Vulnérables, les banques italiennes tanguent avant le référendum

Un « non » dimanche mettrait en péril la recapitalisation de Monte dei Paschi et d’Unicredit, ployant sous les créances douteuses. Le sort des banques de la péninsule intéresse de près les groupes français, de BNP à Crédit Agricole, voire Société Générale, selon la rumeur.
Delphine Cuny
Le premier volet du plan de sauvetage de Monte dei Paschi a mal commencé ce lundi. L'action de la banque toscane a chuté de plus de 13%.

C'est une opération à hauts risques qui commence mal. Ce lundi, alors que Banca Monte dei Paschi di Siena (BMPS), la troisième banque italienne, a lancé un plan de conversion volontaire d'obligations en actions qui doit lui permettre de récolter un milliard d'euros pour renforcer son bilan, la réaction des investisseurs a été glaciale : l'action a chuté si violemment que sa cotation a dû être suspendue. Le titre de la plus vieille banque commerciale du monde encore en activité a fini la séance en retrait de 13,8%. La banque de Sienne a perdu 88% de sa valeur en un an et ne pèse plus que 660 millions d'euros.

Les investisseurs ont visiblement pris peur à la lecture du prospectus de l'opération qui dresse la liste des incertitudes et risques pesant encore sur l'avenir de la banque, la plus vulnérable en Europe comme l'ont révélé les derniers tests de résistance ("stress tests") de la BCE cet été.

"A la lumière de l'incertitude considérable entourant la réalisation des différentes parties du projet global, il existe un risque que le projet lui-même ne puisse pas réussir et ne puisse pas être mené à bien", indique ainsi la banque dans le prospectus.

Son plan de sauvetage, dont la conversion de dette est le premier volet, doit la renflouer de 5 milliards d'euros. Mais cette recapitalisation pourrait être mise en péril si le « non » l'emporte au référendum constitutionnel de dimanche (comme le prédisent les sondages).

Plombées par les créances douteuses

Monte dei Paschi est emblématique du mal frappant tout le système bancaire italien, fragile car ployant sous les créances douteuses, qui ont triplé en moins de dix ans, et souffrant de sous-capitalisation. Même Intesa sanpaolo, considérée comme la plus solide, pourrait être touchée par les effets de ricochet des recapitalisations des autres acteurs plus faibles de ce secteur fragmenté. Un secteur dans lequel deux banques françaises sont très investies, BNP avec sa filiale BNL, et Crédit Agricole avec Cariparma.

Les créances douteuses des banques italiennes, pudiquement appelées « prêts non-performants », représentent 19% du PIB italien : elles s'élevaient à 356 milliards d'euros à fin juin selon la Banque d'Italie (en baisse de 4 milliards), dont 198,9 milliards de créances irrécouvrables (« sofferenze »).

Créances douteuses banques italie

[La qualité de crédit et l'exposition des banques italiennes aux prêts non-performants. Rapport de stabilité financière de la Banque d'Italie, novembre 2016]

La valeur à la vente de ces créances « pourries » serait plus que moitié moindre, de l'ordre de 85 milliards d'euros selon la banque centrale italienne, soit 42% de la valeur brute comptable.

Dans son rapport sur le mécanisme d'alerte il y a dix jours, la Commission européenne dressait un panorama inquiétant de la situation italienne :

« La faible rentabilité et le stock élevé de prêts non-performants rendent le système bancaire [italien, ndlr] de plus en plus vulnérable et pèsent sur la capacité des banques à soutenir l'économie. »

rapport Commission banques italie

[L'Italie parmi les pays européens comptant le plus de créances douteuses. Rapport sur le mécanisme d'alerte BCE/ Commission européenne]

La BCE a précisé mardi dans ses statistiques de surveillance bancaire que les 14 grandes banques italiennes qu'elle supervise détiennent près des deux tiers de toute les créances douteuses de la zone euro, soit 286 milliards sur 990 milliards d'euros à fin juin.

