Startups de la finance : contrôle graduel et pédagogie, plaide le gendarme

Après les sanctions infligées à Morning et Lemon Way, le régulateur ACPR défend son approche proportionnelle dans les sanctions et la supervision des nouveaux acteurs de la Fintech.
Delphine Cuny
Le régulateur avait suspendu l'agrément de la néobanque toulousaine Morning qui avait prélevé de l'argent sur le compte de cantonnement des clients, ce qui est formellement proscrit.

La "montée en puissance de la finance digitale" est l'un des quatre grands enjeux de l'organe de supervision des secteurs de la banque et de l'assurance, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), aux côtés de l'environnement de taux bas, de la protection des clients et de la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, a souligné ce lundi le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, en dressant le bilan de l'action de l'ACPR.

"L'accompagnement des nouveaux acteurs est une priorité pour l'ACPR, que nous avons matérialisée par la création du pôle Fintech Innovation et du Forum Fintech avec l'Autorité des marchés financiers.

Les Fintech sont porteuses de solutions innovantes pour les clients, et très bienvenues, mais elles doivent, elles aussi, être attentives à la protection des données, à la cybersécurité ou encore au respect des dispositifs anti-blanchiment" a-t-il insisté.

Contrôle "graduel et proportionnel"

En avril dernier, l'ACPR a justement sanctionné d'un blâme et d'une amende de 80.000 euros la plateforme de paiement pour e-commerçants Lemon Way pour des manquements aux obligations de connaissance du client et de vigilance en matière de lutte contre le blanchiment, mis à jour lors d'une inspection de contrôle sur place entre mars et avril 2015. Et en décembre 2016, l'Autorité avait suspendu l'agrément de la néobanque Morning (ex-Payname), qui, à court de liquidités, avait prélevé 500.000 euros du compte de cantonnement (où est placé l'argent des clients), ce qui est formellement proscrit.

Interrogé sur la nécessité ou non de renforcer les contrôles pour ces nouveaux acteurs, le gouverneur de la Banque de France et président de l'ACPR a répondu de manière balancée :

"Il faut que nous trouvions le bon gradualisme des contrôles, nous ne pouvons en imposer l'intégralité à ces nouveaux acteurs. Il y a un principe absolu de sécurité et un principe relatif de proportionnalité. Sur les sujets tels que la sécurité des transactions et la lutte contre le blanchiment, nous avons les mêmes exigences, on ne peut se permettre de baisser la garde. Concernant les exigences en capital, le reporting et même la gouvernance, il faut que nous proportionnons les décisions.

Nous préférons cette approche à celle dite du bac à sable, la "sandbox" [au Royaume-Uni ou à Singapour par exemple, ndlr], où l'on applique ensuite la totalité de la réglementation : il vaut mieux être proportionnel et graduel", a-t-il argué.

Le montant de l'amende prononcée contre Lemon Way avait ainsi tenu compte du « principe de proportionnalité au regard de l'assise financière » de la jeune entreprise.

Le président de la commission des sanctions, Rémi Bouchez, a estimé que les startups de la Fintech s'acculturaient aux règles.

"Nous devons faire de la pédagogie. Les dirigeants de ces nouveaux acteurs intègrent ces exigences dans leurs pratiques. Ils viennent souvent d'un monde différent. Il y a un apprentissage à faire, mais il doit être ultra-rapide, sinon ils s'exposent à des sanctions" a-t-il prévenu.

Le gouverneur de la Banque de France a enfin souligné que "l'enjeu digital, ce ne sont pas que les Fintech", c'est aussi "la transformation des banques et des assurances" et les conséquences sur leur modèle d'affaires, mais peut-être aussi "demain les grandes plateformes numériques, les GAFA", les Google, Apple, Facebook, Amazon, qu'il faudra veiller "à une réelle égalité de concurrence" avec ces mastodontes américains.

Delphine Cuny

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