Thales Alenia Space revient en force dans les satellites de télécoms

La filiale spatiale de Thales et de Finmeccanica décroche une nouvelle commande d'un satellite de télécoms. Son quatrième depuis le début de l'année. Pour autant, son PDG, Jean-Loïc Galle, explique à La Tribune que ce nouveau succès n'aura pas d'impact sur les diminutions d'emplois au sein du constructeur.
Michel Cabirol
Inmarsat et Hellas-Sat commande un gros satellite de télécoms de 5,9 tonnes à Thales Alenia Space

Et de quatre... Avec la signature d'un contrat portant sur la construction d'un très gros satellite de télécoms de 5,9 tonnes vendus à deux opérateurs - Inmarsat et  Hellas-Sat 3 copropriétaires du satellite Inmarsat S-Europasat/Hellas-Sat 3 -, Thales Alenia Space (TAS) réalise un joli début d'année sur le plan commercial. Après une année de 2013 mitigée, la filiale de Thales (66,66 %) et de Finmeccanica (33,33 %) a engrangé depuis le début de 2014 des commandes pour la fabrication de quatre satellites de télécoms, dont deux pour l'opérateur coréen KTSAT (Koreasat-7 et Koreasat-5A)... même si celui signé avec le russe Gazprom (Yamal-601) reste encore en stand-by en raison de la crise ukrainienne.

Des succès commerciaux qui trouvent leur origine en grande partie grâce au travail effectué par TAS pour améliorer sa compétitivité et compenser l'euro fort. "Nous avons baissé nos coûts de production des satellites de 10 % en un an", fait observer à "La Tribune" le PDG de TAS, Jean-Loïc Galle. En outre, les ingénieurs de TAS ont également amélioré les performances de la plateforme Spacebus C4 capable aujourd'hui d'embarquer des charges utiles de satellites d'une puissance de plus de 11 kW. "Nous n'en étions pas capables jusqu'en 2013", souligne-t-il. Par exemple, la puissance de la charge utile du satellite Inmarsat S-Europasat/Hellas-Sat 3 atteint une puissance d'environ 12,3 kW. "Nous sommes beaucoup plus compétitifs au niveau des coûts et donc au niveau de nos prix", se réjouit Jean-Loïc Galle.

Sur 11 satellites mis en compétition, TAS en a gagné quatre

C'est la bonne surprise de ce début d'année. Sur 11 satellites de télécoms mis en compétition depuis le début de l'année, les constructeurs européens en ont gagné cinq, les américains cinq également (4 Loral et 1 Orbital) et le japonais Mitsubishi Electric Corp. (Melco) un. Et ce en dépit des retards pris sur la propulsion électrique par les deux constructeurs européens (TAS et Airbus Space Systems).

Interrogé pour savoir si ce nouveau succès commercial aurait un impact sur la baisse des effectifs, le constructeur envisageant de faire partir sans plan social 270 personnes sur les sites de Cannes et de Toulouse, Jean-Loïc Galle a indiqué qu'il était encore trop tôt pour réviser les chiffres à la baisse. Et de rappeler que le volume des effectifs étaient basé sur l'obtention de "trois satellites de télécoms (hors Yamal-601 signé en 2013 mais mis en vigueur en 2014, ndlr) et de trois charges utiles". "Nous ne sommes pas au-dessus de ces objectifs, il n'y a donc aucune raison encore à remettre en causse quoi que ce soit", estime-t-il. Un satellite de télécoms occupe 150 personnes sur trois ans.

Comment TAS a réussi à gagner Inmarsat S

Tout commence en 2006. L'Union européenne souhaite harmoniser et fournir des services mobiles satellitaires aux personnes qui se déplacent dans les 25 pays de l'UE en allouant une bande S à un ou plusieurs opérateurs. En 2007, elle leur demande de lui faire des propositions et finalement choisit en 2008 deux opérateurs : Inmarsat et la société Solaris, société commune entre les européens SES et Eutelsat. Les deux opérateurs se partagent à parts égales 60 MHz de fréquences allouées par l'UE.

En parallèle, Inmarsat sélectionne en 2008 TAS, qui travaillera sur le design d'un satellite sans avoir pour autant un contrat de développement, face à deux autres compétiteurs Airbus Space Systems et Loral. L'opérateur européen travaille quant à lui sur le "business case" et vise deux types de services : la TV sur mobile et tablettes et la radio numérique. Mais ces deux marchés n'ont jamais vraiment pu décoller. Du coup, Inmarsat met en sommeil son projet fin 2008, début 2009, préférant se focaliser entre 2009 et 2012 sur le développement de services plus globaux en bande KA (notamment pour l'internet par satellite).

Le projet rebondit en 2012

En 2012, Inmarsat réoriente finalement le projet de la bande S vers deux nouveaux services : connectivité des avions qui commence à émerger et les services sécurisés pour les forces de l'ordre et la sécurité civile lors des catastrophes naturelles notamment. "A partir de ces deux marchés considérés à fort potentiel, Inmarsat relance une compétition en octobre 2013 pour la construction d'un satellite et un lancement fin 2016", relate Jean-Loïc Galle. Trois constructeurs répondent à cet appel d'offre : outre TAS, Airbus et Loral.

