME au négoce international

La Blockchain intéresse de nombreux acteurs de la banque et la finance et les expérimentations se multiplient. BNP Paribas Securities Services a annoncé en septembre travailler à la mise en place d'un registre distribué qui enregistrerait les "minibons" émis par des PME non cotées via des sites de financement participatif, sur une plateforme Blockchain où seraient consignés toutes les transactions et les changements de propriété. Le gouvernement vient d'indiquer qu'un décret précisera les conditions dans lesquelles les "minibons", créées par la loi Macron, pourront être émis et transmis en utilisant la Blockchain.

Aux États-Unis, Goldman Sachs a déposé un brevet pour une application transactionnelle sur les devises reposant sur la technologie Blockchain. La banque américaine Wells Fargo et la Commonwealth Bank of Australia ont récemment revendiqué une première mondiale : le règlement d'une opération de négoce international, réputé pour la lourdeur de ses procédures : il s'agissait de la livraison de balles de coton entre la Chine et les États-Unis. Elles ont fait valoir que :

"L'utilisation de la technologie Blockchain apporte de la transparence pour l'acheteur et le vendeur, un niveau plus élevé de sécurité et la possibilité de suivre une livraison en temps réel. L'avancée des registres papier et des processus manuels au suivi électronique sur des registres décentralisés réduit les erreurs et réalise en quelques minutes ce qui prenait auparavant des jours"

Le potentiel est jugé très important dans le commerce international, où la paperasse ralentit les opérations, des douanes aux bons de livraison. Cet été, HSBC et Bank of America Merrill Lynch ont expérimenté à Singapour l'utilisation de la Blockchain pour émettre une lettre de crédit.

Delphine Cuny

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Commentaires 3
à écrit le 05/11/2016 à 12:28
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Vous m'avez supprimer mon commentaire, c'est pas bien !!!

à écrit le 04/11/2016 à 13:41
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Comme on pouvait s'en douter ce sont les barons de la finance qui vont mettre la main sur la blockchain, autant dire qu'il est préférable de s'en méfier de suite.

à écrit le 04/11/2016 à 13:17
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Madame Elise Lucet si vous pouviez faire un reportage sur la Caisse des Dépôts pour savoir ce qui se cachent derrière cette vielle dame. Comme le clamerait l'un de vos confrères: "Les Français veulent savoir"', etc.....

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