Défense : recherche désespérément espions... (1/4)

Près de cinq ans après la réorganisation des services de renseignements français, La Tribune publie une série de quatre articles faisant le point sur leur évolution, leurs succès et leurs manques. Premier épisode de cette série, les services de renseignements sont toujours à la recherche de compétences rares, notamment de linguistes.
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En dépit d'une réorganisation plutôt réussie des services de renseignements français en 2008, il existe toujours quelques trous dans la raquette en terme de ressources humaines. « En tout, environ 13.000 personnes travaillent pour le renseignement français - une centaine à TRACFIN (Service de traitement du renseignement et d'action contre les circuits financiers clandestins, ndlr), plus de 6.000 à la DGSE », rappelle pourtant le Coordonnateur national du renseignement, le préfet Ange Mancini. Toutefois, les patrons de certains des services de renseignements, aujourd'hui au nombre de six, sont toujours à la recherche de certaines compétences... rares, qui coûtent cher. En tout cas, pas toujours au salaire d'un fonctionnaire lambda. Comme l'explique le directeur central du renseignement intérieur (DCRI), Patrick Calvar, qui dispose de 3.301 agents : « pour ce qui est des contractuels, parce que nous sommes soumis aux règles de la police nationale, nous ne pouvons, à la différence de la DGSE, recruter qui nous voudrions faute de pouvoir verser les salaires attendus. Mais comment parer les cyber-attaques si nous n'avons pas dans nos rangs les ingénieurs qui nous permettraient de comprendre et d'anticiper les man?uvres ? »

Aux termes d'un arrêté du Premier ministre du 9 mai 2011, la communauté française du renseignement compte six services : la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), issue en 2008 du rapprochement entre les anciens Renseignements généraux (RG) et la Direction de la surveillance du territoire (DST), la Direction du renseignement militaire (DRM), service essentiellement opérationnel et technique ; la Direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD), qui assure la protection des personnels, des installations et des entreprises de la défense, la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), et enfin le Service de traitement du renseignement et d'action contre les circuits financiers clandestins, TRACFIN.

Des linguistes beaucoup trop rares

Les différents services ont donc quelques manques dans leur organisation. C'est notamment le cas de certains linguistes spécialistes de langues rares. « Il faut se préoccuper des éventuelles crises à venir, explique le directeur de la DRM, le général Didier Bolelli, qui est à la tête d'un service de 1.620 personnes. C'est pourquoi nous avons besoin d'interprètes en chinois, en persan, etc. Or il s'agit de langues rares, difficiles et qui ne s'apprennent pas en six mois. Nous ne pouvons non plus dépendre de ressortissants locaux dont la fiabilité est plus difficile à évaluer ». C'est aussi le cas à la DPSD. « Actuellement, je n'ai pas suffisamment de spécialistes arabophones, aussi dois-je faire appel à la DGSE, explique le patron de la DPSD, le général Jean-Pierre Bosser, qui aura sous ses ordres 1.100 agents en 2014. Pour éviter de trop recruter, nous mutualisons nos services ». La DPSD n'a pas été épargnée par les réorganisations qui touchent le ministère de la Défense. « À l'issue de la période 2008-2014, elle aura perdu plus de 13 % de ses effectifs, soit 177 postes », précise le général Bosser.

A la DGSE, son patron, le préfet Érard Corbin de Mangoux, qui revendique 5.000 agents, estime « le problème (des linguistes, ndlr) est récurrent, bien que des solutions ponctuelles soient toujours trouvées ». Ainsi la DGSE se sert de la Légion étrangère qui « est un vivier important tant il est difficile de recruter des traducteurs, qui doivent être habilités, parmi des étrangers souvent entrés dans notre pays comme réfugiés politiques ».

Des flux d'informations difficilement maîtrisables

Tous les services de renseignements sont concernés par l'émergence d'un nouveau paramètre, la maîtrise des flux d'informations. Pour le directeur général de la DGSE, « le véritable enjeu économique et technologique, pour lequel tout est à construire, est le traitement automatisé des données dont la quantité ne cesse de croître ». Ce que confirme le général Didier Bolelli : « la maîtrise des flux d'informations doit s'adapter à l'accroissement exponentiel de ceux-ci. Tous les services de renseignements sont confrontés à ce même défi. Enfin, nous estimons notre besoin en personnels supplémentaires à une centaine de postes pour remplir parfaitement nos missions et nous adapter à leur rapide évolution ».

Les besoins en personnel supplémentaire de la DRM « résultent de la rapide augmentation du nombre de dossiers que nous avons à traiter », explique le général Didier Bolelli. « Depuis ma prise de fonctions il y a trois ans, je n'ai connu que des situations de crise, faisant se succéder les cellules du même nom, fonctionnant 24 h sur 24 : Afghanistan, Côte d'Ivoire, Libye, République centrafricaine, la Somalie par intermittences du fait de la piraterie le long de ses côtes, et maintenant le Mali. Or nos ressources en personnels étant forcément limitées, je me vois souvent contraint de basculer des agents de la fonction d'anticipation stratégique vers la fonction d'appui aux opérations ». Du coup, la DRM a « surtout besoin d'analystes renseignement et de spécialistes du domaine de l'imagerie, car Musis nous fournira davantage d'images ».

