Un fonds activiste chahute la politique d'acquisitions de Safran

Adressé à Jean-Paul Herteman et Ross McInnes, le courrier du fonds d'investissement basé à Londres, The Children's Investment Fund (TCI), déménage... Si TCI salue les perspectives "exceptionnelles" des activités de Safran dans la propulsion, et à degré moindre dans les équipements aéronautiques, il critique durement les sommes investies pour se développer dans la sécurité. Il qualifie cette politique "d'échec".
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Pas commode The Children's Investment Fund (TCI), un investisseur activiste dans le capital de Safran, qui s'est fait secouer comme jamais par un courrier adressé le 9 octobre et que "latribune.fr" s'est procuré. TCI, un fonds d?investissement basé à Londres qui revendique environ 3 % du capital de Safran, s'en est pris vivement à la stratégie d'acquisition suivie par le groupe français dans une lettre adressée aux dirigeants du groue aéronautique, révélée par le quotidien britannique "Financial Times".  Ce fonds, dirigé par Christopher Hohn, dénonce la politique d'acquisitions menées par le groupe en dehors du secteur aéronautique, qu'il qualifie "d'échec", et s'inquiète d'un retour des rumeurs sur une fusion, jugée "politique", avec l'électronicien de défense Thales.

"Performance faible" dans les équipements

Dans sa lettre aux deux responsables exécutifs du groupe, TCI estime que "le c?ur de métier de Safran a une valeur énorme". Notamment la division propulsion aéronautique, qui est très bien managée avec "des perspectives de croissance très forte et un énorme potentiel de génération de cash". Il considère que l'activité équipements aéronautiques est également un "bon business" mais "a été systématiquement en dessous de ses objectifs". Malgré des parts de marché leader dans les trains d'atterrissage et les freins d'avion, Safran "réalise moins de la moitié des marges que ses concurrents" sur ces marchés, critique TCI. "Une telle performance aussi faible ne devrait pas avoir été tolérée aussi longtemps", estime le fonds britannique, qui est satisfait du récent engagement de la direction "d'améliorer la rentabilité de cette division". Mais « c'est une trop longue histoire", regrette-t-il.

TCI veut une action à 55 euros

Avec de telles perspectives remarquable dans les deux divisions (Propulsion et Équipements), TCI estime que la valorisation des actions Safran n'est pas la hauteur. Il évalue le potentiel de l?action à 55 euros alors que l?action cote aujourd?hui 29,88 euros. "La principale raison de cette décote" est dû à la politique d?acquisitions de Safran, "destructrices de valeur". "Safran a l'histoire de mal faire" les acquisitions, dépore TCI. En résumé, il considère que tous les investissements en dehors de l?aéronautique civile ont été des "échecs". Selon le fonds, ces opérations "reflètent un désir de la direction d?être plus gros que meilleur". "Une telle attitude est inacceptable", martèle TCI.

Des opérations irréfléchies

Le fonds rappelle la fusion "désastreuse" entre Snecma et Sagem pour les actionnaires du motoriste. Tout comme certaines acquisitions récentes, notamment L1, qui ont produit des performances "très mauvaises". Safran a dépensé plus de 1 milliard d?euros pour créer puis renforcer son activité sécurité, rappelle le fonds. "Ces acquisitions ont été faites à des multiples significativement plus haut que des opérations comparables", affirme TCI. Et d?assurer qu?un "vrai propriétaire de la société n'aurait jamais agi d?une façon aussi irréfléchie". Et ce qui fait enrager le TCI, c?est la publicité autour des prochaines opérations qu?il estime "contreproductive" avec le business de Safran.

Zodiac : un fondement stratégique douteux

TCI s?oppose ainsi à une opération avec Thales, qui a clairement des "motivations politiques". En outre, l?industrie de défense est en "déclin structurel", rappelle-t-il. Tout comme il s?oppose à une transaction  avec Zodiac, "une société de qualité globalement inférieure à Safran". Cette opération a un "fondement stratégique douteux" et les synergies sont "limitées". "Nous nous opposons à une nouvelle tentative sur Zodiac aux niveaux actuels", explique le fonds, qui précise que "fabriquer des moteurs est une activité bien supérieure que fabriquer des sièges".

Audit sur les acquisitions

TCI exige un audit des acquisitions récentes, l'arrêt des achats de sociétés en dehors du secteur aéronautique et une augmentation du taux de distribution des bénéfices à 50 %. Le fonds demande en outre à Safran de vendre Ingenico. Il considère qu'il existe "une menace significative à long terme sur le modèle économique" d'Ingenico et qu'il n'y a "pas le raisonnement stratégique à holding". "Le capital levé devrait être rendu aux actionnaires de Safran via un dividende spécial", explique TCI.

 

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Commentaires 3
à écrit le 10/10/2012 à 17:40
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quelques passages discreditent totalement cet actionnaire. Tout d'abord sur le sujet d'un rapprochement Safran/Thales. TCI avance le fait que les budgets de defense diminuent. Soit. Mais Thales realise 50% de son activite dans le domaine civil et est...

à écrit le 10/10/2012 à 16:43
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Traduction: Safran devrait arrêter les acquisitions, supprimer la R et D, et distribuer tout son cash-flow à ses actionnaires...quitte à faire faillite dans 10 ans.

à écrit le 10/10/2012 à 15:13
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Il est vrai que la stratégie de rapprochement SNECMA/SAGEM voulue par N SARKOZY jadis avait tout de la carpe et du lapin. Comme quoi quand les politiques (et leurs conseillers) se piquent de stratégie industrielle; c'est ou tout bon ou tout mauvais e...

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