Thales veut acheter à Finmeccanica sa filiale ferroviaire STS mais...

Finmeccanica souhaite rééquilibrer l'alliance spatiale avec Thales, qui est d'accord à condition de récupérer en contrepartie Ansaldo STS. Mais Finmeccanica a comme priorité de vendre d'abord AnsaldoBreda.
Michel Cabirol
Les grands principes du rééquilibrage de l'alliance spatiale entre Finmeccanica et Thales ont été pré-négociés et approuvés par les deux groupes

Mais que va faire Finmeccanica confronté ces derniers mois à un véritable dilemme stratégique ? Le groupe italien est déchiré entre deux choix pratiquement incompatibles. Soit il rééquilibre, comme il le désire, l'alliance spatiale à 50/50 avec Thales, qui est d'ailleurs prêt à accéder à son souhait mais à condition de récupérer en contrepartie Ansaldo STS, les activités de signalisations ferroviaires, selon des sources concordantes. Soit le groupe italien vend cette pépite, dont il détient 40,1 %, avec AnsaldoBreda (100 %) pour mieux se débarrasser de cette filiale, qui plombe ses comptes depuis plusieurs mois.

En tout cas, pas question pour Thales d'hériter de ce boulet financier. AnsadoBreda a creusé sa perte opérationnelle en 2013, à 227 millions d'euros, contre 160 millions d'euros l'année précédente. Les commandes ont reculé de 50,9 %, à 384 millions d'euros. AnsaldoBreda devrait continuer en 2014 "de peser sensiblement sur la performance générale du groupe, en particulier sur sa génération de caisse", avait indiqué Finmeccanica lors de la publication des résultats annuels 2013. Pour le groupe italien, il n'y a pas donc d'autre issue que de choisir entre la cession groupée des deux sociétés Ansaldo - STS et Breda - ou le rééquilibrage de l'alliance spatiale.

Vente d'AnsaldoBreda et d'Ansaldo STS

AnsaldoBreda sera prochainement "déconsolidée", a confirmé Finmeccanica. Le groupe, qui est détenu à hauteur de 30,2 % par le Trésor, a reçu le soutien du gouvernement italien. Les ministres de l'Economie, Pier Carlo Padoan, et du Développement économique, Federica Guidi, ont indiqué la semaine dernière dans un communiqué commun "approuver le plan stratégique de Finmeccanica qui prévoit le recentrage du groupe sur le secteur de l'aérospatiale, de la défense et de la sécurité".

Le nouveau gouvernement italien a profité de "l'état de grâce" dont il bénéficie pour mettre les syndicats de AnsaldoBreda devant le fait accompli et leur imposer le scénario d'une vente inéluctable des deux filiales de Finmeccanica (STS et Breda) au nom du nécessaire recentrage du groupe italien sur son coeur de métier, dont ni les activités Energie ni Transports ne font partie... "Les fuites organisées ensuite dans la presse italienne, faisant apparaître les acquéreurs potentiels les plus exotiques, ont servi de test et n'ont pas provoqué de réaction spectaculaire des syndicats concernés", note un très bon observateur du groupe italien. D'où la confirmation sans ambiguîté apportée par le gouvernement. 

Vendre mais à qui ?

Jusqu'ici le groupe italien a jusqu'ici fait chou blanc pour vendre AnsaldoBreda. Que se soit avec Alstom, le canadien Bombardier ainsi que des groupes japonais et chinois. Siemens est "hors jeu", Alstom est plutôt vendeur et Bombardier semble avoir jeté l'éponge... Pour l'heure, le groupe italien tente de mettre depuis plusieurs semaines la pression sur Thales en invitant des groupes plus ou moins exotiques, notamment des Chinois, à s'intéresser aux deux sociétés STS et Breda de façon à faire bouger les lignes au sein du groupe français.

Seul General Electric (GE) serait intéressé par STS et prêt à acheter les deux sociétés. Certains estiment que la surface financière du groupe américain lui permet une telle opération et que les Italiens ont toujours le rêve américain dans la tête. C'est le candidat le plus sérieux. Mais, rappelle-t-on au sein de Thales, cela "ne donnera pas à Finmeccanica le rééquilibrage de l'alliance spatiale qu'il veut vraiment". Et puis, ironise-t-on, "pourquoi GE n'a-t-il pas déjà acheté les deux sociétés".

