"Le premier exemplaire de l'avion russe MS-21, rival de l'A320 et du B737, sera livré en 2017"

Dans une interview exclusive accordée à « La Tribune », Mikhaïl Pogossian, le directeur général d'OAK, la maison-mère des célèbres avionneurs comme Sukhoï, MiG, Tupolev, Iliouchine, Yakovlev, Beriev et Irkout, fait le point sur les grands programmes civils et militaires russes. Et notamment sur l'un des plus emblématiques du moment, le MS-21, dont la Russie souhaiterait qu'il marche sur les plates-bandes de du B737 (Boeing) et de l'A320 (Airbus) dans la gamme des moyens-courriers. Enfin, Moscou prépare une nouvelle offensive pour imposer sur le marché régional, le Superjet 100, développé en coopération aves des entreprises européennes, dont Thales et Safran.
Le directeur générale d'OAK, Mikhaïl Aslanovich Pogosyan / reuters

La Russie développe le MS-21, qui sera le concurrent des familles best-sellers d'Airbus (A320) de Boeing (737). Quels sont les objectifs de ce nouvel appareil ?
En termes de marché, il ne nous sera pas simple de convaincre les grandes compagnies aériennes dont les choix sont orientés vers Airbus et Boeing. Mais, alors que le marché aérien mondial augmente rapidement, de nouvelles compagnies apparaissent sur les marchés émergents. Ces compagnies ne souhaitent pas acheter des avions d'occasion Airbus et Boeing. Elles veulent des appareils neufs du dernier cri. Or, les usines Boeing et Airbus ont des carnets de commandes remplis pour cinq ou six à l'avance. Beaucoup de compagnies ont besoin de nouveaux appareils dans des délais plus courts. C'est pourquoi nous avons estimé que nous pouvons vendre autour de 1.000 MS-21 toutes versions confondues. Grâce à l'expérience acquise avec le Superjet, nous tablons sur des premiers essais dès 2015 et des livraisons en 2017.

Cela va être difficile de convaincre les compagnies au regard de la concurrence du duopole...
La principale différence entre le MS-21 et les appareils d'Airbus et de Boeing tient dans les ailes composites, dont l'important allongement permet d'améliorer les paramètres économiques. Nous estimons que l'usage d'ailes composites nous donnera un avantage de 10 % par rapport aux nouvelles versions remotorisées par Airbus et Boeing, respectivement l'A320 Neo et le 737 MAX. En outre, le couloir plus large du MS-21 permet à deux personnes de se croiser, avec un gain de temps à l'embarquement et au débarquement, ce qui est crucial pour le low cost. Grâce à l'expérience acquise avec le Superjet, nous tablons sur des premiers essais dès 2015 et des livraisons en 2017.

D'où vont venir les ailes composites ?
Deux nouvelles usines vont ouvrir (Oulianovsk pour les caissons d'ailes et tous les éléments motorisés) et la seconde à Kazan pour la production des nouveaux agrégats et des mécanismes des ailes.

Vous avez récemment annoncé une restructuration de votre outil industriel et un rapprochement des programmes Superjet 100 et MS-21. Pour quelles raisons ?
Nous venons de doubler la surface de travail à l'usine de Komsomolsk (15.000 m²) et de presque doubler le personnel (400 personnes). Cela va permettre d'augmenter la cadence de production, qui atteindra quatre appareils par mois à la fin de l'année. L'unification consiste à commercialiser non pas deux produits séparés mais une famille d'avions Superjet et MS-21. Nous mettons au point des méthodes d'intégration des nouvelles technologies et des services après-vente pour que nos clients exploitant déjà le Superjet bénéficient avec le MS-21 d'un système unifié de service clientèle et de formation. Les deux lignes de production restent néanmoins distinctes.

Le programme Superjet rencontre des difficultés. De nombreux experts estiment que les perspectives pour cet avion régional sur les marchés occidentaux dépendent beaucoup de la réussite de son exploitation par la compagnie mexicaine Interjet. Qu'en pensez-vous ?
Sans aucun doute Interjet est pour nous à un client très important. La démonstration du Superjet 100 avec un nouvel intérieur cabine au salon du Bourget sera également une étape importante pour la commercialisation de l'appareil sur les marchés internationaux. Interjet a pris un pari ambitieux en optant pour le Superjet mais elle a basé sa décision sur les avantages du Superjet par rapport à ses concurrents. D'ici à la fin de l'année, Interjet recevra sept exemplaires. Ces avions vont bénéficier de l'expérience acquise par Aeroflot qui a commencé dès 2011 à exploiter dix appareils, qui seront revendus sur le marché de l'occasion à d'autres compagnies.

Où en est le développement de votre nouvelle version, le Superjet Nouvelle Génération ?
Nous avons trouvé un accord avec nos partenaires sur les aspects techniques et sur le calendrier dans le cadre du programme de modernisation de l'appareil, notamment de l'avionique avec nos partenaires Thales et Liebherr ainsi que de la propulsion avec PowerJet (coentreprise entre Safran et le russe NPO Saturn, ndlr). Nous sommes encore à une étape d'évaluation. Notre objectif est de réduire son poids et ses coûts de production. Nous travaillons également à l'élargissement de la gamme Superjet 100. La livraison de la version Long range (4.500 kms au lieu de 3.000 kms pour la version basique, ndlr) démarre cette année. Nous développons la version jet d'affaires, qui intéresse un grand nombre de clients. Nous travaillons aussi sur la maximalisation du nombre de passagers et examinons une variante low cost avec 130 sièges.

