Electricité & chaleur : Enertime va déployer sa technologie en Chine

Enertime - start-up française spécialisée dans la transformation de chaleur en électricité - a annoncé courant mai sa première implantation en Chine. L'occasion de faire le point avec son président, Gilles David.

Cleantech Republic : Ce printemps vous avez annoncé une belle affaire en Chine...

Gilles David : Nous venons effectivement de signer un contrat pour la construction d'une machine de 3,2 MW à Baosteel, le leader chinois de l'acier. Elle sera conçue et construite en France (technologie propriétaire ORCHID©), puis installée et mise en service par nos soins au troisième trimestre 2016, à Shanghai. Cette opération sera réalisée dans le cadre de la rénovation du refroidisseur circulaire d'une usine d'agglomération de minerais de fer. C'est le plus gros ORC (ndlr : Cycles Organiques de Rankine) jamais installé en Chine et il sera suivi de beaucoup d'autres.

Enertime entame sa 7ème année... l'âge de raison ?

Surement ! En tout cas nous constatons que nous avons eu raison de croire à l'industrie et à notre technologie de production d'électricité utilisant les ORC. En 2008, nous étions un bureau d'études avec des idées. Aujourd'hui, grâce à beaucoup de R&D, à des premiers clients novateurs et à nos investisseurs (ndlr : Enertime a levé plus de 4 millions d'euros en plusieurs tours), nous sommes une entreprise industrielle présente à l'international.

Vous êtes donc désormais 100% ORC ?

Nous avons effectivement quasiment quitté le marché de l'ingénierie et du développement de projet hors de nos propres projets ORC. En revanche, nous capitalisons sur notre expertise dans les compresseurs et les turbines de fortes puissances en produisant bientôt des pompes à chaleurs géothermiques destinées aux grands réseaux de chaleur. Cela nous ouvre d'importantes perspectives commerciales. Elles sont les bienvenues car les projets ORC sont encore trop peu fréquents en France et l'accès à l'international est très difficile pour une start-up industrielle comme la nôtre. Et pour cause : nous sommes faiblement soutenues par les banques.

C'est-à-dire ?

Une machine ORC de 3-4 MW haute température en récupération de chaleur fatale revient à environ 1 000 € par KW installé. Auxquels il faut ajouter l'intégration dans les procédés existants (typiquement des échangeurs avec une source de chaleur fatale, un bâtiment...). Au final, si la chaleur perdue n'est pas déjà capturée, on atteint en Europe facilement 2 000 à 3 000 €/KW installé. C'est un prix incompatible avec les tarifs français de l'électricité industrielle et les temps de retour de moins de trois ans demandés par les industriels. Nous avons donc accentué nos actions commerciales vers l'international (et les îles françaises). Et cela fonctionne : avec cinq machines ORC (installées ou vendues), dont dix à l'étranger, nous sommes désormais dans le top 4 mondial des fournisseurs d'ORC de puissance (1MW et plus). Et l'année 2015 devrait apporter de nouveaux succès.

Le marché semble effectivement étroit...

En fait le marché potentiel est immense mais l'efficacité énergétique industrielle souffre en Europe de l'effondrement des prix de l'électricité sur le marché libre (40 €/MWh). Une baisse lié aux subventions dans les énergies renouvelables et d'une absence d'investisseurs tiers innovants. C'est pourquoi sans perdre notre focus, nous nous diversifions dans les pompes à chaleur grâce à des financements européens du programme H2020 et dans des applications sans distorsion de marché, comme la biomasse à l'international ou le transport maritime. Nous avons ainsi remporté, avec les chantiers STX de St Nazaire, un appel d'offre européen visant à concevoir une gamme de machines ORC permettant d'améliorer l'efficacité énergétique des moteurs diesel des grands navires comme les bateaux de croisière. Avec en ligne de mire 5 à 10% d'économies en carburant et un retour sur investissement de 5 ans ! A plus longue échéance, nous développons une offre dans la géothermie en partenariat avec la société Fonroche Géothermie (Projet Fongeosec de 5,5 MW) et menons un travail prospectif avec Engie (ndlr : ex GDF-Suez), le BRGM et le CEA autour du stockage d'électricité sous forme de chaleur et de froid. Enfin, nous réfléchissons également au stockage d'électricité grâce à l'air comprimé - encore un sujet connexe avec nos compétences en turbines et compresseurs.

Beaucoup de projets ambitieux... Comment allez-vous les financer ?

Nous finissons une levée de fonds de plus d'un million d'euros et préparons une levée de fonds importante pour 2016 qui nous permettra de continuer à financer cette R&D, mais surtout de financer nos modules en créant une activité de service énergétique. En effet, en allégeant (ou supprimant) l'investissement du bilan de nos clients industriels, on facilite le passage à l'acte et on ouvre considérablement le marché tout en obtenant des retours sur investissement de 5 à 6 ans. Nous préparons ainsi plusieurs projets pour 2016 en tant qu'investisseur pour un montant cumulé de plus de 25 millions d'euros. Ce modèle ESCO (Energy Service Company : société de services énergétiques) pourrait d'ailleurs devenir notre principal modèle économique à moyen terme.

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Enertime en bref

  • Création : 2008
  • Effectifs : 23 (en croissance)
  • Chiffre d'affaires (2015) : 2,2 millions d'euros
  • Sites en exploitation (2015) : 3
  • Implantations : France (siège), Inde, Chine, Philippines, Ile de la Réunion, Nouvelle-Calédonie
  • Financement : 4 millions d'euros (principalement par Siparex, Amundi Private Equity Funds, Calao Finance et des investisseurs individuels)

Cleantech Republic

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