Un mois et demi plus tard, Inmarsat sélectionne TAS et le contrat est signé fin novembre. Maître d'œuvre du programme, TAS est également en charge de la conception, de la réalisation, des tests et de la livraison au sol du satellite, qui fournira des services de télécommunications mobiles, fixes et de télédiffusion. Le constructeur sera également responsable des campagnes de lancement et supportera ses clients pour la mise à poste de satellite et pour les tests en orbite.

"L'aboutissement de cet accord de développement d'un Condosat est le fructueux résultat d'un travail de longue haleine entre les équipes de Thales Alenia Space et celles d'Inmarsat et d'Hellas-Sat pour trouver la meilleure solution à la fois technique et commerciale qui permette d'embarquer ces deux missions", a expliqué Jean-Loïc Galle, cité dans le communiqué de Thales Alenia Space.

Un satellite en copropriété

Mais pour réduire les coûts de moitié du satellite, il sera partagé avec l'opérateur grec Hellas-Sat, qui disposera de sa propre charge utile séparée. TAS discutera alors avec Hellas-Sat et sa maison-mère l'opérateur Arabsat et Inmarsat pour définir les principes du "condosat" (la copropriété). Fin mai, un accord est enfin trouvé.

"L'approche innovante de Thales Alenia Space et le partenariat trouvé ont été une contribution majeure au succès de l'avènement de la bande S en Europe", a-t-il expliqué dans le communiqué publié jeudi par Thales Alenia Space. Le prix pour construire, assurer et lancer le satellite sera ainsi ramené à environ 200 millions de dollars pour Inmarsat, a souligné la société britannique. Elle va aussi déployer une infrastructure au sol complémentaire.

La connectivité en vol décolle aux États-Unis

"Les services de connectivités en vol pour les passagers ont décollé rapidement en Amérique du Nord avec une croissance très rapide des infrastructures et de leur utilisation", a souligné jeudi dans un communiqué le directeur général d'Inmarsat, Rupert Pearce. Ainsi, l'américain Gogo a déjà lancé avec succès un tel service aux États-Unis, suivi plus récemment par son concurrent AT&T. Gogo fait payer 5 dollars pour une heure de connexion ou 16 dollars pour 24 heures. "Le potentiel pour le haut débit en vol est désormais bien établi" et le "succès de Gogo aux États-Unis est un bon indicateur de la tendance", ont salué les analystes de Jefferies interrogés par l'AFP.

Inmarsat est en discussions avancées avec British Airways, qui devrait être la première compagnie aérienne à proposer ce nouveau service, sur ses lignes intérieures dans un premier temps. "La présence de British Airways comme client de référence potentiel est un plus pour le projet", ont précisé les analystes. "Ce nouveau satellite va accroître la connectivité à bord des avions et fournir des services de sureté sur l'Europe", a-t-il souligné dans le communiqué de TAS. "Nous pensons que la même opportunité existe en Europe et qu'Inmarsat peut rapidement déployer des services de connectivité à haut débit uniques pour répondre à la demande à travers l'UE, avec le soutien des régulateurs européens du secteur des télécoms", a souligné Rupert Pearce.

La charge utile pour les services mobiles, appelée Inmarsat S-Europasat, fournira des services en bande S sur l'ensemble des 28 pays membres de l'Union Européenne. Elle va offrir des services mobiles améliorés sur l'Europe grâce à un réseau hybride qui combine des services satellitaires en bande S avec une infrastructure au sol complémentaire. Elle vise notamment à répondre aux besoins de connectivité des passagers dans les avions et à assurer des services de sureté (PPDR - Public Protection & Disaster Relief) pour les citoyens européens. 

Une mission plus classique pour Hellas-Sat

La charge utile dédiée aux services de communications fixes et de télédiffusion, nommée Hellas-Sat 3, fournira des services sur plusieurs régions : l'Europe, le Moyen Orient et l'Afrique du Sud. La charge utile Hellas-Sat 3 quant à elle, délivrera des services de télévision directe (DTH, Direct To Home) et de télécommunications sur sa zone de couverture permettant à Hellas-Sat d'accroître sa capacité de services. "Hellas-Sat continue son développement à la position orbitale de 39° Est pour être le leader de la télévision directe sur l'Europe, a expliqué le PDG d'Hellas-Sat Christodoulos Protopapas cité dans le communiqué de TAS.

Cette opération est pour le PDG d'Arabsat et président du conseil d'administration d'Hellas-Sat, Khalid Balkheyour, "constitue une première étape dans la réalisation de notre engagement de développer de nouvelles opportunités de croissance, en particulier suite à l'acquisition d'Hellas-Sat". La charge utile Hellas-Sat 3 "répond aussi à notre engagement de protéger, maintenir et étendre leurs business et de continuer à conforter la position 39°E comme l'une des positions phares de la télévision directe (DTH) en Europe".

Michel Cabirol

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