Avez-vous des ambitions sur le marché dans les avions de moins de 70 places ?
Nous avons le choix entre produire localement un appareil étranger sous licence, soit modifier un modèle russe existant. Notre estimation conservatrice de la demande du marché russe n'est que de 150 appareils sur cette décennie, ce qui nous oriente plutôt vers la localisation sous licence. Mais aucune décision n'a été prise.

La production civile d'OAK augmente rapidement. Est-il possible qu'elle dépasse un jour la production militaire ?
La production civile va dépasser la production militaire entre 2020 et 2025. Notre objectif est de faire partie des leaders mondiaux non seulement dans le militaire, où nous avons déjà fait nos preuves, mais aussi dans le transport et le civil.

Justement dans le domaine militaire, OAK a fait des drones une priorité. Comment vous vous êtes organisés ?
MiG participe au projet de drone de reconnaissance. Irkout et Tupolev sont chargés de projets de drones de surveillance de l'espace aérien civil. Soukhoi conçoit un drone d'attaque et nous menons des négociations avec le ministère de la défense sur ses besoins.

Attendez-vous des contrats pour l'avion d'entrainement, le Yak 130 ?
Nos partenaires italiens ont développé un produit analogue Alenia Aeromacchi M346. C'est pourquoi nous orientons la commercialisation du Yak 130 vers la Russie, les pays de l'ex-URSS ainsi que les pays d'Amérique Latine, d'Asie du Sud-Est et du Proche-Orient. En Europe, cet avion dispose également d'un potentiel. Nous ne prévoyons pas de signer de nouveaux contracts pour le Yak-130 au Bourget. Nous avons déjà de grosses commandes venant du ministère de la défense russe, et nous devons en livrer en Algérie.

Le grand public a l'impression qu'il n'y a plus de nouveaux projets sous les marques Tupolev et Iliouchine...
Pas du tout. Tupolev modernise la flotte de bombardiers stratégiques. Nous continuons à développer la série des Tu 204 et 214, qui sont surtout destinés à des appareils spécialisés. Tupolev participe au développement du MS-21. L'avenir de Tupolev ne fait pas l'ombre d'un doute. Iliouchine est la principale plateforme pour l'aviation de transport au sein d'OAK. Le modèle Il-96 continue d'être produit à Voronej et la présidence nous a commandé deux exemplaires. Sans parler du Il-476 et de [l'avion de transport militaire] MTA développé avec l'Inde. Iliouchine dispose d'un important carnet de commande. OAK n'a pas l'intention de délaisser ces firmes qui forment la base d'OAK.

Quand verra-t-on le nouvel avion de combat de cinquième génération T 50 au Bourget ?
Peut-être dans deux ans. Cette année allons le montrer au salon aéronautique russe MAKS, avec le nouvel avion de transport militaire Il-476 ainsi qu'une maquette grandeur réelle de l'aile composite du MS-21.

Trois avions en démonstration au Bourget, dont deux nouveautés, la Russie revient en force à Paris.
Depuis 15 ans, c'est certainement la plus grosse présence de l'aéronautique russe. Le salon du Bourget a toujours été pour nous d'une importance centrale. Nous l'avons choisi pour la première démonstration à l'étranger du l'avion de chasse Su-35. Ce sera aussi la première occidentale de l'avion d'entraînement Yak-130 et de la nouvelle modification du Superjet, qui sera livrée en Amérique latine. Désormais notre participation est plus diversifiée : avions civils et avions d'entraînement. En 2015, nous avons prévu d'être encore plus présents.

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Commentaires 10
à écrit le 11/06/2013 à 17:23
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Le Yak-130 était au salon de Farnborough l'année dernière donc à moins que le Royaume-Uni ne fasse plus parti de l'occident... il y a erreur!

à écrit le 11/06/2013 à 16:56
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Nos amis soviétiques doivent rattraper leur retard par rapport aux Européens et US en terme de construction aéronautique: L'exposé ne montre guère de stratégie cohérente; ce n'est pas en attaquant de front le B737 et l'A320 qu'ils peuvent espérer gag...

le 12/06/2013 à 11:13
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Vous avez trouvé où les soviétiques ? 1991? non, jamais entendu parler :)

à écrit le 10/06/2013 à 18:17
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Le problème c?est qu?en Russie plusieurs projets commencent spécialement pour gaspiller et voler le financement d?Etat (ou même privé) de ces projets. Cela peut être le cas pour les avions passagères. Par exemple, Superjet n?apportera jamais de bénéf...

le 11/06/2013 à 6:48
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Parce que vous pensez qu'en Occident nous n'avons pas nous aussi des projets qui "commencent spécialement pour gaspiller et voler le financement d?Etat (ou même privé)"? Voyez notre Rafale, décidé contre toute logique économique suite à un lobbying i...

le 11/06/2013 à 10:52
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Evidemment cela existe aussi et pas si rare. Mais il y a certains differences. Par exemple, ici il s'agit des produits pour le marché civil,donc, plutôt ouvert. Certains projets mentionnés dans l'article sont faits au detriement d'autres, malgré les ...

le 11/06/2013 à 17:00
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Si la France a refusé de monter à bord de l'avion européen, ce n'est pas à cause de Dassault mais de Snecma, qui n'avait pas pas ou très peu de place dans cet avion de combat. C'est Rolls-Royce qui avait été choisi comme maître d'oeuvre. Et de mémoir...

à écrit le 10/06/2013 à 18:05
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Personnellement père de famille, je ne monte pas dans un avion russe.

à écrit le 10/06/2013 à 17:33
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Le calendrier est ambitieux: premier vol en 2017 pour une entrée en service en 2017! Je doute que les russes le tiennent. Ensuite, si leur avion présente des coûts d'exploitations bas et commence à rencontrer du succès, la riposte de Boeing et Airbus...

à écrit le 10/06/2013 à 14:53
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Attention au Tupolev bis

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