Télécoms militaires : comment Thales et Airbus se sont partagés Comsat NG

Thales Alenia Space devrait réaliser les deux tiers du futur système de télécoms militaires français, Comsat NG. Un programme évalué à 1 milliard d'euros qui intéresse également Eutelsat au grand dam des deux industriels.
Michel Cabirol
Thales Alenia Space et Airbus Space Systems vont se partager le prochain programme de satellites de télécoms militaires

Exigée par le ministère de la Défense, la coopération entre Thales Alenia Space (TAS) et Airbus Space Systems se précise enfin sur Comsat NG. L'organisation industrielle du futur programme de télécoms militaires français ultra sécurisés, qui devrait faire l'objet d'une notification en gré à gré via l'article 346 par la direction générale de l'armement (DGA) fin 2015, assure-t-on au sein du ministère, est en train de se mettre en place.

D'ailleurs le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian a appelé vendredi à Cannes lors de sa visite chez TAS, les deux industriels, qui se sont beaucoup affrontés dans les télécoms et l'observation militaires, à mettre fin à "ces luttes qui n'ont plus lieu d'être", car elles sont "stériles", font "perdre de la compétitivité et des marchés". En décembre, les deux industriels s'étaient mis en ordre de marche pour présenter une offre commune pour Comsat NG.

Selon des sources concordantes, TAS et Airbus Space Systems vont respectivement se partager à hauteur de deux tiers et un tiers du programme environ. Pourquoi un tel partage? Parce que TAS détient notamment la technologie des bandes X, qui servent à la dissuasion nucléaire. Selon ces mêmes sources, TAS sera le maître d'œuvre de la charge utile des deux satellites et fabriquera un de deux satellites tandis que Airbus fera l'autre satellite et participera au développement et à la fabrication des charges utiles. Les deux constructeurs utiliseront leur nouvelle plateforme.

Une proposition qui fait l'objet d'une cure minceur

Présenté lors d'un comité ministériel d'investissement (CMI) en décembre, la proposition des deux industriels fait actuellement l'objet d'une cure de minceur pour le faire entrer dans l'enveloppe budgétaire de la loi de programmation militaire (LPM), soit un investissement de l'ordre de 1 milliard d'euros pour le ministère de la Défense. Le programme Comsat NG fait partie des quatre priorités dans le domaine du spatial de Jean-Yves Le Drian, comme il l'a indiqué vendredi dernier à Cannes. Le ministère de la Défense va consacrer au total 2,4 milliards d'euros dans les programmes spatiaux dans l'actuelle loi de programmation militaire (LPM) de 2014-2019.

En décembre lors du CMI, les industriels ont commencé par présenter un projet faramineux bien au-delà de cette somme, entre 2 et 3 milliards d'euros. "Un véritable sapin de Noël", a souri une source proche du dossier interrogé par "La Tribune". Depuis, les industriels ont fait baisser la facture, mais pas suffisamment encore. Elle est encore entre 25 % et 30 % au-dessus de l'objectif financier, selon des sources concordantes. Ce qui ne semble pas posé de problèmes, explique-t-on à "La Tribune" : "Nous allons converger".

Eutelsat veut entrer dans le programme

Sans rebattre toutes les cartes, l'opérateur de satellites de télécoms Eutelsat a fait une proposition à la DGA. En contrepartie d'une prise significative d'un ticket dans Comsat NG, Eutelsat souhaite vendre à des clients tiers, notamment l'OTAN, certaines capacités qui ne seront pas utilisées en début de vie de ce système. Ce qui intéresse beaucoup la DGA, qui pourrait ainsi faire baisser la facture totale du projet. En outre, l'opérateur européen est prêt à mettre à son service sa capacité d'expertise de façon à "challenger les propositions des industriels", indique-t-on à La Tribune. Eutelsat s'intéresse depuis longtemps à Comsat NG, il avait d'ailleurs initialement formulé une offre selon laquelle il pouvait le gérer à 100 % pour le compte du ministère. Sans succès.

Toutefois et ce n'est pas une surprise, TAS et Airbus Space Systems voient d'un très mauvais œil cette proposition de l'opérateur européen de satellites dans Comsat NG. Car eux-aussi souhaitent exploiter les capacités qui ne seront pas utilisées par les deux satellites en début de programme. TAS réfléchit à une proposition via sa filiale italienne Telespazio, tandis que Airbus est prêt à dégainer, via la société Paradigm, qui gère pour le compte du ministère de la Défense britannique (MoD) le système de télécoms militaires Skynet. Bref, une belle empoignade.

Et pourquoi pas une société de projet?

Au ministère de la Défense, on a en parallèle lancé une réflexion encore très en amont sur la création d'une éventuelle société de projet sophistiquée en vue de permettre la vente à des clients tiers des capacités non utilisées par les armées françaises. Ce qui pourrait complexifier ce projet... Ce qui a surpris certains industriels qui n'étaient pas informés de cette réflexion.

Pour autant, tous s'accordent à dire qu'il faut lancer au plus vite la construction des deux nouveaux satellites et réfléchir dans une seconde étape à comment rentabiliser les capacités non utilisées. Car comme le dit un bon connaisseur du système, "quand il n'y aura plus de pétrole pour maintenir les satellites du système Syracuse 3 sur la bonne orbite, la France ne sera plus en capacité de poursuivre les opérations extérieures et cela fera du schpountz". Capables de résister à des brouillages à toute épreuve, le premier satellite devra donc être impérativement lancé mi-2020, le second mi-2021.

Michel Cabirol

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Commentaire 1
à écrit le 18/02/2015 à 20:54
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Le rationnel du partage est à se tordre de rire. Airbus à toutes les capacités en bande X à partir de ses unités Anglaises de Portsmouth et Stevenage. La réalité est que Thales bénéficie d'un meilleur lobying (voir M. Colet Billon qui est au board d...

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