Retrouvez les trois autres articles de la série :

Cyberdéfense : les espions vont disposer de capacités informatiques offensives (2/4)

Défense : des trous capacitaires dans la panoplie des espions... (3/4)

Espions : les services de renseignements ont enterré la hache de guerre (4/4)

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Commentaires 22
à écrit le 06/04/2013 à 11:04
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<http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2013/04/05/01016-20130405ARTFIG00484-l-aviseur-ns-55-estime-sa-rehabilitationa-91-millions-d-euros.php>

à écrit le 13/03/2013 à 16:03
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je regarde les commentaires et je me dis, bah mince alors, ça se bats pour une histoire de salaire... Quand je vois tout les anciens de la "dst, dgse" etc pondre des livres, être sur les plateaux tv etc... ça donne pas envie de servir le pays car ...

le 15/03/2013 à 8:23
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C'est vrai, ces commentaires sont ceux de gens qui ne s'interessent qu'à l'argent. L'histoire a montré que servir son pays, une noble cause, son prochain est le fait de gens désinteressés : il en existe !

le 18/03/2013 à 10:58
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LES PROFILS D ABNEGATION DE COMMUNICATION ET PARADOXALEMENT DE RESERVE ET DISCRETION SONT COMME L AIGUILLE DANS LA BOTTE DE FOIN VOUS GAGNEZ CE SERA DANS L OMBRE VOUS PERDEZ SUR LES OBJECTIFS ET CELA SERA CINGLANT A TOUS CEUX DE L OMBRE DONT LA LUMIE...

à écrit le 12/03/2013 à 22:15
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Au fond, personne ne parle du vrai sujet: pourquoi donc ces jeunes se battraient-ils? Sont-ils seulement certains de se battre pour la France? Rien n'est moins sûr au regard de l'agenda de nos politiques. Or c'est bien la seule motivation qui puisse ...

le 13/03/2013 à 11:37
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Bien vu ! Oui ce genre de job vous rend le bras armé ( et oui, il y a des missions "borderline" où on prend des libertés avec le droit et l'éthique ) des politiques et cela devrait en faire réfléchir plus d'un, enfin ceux qui réfléchissent encore...

le 23/04/2015 à 8:38
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Moi je pense que c'est un des plus beaux métier aux monde donc je souhaiterai servir de toutes mes forces amour et énergie le pays qui me fera confiance je parle français ,chinois et je me débrouille en anglais conclusion prêt à partir avec tout les ...

à écrit le 12/03/2013 à 17:55
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' employeur peu fiable et peu desireux de payer les gens, chercher gogo parlant poldomoldave et sinotcheque couramment pour travailler gratuit et beneficier du remerciement a la francaise, version rangers en taille 45'

à écrit le 12/03/2013 à 17:42
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mission impossible, ils ferait mieux de sous-traiter avec le mossad pour les operations exterieurs et le shin beth pour l'interieur, eux ils savent faire.

à écrit le 12/03/2013 à 17:10
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On sait par exemple que les services de sécurité français utilisent beaucoup les marocains et tunisiens, et parfois des libanais ont lés envoyant vers l'Algérie pour des buts très précis et identifiés !

à écrit le 12/03/2013 à 16:30
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à PatrickB : je suis surprise de votre évaluation des "jeunes". Je connais plus de jeunes parlant des langues pointues - grâce à tous les programmes et échanges entre universités type ErasmusMundus - que de plus âgés.

à écrit le 12/03/2013 à 15:54
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Au lieu de recruter il ferait mieux de surveiller leur indic (cf Merrat)

à écrit le 12/03/2013 à 15:44
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Pour votre info DST signifiait Direction de la Surveillance du Territoire et non de la Sureté du Territoire

à écrit le 12/03/2013 à 14:19
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Les services de renseignements ont surtout un problème de taille, c'est la rémunération de leurs agents... Comment attirer des jeunes super compétents, avec des qualités stratégiques et les rémunérer comme de simples fonctionnaires... Il faut les ...

le 12/03/2013 à 15:09
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@Dipper: 1) cela m'étonnerait qu'ils soient payés au smic et 2) cela m'étonnerait que tes "jeunes super compétents" parlent les langues rares et difficiles dont on parle dans l'article.

le 12/03/2013 à 15:20
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Pas le smic, mais bon dans la fonction publique il y a des plafonds. Et pourquoi les jeunes ne parleraient pas les langues rares et difficiles dont on parle dans l'article ?

le 12/03/2013 à 15:37
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@Dipper: 1) regarde autour de toi et dis-moi combien parlent correctement des langues "simples" comme l'anglais. 2) il y a certes des grilles de salaire dans la fonction publique et c'est pour cela que la femme de ménage ne touche pas la même chose q...

le 12/03/2013 à 15:44
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Les jeunes qui allient compétences et langues rares peuvent trouver des métiers beaucoup mieux remunérés que dans la fonction publique et où ils monteront très vite en responsabilités. Bon après niveau intérêt et sentiment d'être utile ...

le 12/03/2013 à 15:53
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car il faudrait que cela soit une langue maternelle ! les différentes langues des régions perses ou le mandarin s'est pas de la tarte à apprendre. De plus comme expliqué dans l'article, les services de renseignements font très attention lors de leur ...

le 12/03/2013 à 16:20
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Patrickb, relisez l'article ! La DGSE cherche des perles rares, évidemment pas le bachelier moyen qui balbutie l'anglais...

le 12/03/2013 à 16:41
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@ Patrickb Je comprend bien, mais là on parle de perle rare, qui plus ai la DGSE recherche des Français pour éviter de recruter dans les ressortissants étrangers. C'est là que je voulais en venir en terme de salaire avec grille salariale publique, e...

le 12/03/2013 à 20:09
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@Dipper: et tout ce chemin pour arriver à ce que je disais dans mon premier commentaire, à savoir que des jeunes super compétents qui parlent des langues difficiles sont quasi introuvables en France ...sauf sur le papier où ils sont tous au moins bac...

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