Thales et l'Etat freinent DCNS dans son développement en Inde

Thales et l'Agence de participations de l'Etat (APE) ont retoqué un projet de prise de participation du groupe naval dans le chantier naval indien Pipavav.
Michel Cabirol
Le sous-marin Scorpène, l'un des grands succès à l'export de DCNS en Inde

Copie à refaire pour DCNS. Un projet de participation dans le chantier naval indien Pipavav du groupe français a été retoqué au début de l'été par ses deux actionnaires, Thales et l'Agence des Participations de l'Etat (APE), selon des sources concordantes. Un peu avant son départ en juillet, l'ancien PDG du groupe Patrick Boissier a reçu un veto de ses deux actionnaires pour ce projet évalué par DCNS à 50 millions de dollars pour monter dans le capital de Pipavav, basé dans l'état du Gujarat, fief du Premier ministre indien, Narendra Modi.

Pourquoi un tel refus ? Projet mal ficelé, explique-t-on à La Tribune. "Prendre un ticket dans Pipavav pour voir, c'est comme jouer 50 millions de dollars à la loterie", précise-t-on. Du coup, c'est au nouveau patron de DCNS, Hervé Guillou, de reprendre le dossier à zéro, qui n'est pas mort, et de trouver les arguments afin de convaincre Thales et l'APE du bien fondé de cette opération pour DCNS, selon plusieurs sources. "Le projet est toujours vivant", confirme-t-on chez le groupe naval. Hervé Guillou pourrait d'ailleurs aller en Inde prochainement en vue de discuter avec le patron de Pipavav. Il devra notamment se forger la conviction que le gouvernement indien peut passer des contrats avec des chantiers privés comme Pipavav.

Déjà partenaires

DCNS et Pipavav avaient conclu en juin 2012, un partenariat stratégique. L'objectif du groupe naval, à travers ce partenariat, est de proposer à la Marine et aux garde-côtes indiens le meilleur niveau d'expertise et de process de réalisation, adaptés à la mise sur le marché de navires toujours plus performants et à la pointe de la technologie. DCNS avait expliqué qu'il effectuera les transferts de technologies nécessaires pour répondre aux besoins de sécurité nationale de l'Inde. Pour autant, Pipavav a également des alliances avec SAAB AB (Suède), Babcock (Grande-Bretagne), Rosoboronexport (Russie), Northrop Grumman et Textron (Etats-Unis) ainsi que Sagem (groupe Safran).

Ce partenariat entre DCNS et Pipavav doit contribuer au développement de la fabrication locale de matériel de défense. Car DCNS a en projet de fabriquer en partenariat avec Pipavav pour le compte de la marine indienne des portes-hélicoptères (BPC) de type Mistral. L'Inde en voudrait quatre (4 milliards de dollars). Par ailleurs, Pipavav a une société commune (joint-venture) avec Mazagon Dock Limited (MDL), le partenaire de DCNS pour la fabrication à Mumbai de six sous-marins Scorpène pour la marine indienne (projet P75), dont le premier doit être désormais livré en septembre 2016. Un projet considéré comme très important pour l'Inde et la marine.

Vers de nouvelles commandes de sous-marins

DCNS et MDL, qui maîtrise désormais la construction de sous-marins, lorgnent sur de nouvelles commandes de l'Inde qui pourraient fournir de la charge de travail au-delà de 2018, date de livraison du dernier Scorpène. D'autant que l'Inde a besoin très rapidement de nouveaux sous-marins face à la puissance navale de Pékin. New Delhi souhaiterait disposer de 24 nouveaux sous-marins modernes à l'horizon 2030, dont 18 encore à commander (24 milliards de dollars). C'est dans ce contexte géopolitique que les deux partenaires ont proposé à New Delhi de fournir à la marine indienne deux nouveaux sous-marins Scorpène dans le cadre d'une procédure d'urgence (« fast track »). Ces deux nouveaux navires seraient assemblés en un temps record à Cherbourg mais DCNS achèterait les deux coques à MDL.

Ensuite, il a été convenu en 2005 lors de la signature du contrat P-75 qu'il y ait un "repeat order", une clause équivalente à des options pour la fourniture de trois à six sous-marins supplémentaires fabriqués par MDL. Ce qui fournirait au chantier naval indien une charge de travail pour une quinzaine d'années supplémentaires après 2018. Enfin, l'Inde est sur le point de lancer un nouvel appel d'offre international (P-75 I) pour l'acquisition de six sous-marins supplémentaires après une décision du conseil d'acquisition du ministère de la Défense. Quatre sous-marins seront construits par deux chantiers navals indiens - MDL (3 sous-marins) et Hindustan Shipyard Limited (1) contre initialement six fabriqués en Inde - sur la base d'un nouveau transfert de technologies et les deux autres par le chantier naval étranger sélectionné. Pipavav ?

Ouverture accrue du capital des groupes de défense indiens

L'Inde a entériné début août l'ouverture accrue des entreprises de défense et de transport ferroviaire aux investisseurs étrangers pour pallier son fort déficit d'investissements dans ses équipements et infrastructures. Le gouvernement du nationaliste hindou Narendra Modi, qui a promis de relancer l'économie, a décidé d'autoriser les investissements étrangers dans les projets ferroviaires sans plafond de participation.

Le secteur de la défense en Inde, premier importateur d'armes au monde, est également concerné mais les investissements directs étrangers ne pourront excéder plus de 49 % d'un partenariat industriel ou capitalistique. Narendra Modi veut libéraliser le complexe militaro-industriel indien en favorisant les investissements étrangers, qui jusqu'à présent ne pouvaient dépasser 24 %, à travers des joint-ventures, et privatiser certains groupes étatiques. Ces annonces semblent avoir dopé la valorisation des entreprises de défense indiennes.

Michel Cabirol

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Commentaires 4
à écrit le 03/09/2014 à 12:28
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Maintenant que l'accord est dévoilé au monde, j'imagine que la transaction sera bien plus chère, le prix ayant augmenté.

le 03/09/2014 à 17:39
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N'importe quoi l'idée que vous souhaitiez exprimer. Et en plus vous vous plantez. Nous aurions du dévoiler l'affaire encore plus tôt afin que le prix augmente encore plus?

à écrit le 03/09/2014 à 11:05
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On ne prend pas un "ticket pour voir" quand on dirige une entreprise qui "appartient" au contribuable. Heureusement cette fois les garde fous ont fonctionné. Mr BOISSIER peut aller pantoufler dans le public désormais et y exercer ses talents.

le 03/09/2014 à 11:20
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Avant de diriger DCNS, Boissier dirigeait le chantier naval privé STX de St-Nazaire.

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