Loi Macron : pourquoi ressusciter les Bourses régionales

Après Euroglass l'an dernier, Place d’Echange - la Bourse lyonnaise dédiée aux PME créée en juillet 2014 - devrait accueillir trois ou quatre autres sociétés dans les prochaines semaines. Le modèle de Place d’Echange pourrait bien préfigurer celui des nouvelles Bourses régionales, que le gouvernement projette de créer dans le sillage du vote de la loi Macron.
Christine Lejoux
Les besoins en capitaux propres des PME et des ETI françaises sont estimés à 11 milliards d'euros par an par l'Afic.

Euroglass ne sera bientôt plus seul. Ce fabricant isérois de surfaceuses - des machines qui lissent la glace des patinoires - avait levé l'an dernier 800.000 euros sur Place d'Echange, devenant ainsi le premier "client" de cette nouvelle Bourse régionale dédiée aux PME, créée en juillet 2014 à l'initiative de la CCI (Chambre de Commerce et d'Industrie) de Lyon. "Trois ou quatre autres sociétés devraient être cotées d'ici un mois et demi", indique Philippe Dardier, président d'Alternativa, l'opérateur boursier de Place d'Echange. Le modèle de cette dernière pourrait bien préfigurer celui des nouvelles Bourses régionales, que le gouvernement projette de créer. Pour mémoire, dans la nuit du 16 au 17 janvier, la commission spéciale chargée d'examiner à l'Assemblée nationale le projet de loi Macron avait adopté un amendement du député (UDI) des Hauts-de-Seine, Jean-Christophe Fromantin, visant à "relancer les bourses régionales", sous l'égide de l'Agence France Locale, de la Caisse des dépôts et de Bpifrance.

Une fois la loi Macron sur la croissance et l'activité adoptée, vraisemblablement cet été, le gouvernement disposera alors de trois mois pour remettre au Parlement un rapport sur la création de Bourses dans chacune des 13 futures régions françaises. En fait de création, il s'agira plutôt d'un retour car, jusqu'au début des années 1990, la France comptait six Bourses régionales, en plus de celle de Paris. A savoir les places de Lyon, Nantes, Marseille, Lille, Bordeaux et Nancy, toutes sacrifiées en janvier 1991 sur l'autel de la mondialisation des marchés financiers.

Les besoins en fonds propres des PME et des ETI estimés à 11 milliards d'euros par an

Pourquoi revenir en arrière, 25 ans plus tard ? "Cela répondrait à un besoin de plus en plus sensible de fonds propres des PME et des ETI, qui n'ont quasiment pas accès aux marchés de capitaux", expliquait en début d'année Jean-Christophe Fromantin, dans un communiqué. De fait, l'Afic (Association des investisseurs pour la croissance) évalue les besoins en fonds propres des PME et des ETI françaises à 11 milliards d'euros par an, et Paris Europlace estime qu'ils pourraient atteindre 20 milliards d'ici à 2020. Des besoins que le capital-investissement hexagonal n'est plus en mesure de satisfaire dans leur intégralité, depuis la crise financière de 2008, lui qui n'a investi dans les PME et les ETI "que" 6,5 milliards d'euros en 2013 (dernières données disponibles).

Certes, le crowdfunding monte en puissance, mais il ne pesait encore que 152 millions d'euros l'an dernier, en France. "Le crowdfunding est très bien pour les start-up, il correspond en revanche moins aux besoins de PME en développement", estime Philippe Dardier. Pour Jean-Christophe Fromantin, il n'y a donc pas 36 solutions, il faut trouver le moyen de mettre davantage l'épargne régionale au service des PME et des ETI locales, doter ces dernières de circuits courts de financement, comme en Allemagne.

Des coûts de cotation qui peuvent s'avérer prohibitifs pour certaines PME

D'où l'idée du député de recréer des Bourses régionales, sous une forme que le rapport qui sera remis au Parlement dans les trois mois suivant le vote de la loi Macron devra déterminer. La Bourse lyonnaise Place d'Echange constitue une piste, Kiosk to Invest, lancée il y a un an par la CCI de Caen et qui a également Alternativa comme opérateur boursier, en est une autre. Alternativa qui est d'ailleurs déjà "en discussion avec d'autres régions", précise Philippe Dardier. C'est dire si cette dernière estime être un candidat naturel au poste d'opérateur des futures Bourses régionales que le gouvernement portera sur les fonts baptismaux. Certes, Euronext, le gestionnaire de la Bourse de Paris, est lui aussi un prétendant naturel à cette fonction.

Mais le modèle low-cost d'Alternativa, une plateforme 100% numérique, présente l'avantage d'alléger des procédures et des coûts de cotation qui peuvent s'avérer prohibitifs pour nombre de PME. "Je vois cette volonté de relancer les Bourses régionales comme quelque chose de positif car la Bourse fait partie du financement des entreprises de taille moyenne. Mais aller sur le marché coûte cher et est très contraignant, ce n'est pas fait pour toutes les entreprises", avait ainsi mis en garde Bertrand Rambaud, président de la société de capital-investissement Siparex, le 3 février, lors d'une conférence de presse.

