"Souriez... vous êtes assurés, surveillés et évalués ! "

Intelligence artificielle, big data, objets connectés : les compagnies d'assurances embrassent ces technologies qui permettent de mieux mesurer les risques et de diminuer les coûts en disciplinant les comportements, au risque d'exercer un contrôle social permanent.
Delphine Cuny
L'assureur italien Generali a lancé un « programme dédié au bien-être » Vitality en France et en Allemagne qui encourage les assurés à mener une vie plus saine et les récompense s'ils vont à la salle de gym, au magasin bio, etc.

Avez-vous fait assez d'exercice aujourd'hui ? Assez dormi cette nuit ? Pas trop bu hier soir ? Ni conduit trop vite ce matin ? Votre assureur veut tout savoir de votre quotidien et il en a les moyens en s'immisçant dans votre intimité, grâce aux objets connectés et aux technologies de traitement des données. Il y a les bracelets qui mouchardent toute votre activité (nombre de pas, heures de sommeil) - Axa s'est associée avec Withings pour sa complémentaire santé, et en Espagne son programme Health Keeper donne droit à des réductions dans des spas, salles de sport et chez des médecins.

Il y a aussi les boîtiers qui évaluent la conduite des conducteurs - toujours Axa qui a été la première à lancer en France une offre d'assurance auto « pay how you drive » : accélérations forcées, freinages brusques, virages trop secs, vitesse trop élevée, si vous pilotez votre véhicule avec sagesse et souplesse, vous êtes récompensé par des baisses de tarifs.

Vous avez dit intrusif ? C'est de la prévention. C'est pour votre bien : votre santé, votre espérance de vie et votre porte-monnaie. Cela aide aussi l'assureur à diminuer ses coûts.

L'assurance « comportementale » ou « intelligente » (smart insurance) peut aller encore plus loin. L'italien Generali a ainsi lancé un « programme dédié au bien-être » Vitality, en partenariat avec l'assureur sud-africain Discovery. En Allemagne, c'est un contrat de prévoyance individuel qui encourage les assurés à mener une vie plus saine : le programme récompense les clients qui vont à la salle de gym ou au supermarché bio agréé sous forme de rabais sur les primes d'assurance ou en bons de réduction chez des partenaires.

L'assureur n'accède pas aux données individuelles mais aux « scores » des assurés qui mettent à jour leur application pour décrocher un statut platine, or, argent ou bronze.

Smart assurance et surveillance soft

En France, le programme Generali Vitality vient d'être déployé pour ses clients entreprises ayant un contrat collectif d'assurance santé ou de prévoyance, sur la base du volontariat pour les salariés. Les données collectées n'ont « aucune utilisation à des fins de tarification », impossible dans l'assurance collective, rappelle Generali. Aux États-Unis, dans certaines entreprises, ce type de programme « bien-être » est obligatoire si l'on ne veut pas perdre son assurance santé. Un paternalisme qui confine à la surveillance numérique pas si soft. Sous couvert de jeu (la « gamification ») et de personnalisation plus poussée, on met en place une forme de servitude volontaire et on voit poindre une assurance au mérite.

Fin janvier, au Paris Fintech Forum, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, avait appelé les assureurs à leur sens des responsabilités : « il faut trouver un juste équilibre entre la segmentation et le partage du risque entre assurés - ce sont les principes de solidarité et de mutualisation consubstantiels à l'assurance qui sont en jeu ; et il ne faut pas perdre de vue nos valeurs collectives à l'égard du respect de la vie privée ».

Fin novembre, l'assureur britannique Admiral avait fait polémique en proposant aux jeunes conducteurs de s'enregistrer sous leur profil Facebook pour que l'assureur passe au crible d'un algorithme leurs posts et décide d'un éventuel bonus. Facebook lui-même lui avait signifié qu'il allait trop loin.

Delphine Cuny

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Commentaires 2
à écrit le 20/02/2017 à 10:03
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En plus l'assurance est obligatoire!

à écrit le 20/02/2017 à 9:18
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Merci pour cet article qui grâce à ces quelques mots: "au risque d'exercer un contrôle social permanent" montre que l'auteur s'est penchée sérieusement sur son sujet prenant l'indispensable recul afin d’appréhender de manière la plus objective possib...

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