BMPS n'est pas la seule. UniCredit, la première banque italienne par l'actif, a encore plus de 76 milliards d'euros de créances douteuses au bilan. Elle a procédé à des cessions, en envisage d'autres et s'apprête à vendre Pioneer, sa filiale de gestion d'actifs, pour un montant estimé à 3,5 milliards d'euros : c'est le français Amundi, numéro un européen et filiale du Crédit Agricole, qui aurait fait la meilleure offre, selon Reuters.

Les banques françaises regardent de près

Dirigée par le Français Jean-Pierre Mustier, un ancien de la Société Générale, UniCredit doit présenter sa stratégie le 13 décembre. Des proches du dossier évoquent des provisions de 8 à 9 milliards et une augmentation de capital plus importante que prévu, de 13 milliards d'euros, comprenant une opération de conversion d'obligations en actions, comme Monte dei Paschi, toujours selon l'agence Reuters.

"Notre scénario big-bang envisage une augmentation de capital de 11 milliards pour financer un nettoyage à la BMPS", écrivent les analystes de Jefferies.

Ses difficultés ont fait réapparaître des rumeurs de fusion avec la Société Générale, non commentées par les intéressés. Un serpent de mer du secteur depuis une dizaine d'années :

"Monte dei Paschi et Société Générale ? Ce serait la recette pour un désastre !"

C'est ainsi qu'aurait récemment balayé cette idée Jean-Pierre Mustier, nous confie un banquier d'affaires. Des organisations et des cultures trop radicalement différentes, selon lui. Une autre source, proche de la banque française, souligne que les conditions ont changé depuis l'ère Daniel Bouton et que le développement dans la zone euro hors de France n'est pas la priorité stratégique de la banque de La Défense.

En revanche, les banques françaises bien implantées en Italie, le Crédit Agricole, dont c'est "le second marché domestique", et BNP (c'est son troisième marché après la France et la Belgique), ont été gentiment approchées pour participer au sauvetage.

« La banque centrale italienne a demandé à BNP et Crédit Agricole de regarder les petites banques mais l'un comme l'autre ne veulent surtout pas y toucher », glisse un banquier d'affaires.

De petites banques vont être contraintes de se rapprocher. Le fonds de sauvetage Atlante doit racheter 2,5 milliards d'euros de prêts douteux détenus par Banca Etruria, Banca Marche et CariChieti, ce qui pourrait être le préalable à leur rachat par la cinquième banque italienne, UBI Banca.

Toutes ces opérations restent suspendues au référendum, dont les résultats pourraient provoquer de sérieuses turbulences sur les marchés. Unicredit a perdu 4,5% lundi, Intesa 3,2%, Banca Popolare Emilia Romagna plus de 6,5%...

[Article modifié le 29 novembre à 18h : l'Italie détient 29% des créances douteuses de la zone euro]

Delphine Cuny

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Commentaires 4
à écrit le 29/11/2016 à 19:50
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le référendum n'a rien à que voir avec les banques. Ils sont deux sujets nettement distingués que quelqu'un par contre veut lier. Les banques dont on parle sont mises en conditions désastreuses et donc le problème sera de résoudre soit qu'il vainque ...

à écrit le 29/11/2016 à 14:28
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Le calme avant une grosse tempête possible dans 5 jours, autant pour les banques italiennes que françaises, celles ci exposées pour 12,4 % du PIB français. Qui pour renflouer sinon la BCE, car bail in ou out italien n'y suffiront pas. Si Berlin s'y o...

à écrit le 29/11/2016 à 9:08
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"Un « non » dimanche mettrait en péril la recapitalisation de Monte dei Paschi et d’Unicredit, ployant sous les créances douteuses" Pourriez vous arrêter de nous donner de faux espoirs s'il vous plait ? A chaque fois on nous fait le coup, on...

à écrit le 29/11/2016 à 8:52
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Encore un article excessivement alarmiste. Il est vrai que le secteur bancaire italien est dans une phase de consolidation et qu il y aura plusieurs fusions mais il est aussi vrai que le fameux referendum du 4 decembre est utilisé par plusieurs gouve...

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