"Nous pourrions ne plus être capables de remplir les opérations extérieures" (chef d'état-major des armées)

Faut-il actualiser ou réviser la loi de programmation militaire (LPM) ? Pour le chef d'état-major des armées, le général Pierre de Villiers, la LPM n'a besoin que d'un ajustement.
Michel Cabirol
Avec l'opération Sentinelle dans le cadre de Vigipirate, le chef d'état-major des armées, le général Pierre de Villiers a "constaté que dans deux ans, nous serions incapables de la mettre en place pour des raisons de rythme et de volume de déflation des effectifs sans toucher aux opérations extérieures".

C'est un aveu qui en dit long sur l'écart de plus en plus flagrant entre les moyens donnés aux armées et les missions qui lui sont confiées par les plus hautes autorités de l'État. Et cet aveu a d'autant plus de poids qu'il a été fait par le chef d'état-major des armées, le général Pierre de Villiers lors d'une audition à l'assemblée nationale début février. Que dit-il? "Quand nous avons mis cette force de protection sur le terrain (l'opération Sentinelle dans le cadre de Vigipirate, ndlr), j'ai constaté que dans deux ans, nous serions incapables de la mettre en place pour des raisons de rythme et de volume de déflation des effectifs sans toucher aux OPEX", les opérations extérieures, notamment Barkhane (Mali), Sangaris (Centrafrique) et Irak.

"Si nous n'y prenons garde, nous pourrions bientôt ne plus être capables de remplir ces missions, ce qui m'amène à mon second point de vigilance : les moyens, notamment les effectifs et le budget", a expliqué le chef d'état-major des armées.

Une constatation qui l'a conduit "à demander au président de la République, en accord avec le ministre de la Défense, de réduire et lisser la déflation (des effectifs des armées, ndlr) sur la période 2015-2019". La loi de programmation militaire 2014-2019 (LPM) imposait, avant la déclaration de François Hollande du 14 janvier, une déflation de 34.000 postes. "En dépit des 31 chantiers de transformation engagés, 7.000 restaient à identifier", a précisé le général Pierre de Villiers. Ce qui entretient un doute sur la pertinence des moyens données aux armées par rapport aux menaces identifiées par le Livre blanc sur la défense publié en 2013.

Le général de Villiers maintient que "le Livre blanc est pertinent : il a bien anticipé ce qui s'est passé depuis deux ans et demi, notamment sur les flancs est et sud - ce qui nous avait conduits à retenir notre modèle global d'armée".

"Importance de pouvoir disposer d'effectifs en nombre suffisant"

Pour le général de Villiers, c'est clair et net, "la mise en œuvre du contrat protection a montré l'importance de pouvoir disposer d'effectifs militaires en nombre suffisant". Et de souligner que cela "solde deux illusions : celle d'une armée « toute technologique » et celle d'une armée limitée à un corps expéditionnaire". Du coup, la décision du président de la République de réduire de 7.500 les déflations d'effectifs du ministère de la Défense sur la période de la LPM apporte "un second souffle, d'autant qu'il s'accompagne d'un lissage de la déflation sur la période 2015-2019, ce qui desserre l'étau des effectifs".

L'opération Sentinelle a jeté dans les rues des grandes villes françaises plus de 10.000 soldats déployés en trois jours à peine. Le Livre blanc de 2013 avait inscrit ce contrat en cas de crise majeure. "Les armées s'y étaient préparées", a rassuré le général de Villiers. Mais pour l'armée d'aujourd'hui, le plus dur c'est de gérer ce type d'opération dans la durée. Et ce qu'a expliqué le chef d'état-major des armées : "Il n'y a plus de gras dans nos armées. L'opération Sentinelle ne saurait rester à ce niveau de déploiement dans la durée sans avoir de sérieuses conséquences en termes de capacités d'intervention, de relèves en opérations extérieures, de préparation opérationnelle et de coûts".

"La capacité à durer repose aussi sur l'adaptation de l'opération Sentinelle à la réalité des menaces, ne serait-ce que pour reconstituer une réserve en mesure d'être réengagée si besoin était. Je peux et dois pouvoir remonter les effectifs à 10 000 hommes avec un très court préavis".

Régulièrement  les armées interviennent en appui et en complément de l'action des forces de sécurité intérieure sur le territoire national. Comme en Guyane où elles participent dans le cadre de la lutte contre l'orpaillage clandestin avec l'opération Harpie et la protection du Centre spatial guyanais avec l'opération Titan. C'est également le cas dans le cadre de sa participation de la protection de grands événements, comme les commémorations du 70e anniversaire du D-Day qui ont mobilisé plus de 2.500 hommes en juin 2014. Enfin, les armées, en appui aux forces de sécurité intérieures, ont participé à la protection des centrales nucléaires contre le survol de drones.

Quels risques?

Faute d'effectifs suffisants, il existe, selon le général Pierre de Villiers, "d'ores et déjà des risques. D'abord, pour la préparation opérationnelle. Nos soldats ont besoin de s'entraîner régulièrement. Seul un entraînement continu et à bon niveau leur permet de s'engager sans préavis dans les missions les plus dures. Et il existe un niveau d'entraînement en deçà duquel il est impossible d'aller ; c'est aussi une question de sécurité". Il y a également un risque d'éviction sur la capacité de la France à conduire les OPEX.

"Nous n'en sommes pas là, mais il faut garder à l'esprit que nos troupes sont en permanence dans le tempo opérationnel : lorsqu'elles ne sont pas engagées en opérations extérieures, soit elles se régénèrent, soit elles se préparent à l'engagement suivant".

