Malgré le Brexit, encore des méga-deals à foison en 2016

Après le record de 2015, les opérations de fusions et acquisitions ont diminué de 18% dans le monde, mais restent à des niveaux élevés, plus de 3.800 milliards de dollars. Au Royaume-Uni, les deals sont en recul de 48% en valeur. Les banques américaines dominent toujours le classement.
Delphine Cuny
Après trois années consécutives de hausse, dont un record en 2015, le marché des M&A a reculé en 2016, selon les estimations préliminaires de Dealogic, affinées depuis.

L'américain Monsanto racheté par Bayer : 66 milliards de dollars. Le suisse Syngenta par ChemChina : 46,9 milliards. Le réseau social LinkedIn par Microsoft : 28 milliards. Sans oublier le méga-deal d'AT&T sur Time Warner pour 107 milliards, le septième plus important de tous les temps. L'année 2016 a été riche en grosses opérations de fusions acquisitions, en particulier transfrontalières. Pourtant, le marché mondial des M&A (mergers & acquisitions) est en recul, de 18% selon les tous derniers chiffres au 30 décembre de Dealogic, excédant les 3.800 milliards de dollars de transactions. Un niveau qui reste élevé et devrait inscrire 2016 comme la deuxième meilleure performance depuis dix ans.

Fusions M&A depuis 95 Dealogic

[Nombre d'opérations de fusions acquisitions (colonne de droite) annoncées par année et montant total en millions de dollars, au 30 décembre 2016. Crédit : Dealogic]

Pourtant, le contexte n'était pas forcément favorable, à l'exception des taux bas, facilitant le financement.

« Des événements politiques et géopolitiques se sont télescopés, entre le contexte des attentats, le Brexit, l'élection de Trump, le référendum italien, cela crée beaucoup de fenêtres de volatilité difficiles à gérer en M&A et rend plutôt attentistes, car il faut pouvoir se projeter à 20 ans », analyse Hubert Bouxin, le co-directeur de l'activité Banking chez HSBC France.

Groupes français actifs, coup d'arrêt au Royaume-Uni

En Europe, les deals ont reculé de 20% à près de 832 milliards de dollars, et une poignée d'opérations initiées par des Américains sortent du lot comme le rachat du fabricant de semi-conducteurs néerlandais NXP par Qualcomm ou celui du spécialiste allemand des gaz industriels Linde par Praxair.

Concernant les acquisitions de cibles françaises, le marché a également diminué de 20% à 86 milliards d'euros, pour 1.860 opérations, selon Dealogic, avec quelques opérations phare comme la fusion à 6,3 milliards de Technip avec l'américain FMC ou la vente de Morpho (Safran) à Oberthur.

« On pourrait s'attendre à ce que, dans les prochains mois, les groupes américains soient plus actifs dans la zone euro et cherchent à tirer parti de la remontée du dollar », prédit Alexandre Courbon, le responsable de l'activité fusions et acquisitions en France chez Société Générale CIB.

Le montant atteint 127 milliards d'euros si l'on inclut les opérations d'acquéreurs français à l'étranger (en baisse là aussi). Or les grands groupes français ont été à l'offensive, à la recherche de croissance, en particulier aux Etats-Unis, à l'image de Danone et son acquisition du groupe de produits bio WhiteWave pour 12,5 milliards de dollars et de L'Oréal avec celle de It Cosmetics. On notera aussi la reprise de l'italien Pioneer par Amundi dans la gestion d'actifs pour 3,5 milliards d'euros ou l'OPA à 950 millions d'euros de Total sur les batteries Saft.

M&A top deals Europe

[Les 10 premières opérations sur des cibles européennes. Crédit : Dealogic]

C'est au Royaume-Uni que le M&A a connu un vrai coup d'arrêt : -48% pour les cibles britanniques, à 222 milliards, selon Dealogic. Les incertitudes liées au Brexit ont évidemment pesé. Le responsable M&A France de SG CIB relève ainsi que :

« Il est délicat pour toute entreprise de s'engager sur une transaction d'envergure avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Difficile aujourd'hui d'estimer les synergies et de déterminer le prix avec encore si peu de visibilité, entre autres, sur l'impact fiscal et douanier du Brexit, impact qui pourrait être très significatif ».

