Les embûches s’accumulent pour la réforme de l’Union économique et monétaire

L’élan réformateur insufflé par la victoire d’Emmanuel Macron en France il y a près d’un an, a vécu. L’instabilité politique et la fronde des pays du Nord contre toute mutualisation des risques représentent autant d’obstacles pour la réforme de l’Union économique et monétaire. Un article de notre partenaire Euractiv.
L'Europe doit remédier aux problèmes de son union économique et douanière tant qu'il est encore temps.
L'Europe doit remédier aux problèmes de son union économique et douanière tant qu'il est encore temps. (Crédits : Reuters)

Les dernières rencontres de ministres européens des Finances, que ce soit au format zone euro (Eurogroupe) ou avec toute l'UE (Conseil Ecofin) augurent mal du sommet européen qui va se tenir les 22 et 23 mars prochain.

Comme convenu en décembre dernier, le Conseil européen devait lancer le processus d'élaboration de la onzième feuille de route pour finaliser l'Union économique et monétaire (UEM). Les dirigeants européens devraient soutenir le plan lors de leur prochaine rencontre en juin.

Divergences persistantes sur les thèmes les plus controversés

Néanmoins, les derniers mois ne sont pas parvenus à effacer les divergences entre les États membres sur les thématiques les plus controversées, et la conjoncture est devenue de plus en plus difficile. En sortant de la réunion de l'Eurogroupe le 12 mars, Pierre Moscovici, le commissaire européen aux Affaires économiques, avait déclaré :

« La fenêtre d'opportunité s'est ouverte, mais elle ne le restera pas très longtemps. »

Le président de l'Eurogroupe, Mario Centeno, avait renchérit :

« Nous sommes déterminés à présenter un ensemble de mesures d'ici à juin pour finaliser l'union bancaire et renforcer le mécanisme européen de stabilité pour les futures crises. »

Ces deux éléments sont perçus comme des objectifs atteignables dans le processus, mais le ministre portugais des Finances rappelle que la question très controversée d'une capacité budgétaire pour la région n'est pas résolue.

Séquençage

« C'est une question de timing et de séquençage, mais nous nous engageons à faire des propositions sur ce sujet également », a assuré Mario Centeno.

L'Eurogroupe élaborera des propositions à partir du mandat donné par les dirigeants de l'UE la semaine prochaine. La proposition phare d'Emmanuel Macron est un budget de la zone euro équivalent à plusieurs points de pourcentage du PIB de l'Europe pour stabiliser la région en cas de crises.

L'idée a d'une certaine manière été incluse dans l'accord de coalition de l'Allemagne et reprise par la Commission européenne dans une version édulcorée. Mario Centeno reconnaît toutefois que l'idée n'en est encore « qu'à son stade préliminaire ». La capacité budgétaire, en tant qu'outil de stabilisation et de soutien à l'investissement est « un enjeu à long terme », a déclaré le ministre portugais.

Supprimer les prêts irrécouvrables des bilans des banques

Les gouvernements restent aussi bloqués sur le format à adopter pour mutualiser les risques entre les banques nationales à travers l'UE.

L'objectif est de mettre en place un mécanisme commun de garantie et de supprimer les prêts irrécouvrables des bilans des banques. Pour la Commission, la BCE, et plusieurs pays, la mutualisation et la réduction des risques doivent aller de pair.

Des progrès ont été réalisés sur la réduction des risques, soutiennent-ils. La part des prêts non performants en Europe s'élevait à 4,6 % au second semestre de 2017, soit un tiers de moins qu'en 2014.

Des pays qui bloquent les avancées concrètes

Un groupe de huit pays du nord et de la baltique, mené par les Pays-Bas, considèrent néanmoins que la réduction de risques doit aller plus loin - un point de vue partagé par Berlin.

Le groupe assure dans un document que les réformes nationales et les ajustements budgétaires « doivent passer devant les propositions de grande envergure », comme celle proposée par Emmanuel Macron.

Et ces pays ne sont pas les seuls à faire obstacle à des avancées concrètes.

Instabilité politique et populisme, freins à l'intégration de la zone euro

Les élections peu concluantes en Italie et la victoire des partis qui s'opposent à « plus d'Europe » compliquent encore davantage le processus d'intégration de la zone euro.

L'instabilité politique dans la troisième plus grande économie de la zone euro fait écho à l'incertitude qui a régné pendant des mois dans le pays moteur de l'Europe, l'Allemagne. Après six mois de paralysie politique à Berlin, un nouveau gouvernement allemand doit entrer en fonction aujourd'hui.

Malgré l'impasse, la France et l'Allemagne ont avancé du point de vue technique ces dernières semaines afin de trouver des zones de convergence dans le calendrier des réformes.

Rencontre Merkel-Macron avant le sommet européen

La chancelière allemande, Angela Merkel, rencontrera Emmanuel Macron dans les prochains jours, en vue du sommet européen. Le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, rencontrera pour sa part son homologue, le nouveau ministre allemand Olaf Scholz, vendredi.

Le couple franco-allemand devrait présenter une proposition la semaine prochaine.

Cependant, personne n'essaie de dénigrer la tâche difficile qui les attend.

« C'est un processus complexe et difficile... C'est probablement la réforme la plus importante depuis le traité de Maastricht », a déclaré Román Escolano, le nouveau ministre espagnol de l'Économie.

Future crise : des convergences sur le Mécanisme européen de stabilité

À ce jour, « les avis convergent », a-t-il ajouté, sur des questions comme le renforcement des compétences du Mécanisme européen de stabilité afin de faire face à une future crise ou l'utilisation de ces fonds pour soutenir les banques en difficulté.

