Le Nasdaq d’aujourd’hui n’est plus celui d’il y a 15 ans

L'indice américain des valeurs technologiques a atteint fin avril un nouveau plafond historique, dépassant celui du 10 mars 2000. Mais sa valorisation et le profil des sociétés qui le composent aujourd'hui rendent peu plausible le scénario d'une bulle technologique prête à éclater.
Christine Lejoux
Le Nasdaq vaut aujourd'hui 30 fois ses bénéfices, contre un multiple de 190 il y a quinze ans.

Un nouvel indice boursier est né, ce lundi 4 mai. Il s'agit du "Tech 40", présenté une semaine plus tôt par EnterNext, la filiale d'Euronext dédiée aux PME et aux ETI. Cette initiative a pour but d'accroître la visibilité des valeurs européennes du high-tech auprès des investisseurs internationaux. Et, partant, de redorer le blason des places boursières européennes auprès des pépites du Vieux Continent. Celles-ci sont en effet de plus en plus nombreuses à préférer entrer en Bourse sur le Nasdaq, l'indice américain des valeurs technologiques, dont la profondeur de marché leur permet de prétendre à des valorisations deux fois supérieures environ à celles qu'elles pourraient espérer en Europe.

Surtout à l'heure actuelle : le 23 avril, le Nasdaq a clôturé à 5.056, 06 points, un record historique, la soif des investisseurs pour les valeurs de croissance ne semblant pas devoir s'étancher. Le précédent record, à 5.048,62 points, datait du 10 mars 2000, juste avant l'éclatement de la bulle Internet. Un éclatement qui avait emporté le Nasdaq dans une véritable descente aux enfers, l'indice touchant un plancher historique en octobre 2002, à 1.114, 11 points, soit une chute de près de 80% en deux ans et demi.

En 2000, eBay valait 3.220 fois ses bénéfices

La tentation est évidemment grande de dresser un parallèle entre la situation actuelle et celle de l'explosion de la bulle Internet. Le record atteint le 23 avril dernier par le Nasdaq ne préfigure-t-il pas une plongée abyssale, comme ce fut le cas 15 ans auparavant ? La question mérite d'autant plus d'être posée que l'indice américain des valeurs technologiques a rebondi de 354% depuis son plus bas d'octobre 2002. Mais pour qu'il y ait crevaison, il faudrait qu'il y ait une bulle sur les valeurs du high-tech américain. Ce qui n'est pas le cas, si l'on en croit plusieurs gestionnaires de portefeuilles, comme Greg Peterson, chez Ballentine Partners, Jason Benowitz, de Roosevelt Investment Group, ou encore Jim Russell, chez Bahl & Gaynor.

Pour ces experts, le Nasdaq de 2015 n'a pas grand-chose à voir avec celui de 2000. Ne serait-ce que sur le plan de la valorisation : aujourd'hui, les sociétés qui constituent l'indice - au premier rang desquelles se trouvent Apple, Google et Microsoft - valent en moyenne 30 fois leurs bénéfices annuels, contre un multiple de... 190 en mars 2000, d'après les données de l'agence Bloomberg. Il y a 15 ans, des titres comme eBay et Yahoo ! se traitaient sur la base de PER (price earning ratio, rapport cours sur bénéfice par action) de 3.220 ( !) pour le premier, et de 648 pour le second. Des multiples qui ne sont plus "que" de 25 et de 44 aujourd'hui.

En Bourse, la biotech Gilead pèse plus que le géant Sanofi

C'est que les investisseurs ont tiré les leçons de la bulle Internet, cette période de la fin des années 1990 durant laquelle ils s'enthousiasmaient pour toute startup, pour peu que son nom se termine en ".com." Que les business plans des jeunes pousses en question aient été basés sur de longues années de pertes, les investisseurs n'en avaient cure, tout ce qui leur importait, c'était les objectifs faramineux de croissance du chiffre d'affaires. Aujourd'hui, le profil des sociétés du Nasdaq a bien changé. Exit, les startups déficitaires de l'Internet et des télécoms, à l'image de WorldCom, Sun Microsystems, Global Crossing ou Pets.com ! Place à Apple, Microsoft et autre Cisco, des entreprises matures, qui ne se contentent pas de faire du chiffre d'affaires mais qui gagnent également de l'argent et, mieux, qui distribuent des dividendes à leurs actionnaires.

De fait, en quinze ans, les bénéfices des sociétés du secteur américain des technologies de l'information ont triplé, pour représenter 19,3% du total des profits des entreprises de l'indice élargi S&P 500. Un poids cohérent avec celui de leur capitalisation boursière (20% du S&P 500), alors qu'en 2000, le secteur IT représentait 33% de la capitalisation de Wall Street mais moins de 13% de ses bénéfices.

Ce qui ne veut pas dire, bien sûr, que certains pans du Nasdasq ne sont pas survalorisés. Dès l'été dernier, Janet Yellen la présidente de la Réserve fédérale américaine, avait mis en garde contre les valorisations des biotechs et des réseaux sociaux. Il est vrai que Facebook ne vaut pas moins de 74 fois ses bénéfices, et que le laboratoire de biotechnologie Gilead pèse 150 milliards de dollars. Soit plus que le géant de la pharmacie Sanofi...

Christine Lejoux

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Commentaires 2
à écrit le 07/05/2015 à 12:24
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Je me rappelle qu'au début 2000, des analystes très sérieux allaient sur les plateaux pour expliquer qu'un PER de 50 était tout à fait normal voir la norme sur le nasdaq et que sous 30 il fallait absolument acheter. Conseilleur n'est pas payeur. Tou...

à écrit le 07/05/2015 à 10:24
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C'est très loin d'être une bulle, alors certe il y a des investissements dans des startup avec des business model difficiles à faire évoluer en quelque chose de rentable qui couleront (elles sont nombreuses) Mais beaucoup d'autres vont émerger et b...

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