Cependant, cette baisse concerne principalement les très grosses opérations, tandis que le marché des acquisitions d'entreprises de plus petite taille est resté plutôt dynamique, selon Jean-Noël Mermet, le Pdg fondateur de Frenger International, spécialiste du « mid-market » (opérations transfrontalières de 10 à 200 millions d'euros). Ces incertitudes vont continuer à peser mais la baisse de la livre (de l'ordre de 15%) permet aussi de réaliser de bonnes affaires.

Record d'abandons et carton de Rothschild

L'année 2016 a enregistré un record dont les banques d'affaires se passeraient bien, celui de l'échec des opérations, évalué au total à 570 milliards de dollars selon l'agence Bloomberg. Il y a notamment le plus gros deal annoncé l'an dernier, la fusion à 160 milliards de dollars de Pfizer et Allergan, qui devait donner naissance au premier groupe pharmaceutique mondial, abandonnée pour des raisons fiscales. On pourrait citer également le rapprochement d'Office Depot et Staples à 6 milliards dans les fournitures de bureau ou le rachat de Baker Hughes à 28 milliards par le pétrolier Halliburton (finalement racheté par GE en octobre).

Du côté des banques d'affaires justement, ce sont toujours les grandes maisons américaines, Goldman Sachs, Morgan Stanley et JPMorgan, qui trustent la tête de la "League Table" au niveau mondial, comme l'an dernier, mais aussi celle du classement européen (avec une inversion pour les numéros deux et trois).

M&a classement banques

Les grandes banques françaises brillent par leur absence dans le top 20 mondial, alors que certaines de leurs concurrentes européennes sont bien placées comme Barclays, Credit Suisse et UBS ou Deutsche Bank. Sur leur terrain, le marché européen, BNP et Soc Gen font un peu mieux (17e et 20e), mais leur place ne reflète pas la taille de leur bilan. Les très grandes banques internationales comme JPMorgan et HSBC font valoir qu'elles sont les seules à pouvoir "bridger", garantir, de très grosses opérations de plusieurs dizaines de milliards de dollars, par exemple pour des acquéreurs chinois ne pouvant sortir des devises du pays.

Sur le marché français, c'est la maison indépendante française Rothschild & co qui arrive en tête, devant le franco-américain Lazard et Goldman Sachs, selon le classement établi par Thomson Reuters (qui concerne les opérations impliquant une cible ou un acquéreur français). Crédit Agricole CIB se hisse au pied du podium. Rothschild, qui était quatrième l'année précédente, a participé à 121 opérations d'un montant cumulé de 63,5 milliards.

Certaines banques contestent ce classement, qui prend en compte l'opération de réorganisation du capital de Crédit Agricole pour 18 milliards d'euros (reclassement intragroupe de sa participation dans les caisses régionales), qui ne constitue pas à proprement parler du M&A.

M&a classement France Reuters

En revanche, les banques françaises se rattrapent sur les opérations du marché primaire, émissions de dettes ou augmentations de capital, où elles dominent (sur leur marché national).

Delphine Cuny

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Commentaires 3
à écrit le 02/01/2017 à 18:14
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On oublie de dire que a force de fusions acquisitions il n'en restera que un , et l'explosion. Cela s'appelle de la concentration !!!!

à écrit le 02/01/2017 à 14:35
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le brexit n'a rien avoir avec le business des fusions acquisitions, drole de mélange des genres !

à écrit le 02/01/2017 à 12:34
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Preuve complémentaire que le Brexit était une grave erreur proposée par les partis extrêmistes séparatistes comme les conceptions du FN en France.

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