Comment Suez change de business model grâce à l'innovation

Le groupe français mise sur la recherche et le développement pour stimuler sa capacité à recycler le plastique et à valoriser les biodéchets. Il déploie également des solutions digitales pour des services plus personnalisés.
Giulietta Gamberini
(Crédits : REUTERS/Charles Platiau)

D'autres prestations de services, comme le traitement de l'eau, ont déjà été confrontées à ce défi : la nécessité de passer d'un business fondé sur l'augmentation des volumes à un modèle de croissance orienté vers la qualité du service. Jusqu'à très récemment préservée, la gestion des déchets aussi doit désormais s'y frotter. Entre 2004 et 2014, dans les 32 États - les 28 membres de l'UE ainsi que l'Islande, la Norvège, la Suisse et la Turquie - étudiés par l'Agence européenne de l'environnement (AEE), le taux de mise en décharge des déchets municipaux est passé de 49% à 34%, selon un rapport publié en novembre.

Entre 2004 et 2012, la production générale de déchets par habitant (excluant les principaux déchets minéraux, liés aux activités extractives) a pour sa part diminué de 5,8% dans l'Union européenne, selon Eurostat.

« La réduction de la consommation correspond de plus en plus à la réglementation et à la culture », reconnaît Philippe Maillard, directeur général de la division Recyclage et valorisation de Suez.

« Faites-nous entrer dans vos usines ! »

Convaincu qu'un tel mouvement ne peut être qu'« accompagné », Suez mise alors sur deux défis planétaires : la pollution, qui impose aux industriels des choix plus responsables, et la raréfaction des ressources naturelles, qui propulse l'économie circulaire sur le devant de la scène. En matière de déchets, le groupe a d'ailleurs abandonné le terme de « gestion » pour celui de « valorisation », qui est devenu le pilier de sa stratégie. Et en termes d'offre, il insiste désormais surtout sur des services sur mesure, conçus dans le cadre d'une logique partenariale.

« Le message à nos clients est clair : si vous voulez recycler plus et mieux, ne nous laissez plus devant la porte, mais faites-nous entrer dans vos usines », résume Philippe Maillard.

Un discours auquel les entreprises, désirant améliorer leur réputation, semblent de plus en plus réceptives, y compris au niveau des directions générales.

Ainsi, en mai, Suez a conclu un partenariat avec L'Oréal pour la gestion, pendant trois ans, de la performance environnementale (eau, énergie, déchets) de tous les établissements industriels du groupe cosmétique : des solutions adaptées seront développées site par site. L'accompagnement peut aussi aller plus loin, jusqu'à l'écoconception, comme dans le cas de la récente collaboration avec Procter & Gamble pour le développement d'une première bouteille de shampooing composée en partie de plastique collecté sur les plages.

Un laboratoire pour les biodéchets, un autre pour le plastique

Pour porter cette « révolution de la ressource », Philippe Maillard en est conscient, « l'innovation est essentielle ». C'est notamment grâce à ses politiques de recherche et développement confiées à 400 chercheurs que Suez oriente l'essentiel de ses activités en matière de déchets vers la production « de matières secondaires de qualité et d'énergie verte » : respectivement, 3,9 millions de tonnes et 6 254 GWh en Europe, en 2016.

En ce sens, le plus grand défi est sans doute représenté par le plastique, auquel Suez consacre huit unités en Europe, mais dont aujourd'hui seulement 25 % sont recyclés.

« Les résines mises sur le marché, très nombreuses, évoluent tout le temps. Les transformer en matière recyclée correspondant à la demande des plasturgistes est souvent encore trop coûteux, voire parfois techniquement impossible », explique Philippe Maillard.

La polémique sur le PET opaque, de plus en plus utilisé pour les bouteilles de lait car moins lourd, et donc moins cher, mais non recyclable, que Ségolène Royal a fini par soumettre à un « malus », a bien matérialisé ces derniers mois cette problématique. Suez espère néanmoins doubler sa production de plastiques recyclés en Europe avant la fin de la décennie, grâce à un laboratoire consacré à cet enjeu : PLAST lab, créé en 2014.

« Nos équipes travaillent tous les jours pour développer de nouvelles techniques de recyclage », insiste le directeur général de la division.

