La concentration du capital-investissement français avance lentement mais sûrement

Siparex et XAnge Private Equity viennent d'annoncer leur rapprochement. La concentration s'accélère dans un secteur du capital-investissement où l'effet de taille joue un rôle de plus en plus important.
Christine Lejoux
Près du tiers des 10,1 milliards d'euros levés par le capital-investissement français en 2014 l'ont été par des fonds gérant plus d'un milliard d'euros d'actifs.

La consolidation du capital-investissement français, réputée nécessaire, a longtemps été un serpent de mer. Le 24 novembre encore, lors de sa conférence Capital Invest, Bpifrance, la Banque publique d'investissement, avait appelé de ses vœux une concentration du secteur, dont elle est l'un des principaux acteurs. Au motif que la France ne dispose (presque) pas de fonds de grande taille, de l'ordre de 500 millions d'euros, capables d'investir des tickets de 15 millions à 40 millions dans les startups françaises les plus prometteuses. Lesquelles vont de facto démarcher des fonds anglo-saxons, ce qui peut parfois constituer un premier pas à leur délocalisation à San Francisco, Londres ou New York. Par ailleurs,

"l'effet de taille est de plus en plus important, dans nos métiers. Les grands investisseurs institutionnels ne peuvent se permettre de passer du temps à auditer de petites équipes qui, in fine, ne représenteront qu'une petite partie de leur business",

ajoute Fabien Prévost, président d'Omnes Capital (ex-Crédit Agricole Private Equity).

"La logique de taille compte de plus en plus mais je pense qu'il y aura toujours de la place pour des acteurs de niche", tempère Bertrand Rambaud, président du groupe Siparex. Preuve de cette sélectivité accrue des "zinzins", si les fonds levés par le capital-investissement français auprès d'investisseurs institutionnels ont rebondi de 24% en 2014, à 10,1 milliards d'euros, cette performance ne doit pas occulter le fait que près du tiers de cette somme a été récoltée par des fonds gérant plus d'1 milliard d'euros, contre 12% seulement en moyenne au cours de la période 2006-2008, selon l'Afic (Association française des investisseurs pour la croissance).

L'importante de la dimension humaine dans le regroupement de societes de capital-investissement

"Le constat de Bpifrance sur la nécessaire consolidation du capital-investissement français est légitime, je le partage. Des rapprochements ont déjà eu lieu et cela va certainement continuer", pronostique Fabien Prévost. Tout en reconnaissant que "dans nos métiers, la force d'inertie est  très importante, en raison, notamment, de la durée d'investissement de nos fonds [au moins cinq ou sept ans ; Ndlr]." En tout état de cause, ces six dernières années ont vu le rachat d'AGF Private Equity par l'IDI, le rapprochement entre CM-CIC LBO Partners et Fondations Capital, l'acquisition d'OTC AM par Agregator Capital, la cession de Groupama Private Equity au gestionnaire de fonds ACG, la reprise de Perfectis par HLD, le passage d'Atria Capital dans le giron de Naxicap Partners, ou encore le rachat d'OFI Private Equity par Eurazeo auprès de la Macif. Des opérations qui avaient été motivées par la fameuse problématique de la taille critique, en particulier pour Atria et Perfectis, mais également parce que les nouvelles règles de Bâle III et de Solvabilité II, relatives au renforcement des fonds propres des banques et des assureurs, ont rendu l'activité de capital-investissement particulièrement onéreuse pour ces derniers.

"Des opérations de rapprochement se produisent dans le capital-investissement français, il y en aura d'autres mais elles seront peut-être moins nombreuses qu'on aurait pu le penser il y a quelques années. Notamment parce que la dimension humaine est un facteur-clé de réussite de l'intégration",

relativise Bertrand Rambaud. En effet, fusionner deux sociétés de capital-investissement n'a rien à voir avec un regroupement d'usines : ce ne sont pas des machines que l'on ajoute les unes aux autres mais des êtres humains que l'on doit amener à travailler ensemble, avec leurs sensibilités et leurs egos propres, ainsi que leurs cultures d'entreprise respectives.

Une question d'opportunité plus qu'une stratégie de croissance externe

Bertrand Rambaud sait de quoi il parle, lui qui a annoncé lundi 11 mai le rachat de 70% du capital de XAnge Private Equity par Siparex auprès de la Banque Postale, le solde de 30% étant détenu par La Poste (20%) et par les équipes (10%). XAnge, qui gère 315 millions d'euros d'actifs sous gestion, est bien connue pour ses investissements en capital-innovation (ou capital-risque), notamment dans les "fintech", alors que Siparex possède une tradition d'investissement en capital-développement et en capital-transmission (LBO : Leverage Buy-Out : acquisition par endettement) dans des PME et dans des ETI.

"Jusqu'à présent, 20% seulement de nos 1,2 milliard d'euros d'actifs sous gestion étaient dédiés au capital-innovation, alors que XAnge possède une position dominante dans ce domaine, en particulier en matière d'investissements dans le numérique", explique Bertrand Rambaud. "Le projet industriel qui sous-tend ce rapprochement est donc bien le regroupement de métiers complémentaires, mais il s'est davantage agi d'une question d'opportunité que d'une véritable stratégie de consolidation. Nous n'avons d'ailleurs pas d'autre projet de croissance externe en cours", nuance le dirigeant.

Bpifrance cessera de financer de nouvelles structures

Les choses sont différentes chez Omnes Capital. L'ex- Crédit Agricole Private Equity gère 2,1 milliards d'euros d'actifs, un montant qu'il compte doubler au cours des cinq prochaines années. Pour ce faire, Fabien Prévost entend bien s'appuyer sur le rachat d'équipes, du moins en France : "Nous cherchons à croître, à nous consolider sur nos métiers de coeur de cible [le capital-risque, le capital-développement, le capital-transmission et le financement d'infrastructures dans les énergies renouvelables ; Ndlr]. Nous sommes très actifs dans la recherche d'opportunités de rachat d'équipes en France."

A l'étranger, en revanche, Omnes Capital n'a pas encore totalement déterminé sa stratégie de développement. Acquisitions ? Alliances ? Ouvertures de bureaux ? "Sur ce sujet, nous avons formé des groupes de travail, qui devraient nous communiquer les résultats de leurs réflexions en juin", indique Fabien Prévost. Est-ce à dire que le paysage du capital-investissement français aura radicalement changé dans quelques années ? Bertrand Rambaud se montre quelque peu dubitatif : "Je ne pense pas qu'il y aura moitié moins d'équipes en France dans quelques années, d'autant plus que de nouvelles structures se créent." Reste que Bpifrance veille au grain. Le 24 novembre, la Banque publique d'investissement avait bien précisé qu'afin de favoriser la concentration du capital-investissement français, elle allait cesser de financer les nouvelles structures pour se concentrer sur les acteurs existants.

Christine Lejoux

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