Climat : les émissions chinoises ont-elles atteint leur pic avec 15 ans d’avance ?

La Chine, qui a présenté samedi son 13e plan quinquennal, enregistre depuis deux ans un recul de sa consommation de charbon et de ses émissions de gaz à effet de serre. Selon une étude britannique, celles-ci pourraient avoir déjà atteint leur pic, auquel le pays s’est engagé pour 2030. Les autorités chinoises en revanche, refusent de réviser leurs ambitions.
Dominique Pialot

Une chose est sûre : alors qu'elle a officiellement rendu public son treizième plan quinquennal samedi 5 mars, la Chine est en pleine mutation énergétique. Elle vient de battre ses propres records en matière d'énergies renouvelables, sur un marché qu'elle domine de la tête et des épaules. Ainsi, l'éolien et le solaire ont bondi respectivement de 74% et 34% en 2015, et les nouvelles capacités renouvelables installées en Chine représentent 40% du marché mondial.

Certes, le charbon représente encore les deux-tiers de son électricité, ce qui a des conséquences catastrophiques en termes de pollution aux particules fines et de santé publique. Mais sa consommation a ralenti de 3,7% en 2015, après avoir déjà baissé de 2,9% en 2014. Quant aux importations, elles sont en recul de 30%

En toute logique, cela fait grimper la part des énergies renouvelables (hydroélectricité comprise), passée de 11% du mix énergétique en 2011 à 18% en 2015,. Quant aux émissions de gaz à effet de serre, les chiffres de 2014 montrent un léger recul.

Tendances structurelles lourdes

Il n'en fallait pas plus au Grantham Research Institute de la London School of Economics pour y déceler le pic du premier émetteur de la planète. Selon une étude codirigée par Nicholas Stern et Fergus Green, ces transformations sont profondes et irréversibles et, selon les auteurs, même si elle devait redémarrer sous l'effet de la croissance économique, la courbe des émissions resterait presque plate.

Cela n'est pas l'avis de l'envoyé spécial de Pékin sur le climat, Xi Zhenhua, qui assure que les émissions ont repris leur évolution à la hausse en 2015 et continueront de le faire jusqu'en 2030, date à partir de laquelle le pays s'est engagé à les faire décroître. Dans le même temps, il reconnaît que la Chine est bien partie pour diviser par deux son intensité carbone entre 2005 et 2020, alors qu'elle ne s'est engagée officiellement qu'à une diminution de 40% à 45%. Un chercheur chinois de la China Academy of Sciences estime pour sa part qu'elles pourraient atteindre ce pic cinq ans plus tôt, à condition que soient mises en place des politiques plus strictes en matière d'environnement.

Consommation énergétique plafonnée en 2020

D'ores et déjà, tout en misant sur un taux de croissance annuelle de 6,5% pour les cinq prochaines années, la Chine prévoit d'abaisser son intensité énergétique de 15% entre 2016 et 2020, et son intensité carbone de 18% sur la même période. Autrement dit, de consommer 15% d'énergie en moins et d'émettre 18% de CO2 en moins par point de PIB. Et pour la première fois, elle se fixe un plafond de consommation énergétique, à 5 milliards de tonnes équivalent charbon en 2020, soit une hausse de seulement 16,3% par rapport aux 4,3 milliards consommés en 2015.

Quelque 630 milliards de dollars (572 milliards d'euros) d'investissement « verts » doivent lui permettre d'atteindre ces objectifs, ainsi que la généralisation d'un marché interne du carbone. Testé avec succès depuis deux ans dans sept provinces, il doit en effet être étendu au pays tout entier en 2017. Il couvrira 10.000 sites industriels dans les secteurs pétrochimie, chimie, matériaux de construction, fer et acier, métaux non ferreux, industrie du papier, producteurs d'électricité, aviation...

Feu vert pour 210 nouvelles centrales à charbon ?

D'habitude, on soupçonne la Chine de sous-estimer ses émissions, comme cela a été le cas à la veille de la COP concernant la période de 2005 à 2013. Cette fois, c'est la Chine qui refuse de crier victoire trop rapidement...Ses dirigeants ont bien conscience qu'en admettant avoir déjà atteint ses objectifs pour 2030, le pays responsable de 26% des émissions mondiales pourrait se trouver sous la pression de la communauté internationale pour revoir ses ambitions à la hausse.

En outre, le ralentissement économique, qui selon les experts serait responsable  des trois-quarts de ces évolutions favorables au climat, pourrait également avoir un impact négatif sur le financement de la transition énergétique et de la bascule vers une économie bas-carbone. Les économies occidentales en ont fait la démonstration lors de la crise financière de 2008, coupant provisoirement court aux espoirs de croissance verte et autres Green New Deal.

Par ailleurs, malgré ses engagements et le ralentissement de sa consommation, un rapport de Greenpeace révèle que Pékin aurait récemment donné son feu vert à la construction de 210 nouvelles centrales, créant les conditions d'une bulle du charbon.

Surtout, dans ce domaine comme dans d'autres, tant que les statistiques chinoises ne seront pas plus fiables, il restera délicat de tirer des conclusions...

Dominique Pialot

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Commentaires 3
à écrit le 08/03/2016 à 22:12
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De toute façon, il est trop tard pour enrayer le processus du changement climatique. Il reste à nous habituer à avoir plus chaud et plus souvent les pieds dans l'eau. Comme on aura plus chaud, nous aurons besoin de plus climatiser... donc de beau...

à écrit le 08/03/2016 à 15:13
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Merci la crise économique mondiale due à la chute du pouvoir de consommation des ménages du coût la pollution liée à la production de biens chute également. Un mal contre un bien. Finalement c'est peut-être le sacrifice de Mike le poulet sans têt...

à écrit le 08/03/2016 à 12:06
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Sacré Chinois toujours en avance sur la vieille Europe. Mais attention avec les poussières de lignite que nous envoie nos voisins Allemands, on va vite faire égalité !!

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