Les investisseurs particuliers ne détiennent plus que 10% de la cote, en France

La Bourse n'est sans doute pas faite non plus pour toutes les régions. "Je doute que toutes puissent avoir leur Bourse. Cela nécessite un tissu économique profond, des expertises bien spécifiques et un historique, comme c'est le cas à Lyon, Nantes, Marseille, Bordeaux, Lille et Nancy, les anciennes bourses régionales, qui ne devraient pas avoir de mal à retrouver leurs réflexes. Un marché ne s'improvise pas, il y a notamment un temps d'éducation des chefs d'entreprise régionaux à la Bourse", prévient Philippe Dardier.

Plus largement, cette relance des Bourses régionales ne relève-t-elle pas du vœu pieux, compte tenu de l'aversion des Français pour l'investissement en actions ? "Il y a 20 ans, les investisseurs particuliers détenaient 25% de la cote, en France. Ce chiffre n'est plus que de 10% aujourd'hui", reconnaît Philippe Dardier. Et si les investisseurs particuliers ont pris la poudre d'escampette, c'est notamment en raison de déconvenues liées au fait que "certaines sociétés qui étaient en Bourse n'y avaient pas leur place", selon Bertrand Rambaud, soulignant combien la sélectivité devra être l'un des maîtres-mots du projet de relance des Bourses régionales. Des Bourses régionales qui, il est vrai, répondraient au besoin grandissant qu'ont les épargnants de savoir ce que leurs économies financent exactement.

Christine Lejoux

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Commentaires 13
à écrit le 29/12/2015 à 16:37
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Bonjour, Croyez-vous qu'alléger les procédures de contrôle et de protection des actionnaires aidera à redévelopper les bourses régionales ? Le slogan sur la page d'accueil Place d'Echange "Permettre de lever 200 K€ à 1 M€ pour les PME/PMI de faço...

à écrit le 20/03/2015 à 10:25
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Cela fait plusieurs années que je plaide pour Lyon comme bourse de pme/pmi et marseille comme bourse "francophonie afrique et méditerranée", de façon à attirer et fixer toujours plus de capitaux en France. Certes depuis, il y a la régionalisation ave...

à écrit le 19/03/2015 à 6:09
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Au delà de l'habillage, cette loi n'est que la mise en oeuvre du projet de régionalisation chère aux allemands et aux atlantistes pour finir de détricoter les états nations. Cela participe du même mouvement que le transferts des compétences municipal...

à écrit le 18/03/2015 à 18:37
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la loi macron est déjà une révolution culturelle même si les incidences sur l'emploi et la croissance sont à la marge, tel que l'écrit Attali, c'est bien mais c'est 1% de ce qu'il faudrait faire...et quand on voit qu'il a fallu le 49.3 pour contrer l...

à écrit le 18/03/2015 à 16:30
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plus valus, si plus valus il y'a, taxés à 40%. Risque plus grand qu'une entreprise du CAC 40 comme bouygue, qui chez moi à fait du +68% en 1 an. Pourquoi prendre des risques plus grands ? Les plus valus sont toujours taxés à 40%, inutile... Partic...

à écrit le 18/03/2015 à 15:08
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La bourse regionale,est la solution pour obtenir un financement de proximité,qui sécurise l'investisseur censé connaitre mieux que quiconque la firme. reste la taxation excessive,qui fait que de 7 millions d'investisseurs privés en 1990,il reste auj...

le 18/03/2015 à 18:32
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totalement d'accord, la france a un énorme potentiel mais totalement gâché par l'usine fantôme, le monde politico-administratif qui contrairement à ce qu'il devrait faire, ne travaille que pour sa bulle et torpille le privé en le saignant d'impots et...

à écrit le 18/03/2015 à 12:33
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Les plus valus du portefeuille action sont taxé pratiquement à la moitié, sauf à immobiliser ses valeurs durant des années dans un PEA ou un PEA PME... Quel intéret pour un particulier de prendre des risques, si ses plus valus sont taxé de moitié ...

à écrit le 18/03/2015 à 11:22
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Dans les régions à identité forte ou le souci de gagner beaucoup d'argent n'est pas essentiel, les bourses régionales seront un plus. Personnellement je ne laisserais pas traîner mon fric sur la bourse parisienne, mais sur Rennes, Nantes, oui! Du m...

à écrit le 18/03/2015 à 10:34
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Ce projet est essential c'est un bon moyen de reconcilier les francais et l'entreprise, en complement de l'actionnariat des salaries. Mais, il faut faire en sorte 1 que le systeme tienne la route en terme de fonctionnement (regles, outils, systemes c...

à écrit le 18/03/2015 à 10:16
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C'est mignon de vouloir relancer la bourse. Mais faudrait peut être regarder la fiscalité des plu-values, qui est passée de 24% au taux de l'IRPP, soit parfois 61% (45 + CSGRDS). Gràce à Hollande, mais Sarko avait enclenché le mouvement. Et je ne ...

le 18/03/2015 à 15:10
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Et vous ne mentionnez pas que la fiscalité sur la plus-value est D'ABORD une taxation sur l'inflation, puisque la taxation porte sur la plus-value nominale (en euros courants, dévalués par l’inflation) et non en sur la plus-value réelle où la dévalua...

à écrit le 18/03/2015 à 9:55
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C'est sûr que cela en vaut la peine; et cela ne devrait pas coûter cher: pour accueillir 3/4 PME, une dizaine d'employés, équipés d'un boulier devrait suffire! Ce combat est le même que celui des chambres de commerce qui n'intéressent personne, et su...

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