Comment Spinetta a repris le contrôle d'Air France

Reconduit en juillet, le directeur général d'Air France et d'Air France-KLM, Pierre-Henri Gourgeon, a été contraint, lundi, de présenter sa démission au conseil d'administration. Il paye son désaccord avec le président, Jean-Cyril Spinetta, qui reprend les manettes du groupe. Celles d'Air France sont confiées à Alexandre de Juniac.
La Tribune Infographie

Vendredi 14 octobre, peu avant 16 heures, Pierre-Henri Gourgeon arrive aux Invalides, au siège d'Air France-KLM. Le directeur général d'Air France et d'Air France-KLM doit participer, à 16 heures, à la réunion du comité de nomination du groupe à laquelle sont présents trois de ses quatre membres, Jean-François Dehecq, Jean-Marc Espalioux, Patricia Barbizet (Cornelis Van Lede, le représentant de KLM a fait une procuration), et Jean-Cyril Spinetta, le président non exécutif d'Air France et d'Air France-KLM. Pierre-Henri Gourgeon a le sourire. Le dossier de la gouvernance, qui traîne depuis des mois, va se décanter de manière officielle, dans le sens qu'il a voulu. Le comité va proposer l'ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde à Bercy, Alexandre de Juniac, au conseil d'administration pour le remplacer à la direction générale d'Air France, tandis qu'il conservera les manettes du holding, appelé à se renforcer pour faire gagner Air France-KLM en efficacité. Une grande satisfaction pour Pierre-Henri Gourgeon. Il a gagné son bras de fer face à son mentor Jean-Cyril Spinetta qui poussait un autre candidat, Lionel Guérin, président d'Airlinair et de Transavia France, la filiale à bas coûts d'Air France.

Douche froide pour Pierre-Henri Gourgeon. Si le choix d'Alexandre de Juniac est bel et bien validé et même renforcé puisqu'il va devenir PDG d'Air France, le comité ne veut plus de lui comme pilote du groupe. Trois mois après sa reconduction, votée à l'unanimité du conseil (et une abstention, celle des pilotes), et à 94 % des voix en assemblée générale, Pierre-Henri Gourgeon est débarqué avec une brutalité inédite au sein de la compagnie. Jean-Cyril Spinetta, qui lui avait confié les manettes exécutives début 2009 pour prendre du recul (Gourgeon a été son fidèle lieutenant pendant 11 ans), reprend du service. Il redevient PDG d'Air France-KLM. Leo Van Wijk, aujourd'hui vice-président du conseil, devient DG délégué du groupe. L'État a voté contre cette décison. Leo van Wijk est le grand artisan côté hollandais du rapprochement entre Air France et KLM en 2004. L'hypothèse de le nommer directement DG avait même été évoquée. Un Hollandais à la tête d'un groupe français issu du rachat de KLM par Air France aurait fait l'effet d'une bombe au sein de l'entreprise tricolore. D'autant que dans les statuts, le DG d'Air France-KLM doit provenir d'Air France.

Furieux, Pierre-Henri Gourgeon comprend néanmoins très vite que la partie est perdue. « Jean-Cyril Spinetta a bien composé son conseil », rappelle un proche. En effet, il a déjà obtenu la majorité des voix du conseil d'administration : les quatre des membres du comité de nomination, la sienne, celles des quatre Hollandais et les trois des représentants de l'État. Une heure plus tôt, à 15 heures, Jean-Cyril Spinetta a rencontré Xavier Musca, le secrétaire général de l'Élysée, pour valider le scénario déjà présenté par Jean-François Dehecq. Une réunion à laquelle a participé Jean-Paul Faugère, directeur de cabinet de François Fillon. Pour l'État, seul compte Alexandre de Juniac. Musca et Faugère veulent s'assurer qu'il est toujours dans l'organigramme. Le sort de Gourgeon leur importe peu. Après avoir désavoué Spinetta sur le dossier d'Areva (dont il est président du conseil de surveillance) en choisissant, contre son avis, de remplacer la présidente du directoire Anne Lauvergeon, ils ne veulent pas répéter l'exercice. Pierre-Henri Gourgeon saute. Ce putsch, tenu dans le plus grand secret par les membres du comité de nomination Jean-Cyril Spinetta et Leo Van Wijk, aurait commencé à germer il y a un mois environ selon certains. D'autres en situent l'origine il y a seulement 15 jours.

« c'est lui ou moi »

Officiellement, Pierre-Henri Gourgeon démissionne, à la suite du gel de la mise en place d'une nouvelle organisation d'Air France-KLM. Celle qui, initialement, avait été décidée pour renforcer le holding, et pour laquelle la recherche de sang neuf avait été lancée. Certains administrateurs ont poussé pour que la priorité soit donnée au redressement économique du groupe, et en particulier d'Air France qui plombe ses comptes. C'est pour cela que les pouvoirs d'Alexandre de Juniac, qui doit prendre ses fonctions le 15 novembre après un passage devant la commission de déontologie, ont été étendus. Ce statu quo fait les affaires des Hollandais de KLM, dont certains voyaient d'un mauvais oeil la perte d'autonomie prévue dans la nouvelle organisation. Cette décision a donc contribué à faciliter leur vote en faveur de Spinetta.

Pour autant, la raison centrale de cette éviction brutale réside dans un problème relationnel entre Jean-Cyril Spinetta et Pierre-Henri Gourgeon. « Maintenant c'est lui ou moi », aurait-il dit après le choix du comité de nomination porté sur Alexandre de Juniac. Un point de non retour d'une relation qui s'est dégradée depuis le remplacement de Spinetta par Gourgeon aux commandes exécutives début 2009. « Spinetta voulait conserver une parcelle de son pouvoir. Gourgeon a eu la maladresse de couper très rapidement et profondément Spinetta de la vie de la compagnie. Il ne l'a plus consulté. Spinetta lui a reproché sa communication et sa gestion du crash de l'AF447 mais aussi qu'il se soit mis à dos des administrateurs et des dirigeants de Delta, l'allié américain », explique un proche des deux hommes. Aussi, quand Gourgeon est allé voir Juniac au printemps pour lui proposer le poste avant d'en informer Spinetta qui préférait un choix interne, cela a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Gourgeon, lui, n'a pas admis les velléités de Spinetta de conserver une partie des pouvoirs qu'il lui avait transmis.

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Commentaire 1
à écrit le 31/05/2012 à 23:08
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C'est marrant, il l'a pas raconté comme cela JC en AG

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