Paris veut ses champions mondiaux de la gestion d'actifs

Emergence, le fonds d’incubation de la Place de Paris, devrait bientôt annoncer un troisième investissement pour son compartiment "actions." Sa vocation : aider les start-up de la gestion d’actifs à devenir des leaders internationaux.
Christine Lejoux
Parmi les vingt premières sociétés françaises de gestion d'actifs, deux font partie des dix leaders mondiaux.

La French Tech et la gestion d'actifs, même combat. Tout comme la France souhaite faciliter la création de champions mondiaux dans la technologie, elle entend favoriser le développement de leaders internationaux dans la gestion d'actifs, autre filière d'excellence de l'Hexagone. Le fonds d'incubation Emergence, lancé en 2012 par Paris Europlace, l'association chargée de promouvoir la place financière de Paris, devrait ainsi dévoiler prochainement un nouvel investissement dans une société de gestion d'actifs. Il s'agira plus exactement du troisième investissement du compartiment "actions" d'Emergence, qui a déjà "incubé" Focus AM et La Financière Arbevel.

Doté depuis la fin 2014 de 200 millions d'euros, ce compartiment a pour objectif d'apporter des capitaux à gérer à des sociétés de gestion d'actifs spécialisées dans les actions françaises et européennes, plus particulièrement d'ETI (entreprises de taille intermédiaire). Pour mémoire, le premier compartiment d'Emergence, doté de 150 millions d'euros depuis 2013 et dédié à la gestion alternative, avait bouclé ses investissements il y a un peu moins d'un an, avec l'incubation d'une cinquième et dernière société de gestion d'actifs, BlueHive Capital.

 50% environ des sociétés entrepreneuriales gèrent moins de 500 millions d'euros

C'est donc un total de 350 millions d'euros, levés auprès d'une quinzaine d'investisseurs institutionnels comme la Caisse des dépôts, l'assureur Macif et EDF, qu'Emergence est en mesure d'apporter aux sociétés françaises de gestion d'actifs, en souscrivant à des fonds créés par ces dernières, via des tickets unitaires de 30 millions à 40 millions d'euros. A noter que les investisseurs institutionnels en question sont financièrement intéressés au chiffre d'affaires des sociétés de gestion.

"Avec 3.200 milliards d'euros d'actifs sous gestion à la fin 2014, la France est le troisième plus grand pays de la gestion d'actifs dans le monde. En particulier grâce à une formation scientifique de grande qualité, l'industrie française de la gestion d'actifs possède une aptitude à l'innovation reconnue mondialement, au service des investisseurs. Parmi les vingt premières sociétés françaises de gestion d'actifs, deux font partie des dix leaders mondiaux",

explique Alain Leclair, président d'Emergence et président d'honneur de l'Association française de la gestion financière (AFG). Et d'ajouter : "Nous avons en France une industrie de la gestion d'actifs puissante grâce à son gisement d'épargne, et qui se doit de jouer un rôle important pour les financements à long terme des entreprises, en dépit de l'absence de fonds de pension."

Cet absence de fonds de pension en France et le manque de financements de long terme qui en découlent pour la gestion d'actifs sont d'autant plus dommageables que, sur les 600 sociétés de gestion qui existent en France, pas moins de 400 sont - originalité française - des sociétés entrepreneuriales, indépendantes des banques et des assureurs, à l'image de Carmignac, de Financière de l'Echiquier, de Moneta ou encore de Mandarine Gestion, respectivement fondées par Edouard Carmignac, Didier Le Menestrel, Romain Burnand et Marc Renaud.

 200 sociétés de gestion "appelées", une dizaine d'élues seulement

Or, plus de la moitié de ces 400 "French boutiques" "disposent de moins de 500 millions d'euros d'actifs sous gestion, seuil aujourd'hui nécessaire pour attirer les capitaux étrangers dans une concurrence internationale croissante. Seuil qui permet aussi d'absorber les contraintes réglementaires, toutefois nécessaires à la sécurité des marchés", souligne Alain Leclair. Dont l'objectif, avec, Emergence, "est d'amener les jeunes sociétés de gestion les plus talentueuses à gérer 1 milliard d'euros d'encours au moins." Car c'est désormais à l'échelle internationale que s'effectuent les appels d'offre des investisseurs institutionnels qui souhaitent confier leurs capitaux à des sociétés de gestion. Une tendance encore accentuée par la révolution numérique, qui facilite l'organisation de "road-shows" auprès des investisseurs basés à l'étranger. Or nombre de grands institutionnels anglo-saxons ne peuvent investir dans des fonds trop petits, sous peine de ne pas respecter leurs ratios d'emprise.

La demande est bel et bien là : depuis son lancement, Emergence a reçu la candidature de quelque 200 sociétés de gestion entrepreneuriales. Mais les 350 millions d'euros du fonds d'incubation ne seront alloués qu'à une dizaine de jeunes gérants. A charge pour NewAlpha AM, gérant délégataire d'Emergence, de repérer ces futurs talents, puis de les présenter au comité d'investissement du fonds d'incubation. Sur la base de quels critères s'effectue la sélection ? "En tant qu'incubateur et accélérateur de croissance, avec NewAlpha, nous devons examiner non seulement les compétences techniques des gérants et leur gouvernance, mais également leur capacité à être des chefs d'entreprise, à développer leur société », explique Alain Leclair. Des gérants qui doivent donc être avant tout des entrepreneurs, plus encore que des financiers.

Christine Lejoux

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