« Les Bourses traditionnelles vont s'intéresser aux crypto-actifs et vice-versa » (Vanessa Grellet, Consensys)

Selon Vanessa Grellet, directrice exécutive de Consensys et ancienne de NYSE Euronext, les années à venir vont voir les grands opérateurs boursiers s'intéresser aux mondes des crypto-actifs et les plateformes comme Coinbase entrer sur le marché traditionnel des titres financiers.
Delphine Cuny
Vanessa Grellet, directrice exécutive de ConsenSys, est un transfuge de la finance.
Vanessa Grellet, directrice exécutive de ConsenSys, est un "transfuge" de la finance. (Crédits : DR)

Vanessa Grellet est un de ces « transfuges » passés de la finance à la technologie : après avoir travaillé neuf ans chez l'opérateur boursier NYSE Euronext puis chez PwC, elle a rejoint en novembre 2016 ConsenSys, « une des plus grandes startups dans le monde de la Blockchain » comme elle la décrit elle-même. Cette diplômée d'Assas et de HEC, est installée de longue date à New York, l'épicentre de la finance mondiale, excellent observatoire des mutations en cours dans le secteur.

« L'innovation dans la finance va prendre deux voies. Les acteurs traditionnels vont adopter des solutions Blockchain pour améliorer leur efficacité opérationnelle et en parallèle vont se développer des activités complètement nouvelles notamment sur les marchés financiers » a-t-elle expliqué lors de la conférence La Tribune Blockchain Summit organisée le 18 avril.

Fondée il y a quatre ans par Joseph Lubin, un des cofondateurs de la Blockchain Ethereum, ConsenSys développe « plus de 50 projets en interne » dans différents secteurs, notamment les services financiers « comme le paiement transfrontalier et le custody », la conservation d'actifs.

« La chute des cours des cryptomonnaies n'a pas eu d'impact direct sur notre business, mais nous avions grandi très vite, nous étions passés de 60 à plus de 1.200 personnes fin 2018. Nous avons dû restructurer, nous avons licencié 13 % de notre effectif, nous sommes plus de 900 aujourd'hui », a-t-elle fait valoir. « Cela nous a permis aussi de nous recentrer, notamment sur les services financiers. Nous étions très actifs dans l'accompagnement des projets d'ICO [Initial Coin Offering, levée de fonds par émission de crypto-actifs, Ndlr]. Ce marché des ICO s'étant écroulé, forcément nous avons arrêté. Désormais, nous nous focalisons sur les STO [Security Token Offerings, émission d'actifs ayant les caractéristiques de titres financiers] pour aider les entrepreneurs à lever des fonds. »

ConsenSys, qui aurait généré des revenus de 21 millions de dollars l'an dernier et viserait 50 millions cette année, aurait elle-même commencé un road show auprès d'investisseurs à Hong Kong et en Corée du Sud selon le site américain The Information. Jusqu'ici financée essentiellement sur la fortune personnelle de Joe Lubin, qui a baissé du fait de la chute de l'ether, le crypto-actif d'Ethereum, la startup souhaiterait lever 200 millions de dollars à une valorisation de 1 milliard de dollars.

« C'est ce que dit la presse ! », a botté en touche Vanessa Grellet, sans démentir, s'excusant de ne pouvoir commenter.

Lire aussi : « La Blockchain va pénétrer tous les secteurs et nous aider à tout réinventer » Joseph Lubin

Des marchés bientôt « tokenisés »

La directrice exécutive de ConsenSys a dessiné un avenir où les frontières entre les deux mondes, traditionnels et crypto-actifs, se brouillent.

« J'ai travaillé plus de neuf ans au New York Stock Exchange Euronext. Je suis de très près les activités des opérateurs boursiers. Dans les années à venir, les Bourses traditionnelles vont s'intéresser aux activités crypto et des « Bourses crypto » comme Coinbase et les « Exchanges » [plateformes d'échange de crypto-monnaies, Ndlr] en Asie vont entrer sur le marché traditionnel des actifs financiers qu'ils vont "tokeniser". Les prochaines années vont être très intéressantes du côté des places boursières », a-t-elle prédit.