Tout cela n'est pourtant pas suffisant pour la France. « Ce que nous voulons, c'est plus d'ambition », a déclaré un représentant français. Paris est consciente qu'il reste encore beaucoup de travail et que l'Allemagne ne signera pas ses propositions immédiatement, malgré le regain d'entente entre les deux plus grandes nations européennes.

Dernière fenêtre avant les prochaines élections européennes

À l'approche des élections européennes du printemps prochain, la fenêtre d'opportunité se fermera bientôt. Le sommet de juin pourrait être la dernière occasion pour les États de présenter des objectifs et des mesures afin de concrétiser l'élan acclamé ces dernières années.

« Je souhaite trouver un terrain d'entente d'ici le sommet de juin », a déclaré Mario Centeno aux ministres des Finances de l'UE.

L'Europe doit remédier aux problèmes de son union économique et douanière tant qu'il est encore temps. Autrement, des attentes non satisfaites pourraient confirmer la malédiction de l'UE : les progrès ne se produisent que dans les moments les plus sombres d'une crise.

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Par Jorge Valero, Euractiv.com (traduit par Marion Candau)

 (Article publié le mercredi 14 mars 2018 à 11:24)

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Commentaires 17
à écrit le 18/03/2018 à 9:03
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Le Brexit nous ouvre les yeux sur l´égoisme généralisé chez tous les membres restants. Aucun d´eux (ou presque) n´ est prêt à augmenter sa cotisation pour combler le trou financier résultant du départ du RU. En même temps tous exigent de cont...

à écrit le 16/03/2018 à 18:23
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On peut juste remarquer que c’est encore et toujours les problèmes financiers, banquiers que l’on met en avant. Exit l’aspect humaniste, social, le bien être des peuples. Ne nous leurrons pas, à ce jour il n’existe pas d’Etat Européen, et surtout...

à écrit le 16/03/2018 à 5:58
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La solution, pour faire plier l'Allemagne, serait de pénaliser les pays selon les excédents des balances commerciales. Il est bien évident que l'on ne peut pas accepter des excédents permanents et énormes comme ceux de l'Allemagne dans l'UE. Les exc...

le 16/03/2018 à 17:50
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@La solution - il n'y a que les français pour mettre l’intérêt européen au dessus de l’intérêt national. Voilà le drame ! Mais je suis encore optimiste, l'UE va sauter, ce n'est qu'une question de temps. Mais plus on attend, plus dure sera la chute.

le 17/03/2018 à 0:40
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@UPR: il y a une certaine logique dans votre pensée. Les français décident de l‘intérêt européen, donc c‘est facile pour eux de le mettre au dessus de l‘intérêt national. Pourtant il faudrait demander à tous les Européens ce qu‘ils entendent par inté...

le 23/03/2018 à 5:53
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@Curieux - je ne suis pas sur de vous comprendre. Dites-vous que la France s'impose et que l'UE est à son image ? Ne confondez-vous pas avec l'Allemagne ?

à écrit le 15/03/2018 à 19:34
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Le seul objective du Macron c'est sauver la France d'une faillite eminent vers un mutualisation des dettes francaises par l'UE parce que il a peur pour des VRAIS reformes internes. Plus, la France risque un degradation des notes des marches financi...

à écrit le 15/03/2018 à 17:22
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L'UE de Bruxelles a toujours tendance a vouloir mélanger "causes et effets" dans sa propagande et a, ainsi, toujours le beau rôle a ses yeux!

à écrit le 15/03/2018 à 14:51
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Une Europe unie sans solidarité économique, pensent-ils poursuivre très loin cette construction hétéroclite ? Un pays comme la Hollande est vent debout contre cette mutualisation, à tord ou à raison, mais je suppose que pour leur défense, il compte...

le 15/03/2018 à 19:40
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Apparemment on a oublie que sans les alliees d'allieurs vous palerais allemande parce que la France n'ete pas capable de se liberer tout seul.

à écrit le 15/03/2018 à 11:33
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L´Europe se fera pas par pas...que chaque pays essaye déjà de réaliser les promesses faites à Maastricht ...En cas de coup dur pour les états il y a le MES dont la vocation sera de disparaître lorsque les états se seront constitués une cagnotte palli...

le 15/03/2018 à 17:25
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L'Europe est déjà faite, ne pas la confondre avec cette administration qu'est l'UE de Bruxelles!

le 16/03/2018 à 12:11
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Il y a des pays qui sont loin d´honorer leurs signatures eu égard à leurs promesses en vue d´une Europe incluant les critères de Maastricht, qui soit dit en passant n´indiquent qu´une direction! C´est vers les excédents qu´il faut aller de manière à ...

à écrit le 15/03/2018 à 11:27
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À la différence de la France, où les plus hauts dirigeants conduisent sans vergogne une politique ouvertement contraire aux vœux de la majorité du peuple, les pays d’Europe du nord, à commencer par l’Allemagne, ont encore le souci de tenir un peu mie...

à écrit le 15/03/2018 à 8:41
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Depuis combien de temps cette europe n'avance plus à cause justement de l'incapacité de réunir les opinions favorables de tous les pays or à force de ne plus avancer, quand une cellule humaine ne bouge plus elle meurre. Cette europe s'est constru...

le 16/03/2018 à 16:26
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Rien à ajouter, Frexit, chacun reprend ses billes, dissolution de la commission. Seule l'Europe des peuples doit être le but.

le 17/03/2018 à 12:11
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OUi et je vois mal comment on pourrait se passer de commencer par se débarrasser de celel du fric. Seul un frexit pourrait engendrer un mouvement neuf, de vie. Cette europe là n'est plus qu'un cadavre que dépècent les actionnaires milliardair...

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