Thales garderait le contrôle de TAS

Thales attend son heure. Car les grands principes du rééquilibrage de l'alliance spatiale entre Finmeccanica et Thales ont été pré-négociés et approuvés. Ce sera uniquement économique, Thales ayant refusé de partager le contrôle opérationnel de Thales Alenia Space (TAS) présidé par un Français. Ce qu'a accepté le groupe italien. "C'est un schéma global qui permet à chacun de trouver son avantage", souligne-t-on au sein de Thales. Un accord qui se veut gagnant-gagnant.

Mais cet accord reste également suspendu au renouvellement du mandat de l'actuel administrateur délégué de Finmeccanica, Alessandro Pansa, qui pourrait être reconduit par le gouvernement italien en mai prochain lors de l'assemblée générale du groupe. Mais aussi par l'indécision stratégique du groupe italien. Un conseil d'administration, prévu mi-avril, doit décider de son sort. Ce serait du 50-50 pour sa confirmation.

Pansa joue sa tête sur la vente AnsaldoBreda

Très clairement, Alessandro Pansa joue gros sur le dossier AnsaldoBreda. Et il sait bien que c'est sa priorité. "C'est sur sa capacité à apporter une solution à ce problème que va se jouer, pour une large part, sa confirmation à la tête de Finmeccanica, explique un bon observateur du groupe. Il faut qu'Alessandro Pansa, avant le conseil d'avril, ait présenté les offres fermes qu'il aura su réunir (ou pas) pour régler ce dossier qui empoisonne la vie et les comptes de Finmeccanica depuis trop longtemps". Ce qui fait passer le rééquilibrage de l'alliance spatiale au second plan.

L'ancien directeur financier de Finmeccanica, qui n'a pas démérité depuis son arrivée à la tête de Finmeccanica, reste toutefois sur la corde raide. Car peu après la mise en place de son gouvernement, Matteo Renzi avait déclaré son intention de faire souffler un vent nouveau dans les entreprises sous contrôle de l'Etat dont les conseils d'administration sont à renouveler en avril/mai 2014. "Il a laissé entendre clairement sa décision de principe de changer tout le monde pour faire monter une nouvelle génération aux commandes", rappelle cet observateur. D'autant que la prochaine arrivée de l'ancien ministre de la Défense Gianpaolo di Paola à la tête du conseil d'administration de Finmeccanica a contribué à fragiliser Alessandro Pansa, qui a relancé le processus de vente d'Ansaldo STS et d'AnsaldoBreda au moment des rumeurs sur cette nomination.

Enfin, les nouvelles arrestations d'anciens responsables du groupe italien et la perquisition menée chez l'ancien patron de Finmeccanica, Pier Francesco Guarguaglini (scandale de l'affaire des déchets de Naples) fragilisent un peu plus Alessandro Pansa, qui était le directeur financier du groupe à ce moment là, même s'il n'est pas impliqué dans ce nouveau scandale.

Constitution d'un leader dans le ferroviaire

Si Thales parvenait à ses fins avec Ansaldo STS, il mettrait la main sur une "jolie pépite" ayant des activités très complémentaires avec celles du groupe électronique. Thales deviendrait un leader mondial dans la signalisation, au coude à coude avec l'allemand Siemens, qui détient environ 20 % du marché mondial, contre 10 % respectivement pour Thales et pour STS. Les activités réunies des deux groupes formeraient un ensemble de 2 milliards à 2,5 milliards d'euros, dont 1,1 milliard côté italien. Outre l'Alliance spatiale (Thales Alenia Space et Telespazio), Thales détient en partenariat avec Finmeccanica 33 % d'Elettronica, une société spécialisée dans les systèmes de guerre électroniques .

Ansaldo STS et AnsaldoBreda ont gagné la semaine dernière un très joli contrat au Pérou au sein d'un consortium mené par les groupes espagnols ACS et FCC qui a remporté un contrat de 3,9 milliards d'euros pour la construction d'une partie du métro de Lima. Le projet comprend la construction de la ligne 2 du métro de la capitale péruvienne et une partie de la ligne 4. La part d'Ansaldo STS s'élève à 510 millions d'euros tandis que celle d'AnsaldoBreda est de 364 millions d'euros. De son côté, Thales a été sélectionné par l'opérateur de métro CCR Metrô Bahia pour déployer une solution de signalisation sur les lignes 1 et 2 du nouveau métro de Salvador, troisième ville du Brésil.

Michel Cabirol

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Commentaires 2
à écrit le 01/04/2014 à 0:56
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Noter que ANSALDO STS est une société internationale avec une importante branche française, issu de l'ex- CSEE, la compagnie des signaux. C'est elle qui fournit entre autre la signalisation des TGV.

à écrit le 31/03/2014 à 8:08
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