La plateforme américaine d'achat-vente de crypto-monnaies Coinbase, valorisée 8 milliards de dollars lors de sa dernière levée de fonds (à titre de comparaison Euronext capitalise environ 4 milliards d'euros pour 615 millions d'euros de revenus), aurait réalisé un chiffre d'affaires de l'ordre de 520 millions de dollars l'an dernier selon les calculs de l'agence Reuters (qui se fonde sur les revenus générés officiellement hors États-Unis par la filiale britannique, soit 153 millions d'euros). Un chiffre qui serait en net recul par rapport aux 900 millions de 2017 et inférieur aux 1,3 milliard visés pour 2018 selon Bloomberg. La jeune entreprise a fait l'acquisition de Keystone Capital pour devenir un courtier régulé et a annoncé son souhait de permettre l'échange de crypto-actifs « régulés par la SEC », le gendarme américain des marchés.

« Rendre liquides des actifs qui ne le sont pas »

De son côté, le groupe américain ICE, propriétaire du New York Stock Exchange (l'ancien employeur de Vanessa Grellet), soutient le projet Bakkt, une plateforme de trading crypto qui a levé plus de 180 millions de dollars en décembre dernier. Vanessa Grellet a aussi cité l'exemple du géant Fidelity qui a annoncé le lancement d'une filiale, Fidelity Digital Assets, spécialisée dans les crypto-actifs. « Il y a eu environ 5.000 ICO et il y a 800 tokens de ce type traités en ce moment sur les marchés de crypto-actifs. L'appétit des investisseurs est toujours là pour ce type d'investissement. On compte plus de 700 fonds qui investissent ou qui font du trading dans la Blockchain ,» a-t-elle relevé.

« La "tokenisation" va rendre liquides des actifs qui ne le sont pas comme l'immobilier, les fonds d'investissement et le private equity et donner un meilleur accès aux investisseurs à ces actifs », a-t-elle expliqué.

Frilosité des milieux financiers

La frilosité des milieux financiers par rapport aux crypto-actifs et à la Blockchain est compréhensible selon cette bonne connaisseuse des deux secteurs.

« Toutes les grandes banques sont en train de travailler de façon très avancée sur ces questions, même si elles n'en parlent pas dans la presse, parce qu'il y a toujours un risque réglementaire et de réputation. C'est la même chose pour les grandes bourses américaines, elles font de petits investissements, de petites déclarations, mais il y a un grand risque de réputation s'il y a un problème avec des investisseurs, s'il y a des cyberattaques sur le système, on va leur dire « vous voyez la Blockchain, ça ne marche pas du tout, vous n'auriez jamais dû faire ça ! » Nous voyons cependant tous les acteurs y travailler de manière très active. »

Vanessa Grellet, dont le premier mandat, quand elle est arrivée chez ConsenSys, a été de créer l'Enterprise Ethereum Alliance qui regroupe désormais « plus de 600 grandes boîtes travaillant ensemble pour créer des solutions Ethereum pour les entreprises » a pris l'exemple de JPMorgan, dont le patron Jamie Dimon avait traité le Bitcoin d'arnaque avant d'annoncer deux ans plus tard le lancement de son JPM Coin.

« JPMorgan, qui faisait des commentaires sur le Bitcoin, travaillait dès le début sur Ethereum, depuis plus de trois ans : ils ont créé Quorum le logiciel privé sur lequel tout le monde travaille. Ils siègent au conseil d'administration de l'Enterprise Ethereum Alliance, aux côtés d'Accenture, Intel et Microsoft.»

Lire aussi : Comment la Blockchain révolutionne la monnaie

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Delphine Cuny

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Commentaire 1
à écrit le 23/05/2019 à 16:41
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Le crypto-actif c'est comme vendre du vent, on sent son souffle mais c'est bien caché!

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