En 2018, le groupe prévoit aussi d'ouvrir à Narbonne, en partenariat avec l'Inra, un autre laboratoire consacré aux déchets organiques, autre enjeu d'avenir puisque la loi de transition énergétique en préconise la collecte séparée dans toute la France, en 2025. Dans ce domaine, Suez expérimente aussi déjà des solutions permettant d'utiliser directement le biogaz produit par la méthanisation des biodéchets pour chauffer des unités de production à proximité : notamment une serre de tomates à Toulouse et une de poivrons à Caen. « Cela permet d'éviter de la déperdition d'énergie », explique Philippe Maillard. La même approche commence à être appliquée également aux centres d'enfouissement : dans l'Oise, le groupe s'est associé à la startup Waga Energy, dont une nouvelle technologie permet d'injecter directement dans le réseau de gaz le biogaz produit par les déchets stockés, soit la consommation annuelle de 3.000 foyers.

Des bacs connectés aux bennes intelligentes

Un autre enjeu d'innovation fondamental, notamment pour mieux servir la moitié des clients de Suez constituée par les collectivités territoriales - mais aussi les entreprises, « de plus en plus demandeuses de transparence sur leurs flux » -, est « l'intégration de la dimension digitale » : une transformation dans laquelle le traitement de l'eau a aussi ouvert la voie, alors que la gestion des déchets est encore en retard. Des expérimentations de son potentiel sont déjà en cours. À Dijon, où l'entreprise a remporté en avril la gestion de la collecte et du tri des déchets de la communauté urbaine pour cinq ans, Suez compte déployer plusieurs services digitaux, comme la géolocalisation des points de collecte, accessible sur tablette et smartphone. À Rennes, où le groupe a réobtenu en mai le contrat de collecte des déchets ménagers de la métropole pour six ans, deux des 42 camions poubelles en circulation sont équipés, dès ce mois de juillet 2017, de capteurs pour mesurer la qualité de l'air, les niveaux de bruit et les déperditions énergétiques des bâtiments.

Une application aux déchets des « Centres visio », « tours de contrôle » regroupant les données et surveillant en temps réel les réseaux d'eau, sera lancée en octobre à Lyon. Et afin de mieux organiser la commercialisation des déchets organiques, Suez vient de lancer une place de marché dédiée, Organix, basée sur un système d'enchères et permettant des transactions « simples et sécurisées » entre producteurs de déchets verts et exploitants de méthaniseurs. La solution semble inspirée des services proposés par la société américaine Rubicon Global, dont le groupe français a acquis une participation de 2% en décembre, dans une logique d'innovation partenariale : surnommé le « Uber des déchets », Rubicon, de manière purement digitale, organise des enchères en ligne pour les contrats de gestion des déchets de ses clients. Dans Organix, Suez, qui peut, lui, s'appuyer sur ses actifs, s'occupera néanmoins aussi du transport et de la logistique et garantira la qualité des déchets.

Quant aux bacs dotés de capteurs, enregistrant le volume des déchets et la fréquence de collecte, le marché est en revanche moins dynamique que prévu. Certes, un million de Français en sont déjà équipés, dans les collectivités territoriales ayant mis en place le système de tarification incitative que la loi de transition énergétique préconise avant 2025. Mais malgré leurs résultats positifs (+10% de passages en déchetteries et -30% de mise en décharge), la plupart des collectivités locales, freinées par les coûts et des doutes sur les effets pervers du dispositif, tardent à suivre. Suez réfléchit à des applications alternatives : 220.000 Rennais doivent ainsi recevoir avant l'été des bacs « pucés », dont l'entreprise utilisera les données pour optimiser ses circuits de collecte.

Giulietta Gamberini

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Commentaires 2
à écrit le 21/07/2017 à 9:28
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Tiens étrange que mon commentaire d'avant hier ne soit pas passé, c'est quand en fait ce ne sont pas des vrais articles mais des publi reportages ? Le mieux là aussi reste quand même de fermer les commentaires, c'est moins hypocrite et ça fait pe...

le 22/07/2017 à 10:02
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Je n'ai pas pu vous lire ... Évidement que c'est de la publicité pour Suez , cette grande entreprise qui aux dernières nouvelles n'a jamais fait dans le philanthropique . le passage sur : laissez nous entrer dans les entreprises ... Ne manque pas d'...

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