Enfin, le chef d'état-major des armées souhaite "ne pas tirer sur la corde s'agissant des personnels".  C'est pourquoi il préconise d'adapter "progressivement" le dispositif de l'opération Sentinelle à la menace et les effectifs au nombre de sites sensibles à défendre, en privilégiant des modes d'action diversifiés et plus mobiles.

Oui à une actualisation de la LPM, non à une révision

Pour le général de Villiers, il faut affiner la LPM. "Si le costume a en effet été taillé au plus juste, le contrat de protection n'était pas assorti d'un délai de mise en place et de durée, ce qui est maintenant le cas. Mais je ne crois pas que cela modifie en profondeur la LPM", a-t-il expliqué. Pour autant, le ministère de la Défense devra "intégrer les enseignements des opérations de ces deux dernières années et ajuster les capacités sans mettre en cause les équilibres subtils des programmes à effet majeur". Notamment le surcoût de l'opération Sentinelle (1 million d'euros par jour) devra être intégré dans le cadre de cette actualisation.

Il convient d'éviter deux écueils : un « lifting » superficiel ou une analyse en profondeur qui pourrait nous conduire à refaire la LPM - ce qui serait périlleux, car je pense que cette loi sera pleinement efficace pour notre défense jusqu'en 2019.

En revanche, il est contre une révision de cette LPM, qui "imposerait une autre LPM", ce qui n'est "pas le mécanisme prévu". Il estime que ce n'est "pas sain de refaire deux ans après un exercice complet quand on voit le travail que cela représente. Je rappelle qu'un modèle d'armée pour gagner la guerre se calcule avec tous les paramètres, la victoire ou la défaite pouvant dépendre d'un seul petit facteur mal anticipé".

Michel Cabirol

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Commentaires 25
à écrit le 11/03/2015 à 8:15
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De toutes façons, depuis deux siècles la France a perdu toutes ses guerres à l'exception de la guerre de 14 qui ne fut pas gagnée par les badernes mais par le sacrifice de toute la nation et surtout de sa jeunesse.

le 11/03/2015 à 18:43
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Et par l'arrivé massive des américain (pour les deux guerres)

à écrit le 11/03/2015 à 6:13
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Est oui nous en somme la, trop d'officier , pas assez de soldats et de sergents....... Ensuite avec une armee de terre a moins de 90 000 hommes on ne peut plus faire grand chose, petit rappel la defence s'est 3% des fonctionnaires mais ils font l'eff...

le 11/03/2015 à 6:38
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Le vrai danger en France, c'est le chomage et ces riches qui payent pas d'impots en France font de l'exil fiscal, ces banques qui ruinent l'état et les gens avec des dettes...le problème c'est le manque de redistribution des richesses... solution ? r...

le 11/03/2015 à 18:44
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Les militaires aimeraient surement être fonctionnaire. Hors ils ont une limite d'âge qui fait que si ils ne montent pas en grade ils sont virés.

le 15/03/2015 à 16:37
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Cela est le cas des sous officier SOC, des personnel sous contrat, ils sont virer a la fin de leurs contract, mais les officiers de carrière reste bien plus longtemps car leur limite de service est très retarder, il faut dire comme ils écrivent les r...

à écrit le 10/03/2015 à 18:56
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J'ai quelques bouts de ficelles et des lance-pierres, ce sera avec plaisir que je me ferais un devoir de lui céder si ça peut aider notre armée. Il pourrait demander à ce qu'on lui reverse l'AME par exemple,1 Md € de prévu pour cette année. Réduire, ...

le 11/03/2015 à 6:29
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Hahaha pitoyable, un commentaire habituel du FN...

à écrit le 10/03/2015 à 16:26
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Par quelle aberration on ne touche pas aux énormes sureffectis des différentes fonctions publiques, alors même qu'on paupérise notre armée jusqu'à mettre en question sa capacité opérationnelle. Parce que l'armée ne fait pas grève. C'est le minable ...

le 11/03/2015 à 18:52
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Parce que dans toutes les administrations défense comprises, les patrons ont préférer se débarrasser de leur secrétaire, employer... plutôt que leur poste. Et aujourd'hui nos administrations ressemble plus à du stargate (où le colonel Honeil part en ...

à écrit le 10/03/2015 à 15:25
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Hollande veut jouer au chef de guerre pour compenser son image de faible. Il n'a pas hésité à envoyer des soldats. Mais comme il préfère financer son électorat de "serviteurs de l'état" et d'assistés, il oublie les soldats.... On fait dans le minable...

à écrit le 10/03/2015 à 14:23
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Normal 1° l'a dit: "la France-Afrique" c'est fini. Conclusion 2 ans après nous sommes au Mali, en Centre Afrique en plus de l'Irak. Les socialistes ont cela de très performant, il sont anti militariste, baisse les budgets et envoie les troupes com...

le 11/03/2015 à 0:40
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C'est ce que l'on appelle du révisionnisme historique ou au mieux de l'inculture. Le Front Populaire a pris le pouvoir en 1936 et a constaté la déliquescence de l'armée lors de sa prise de pouvoir alors même que l'Allemagne Hitlérienne cachait à pein...

à écrit le 10/03/2015 à 12:21
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l'Arabie Saoudite ferait un bon client. Avec l'argent, on peut créer une nouvelle prestation sociale à destination des gens en mal-être sociale. Prestation financée également par de nouvelles taxes sur l'automobile et un relèvement de la CSG chez ...

à écrit le 10/03/2015 à 12:15
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et ils pourront se payer de nouvelles voitures de fonction. A probleme simple, solution simple.

le 11/03/2015 à 18:55
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Avant cela on pourrait déjà imposer aux chômeurs de venir entretenir les villes (ramasser les feuille, sablé qu'en il neige, entretient des trottoirs,... en remerciement de toucher le chômage ou le RSA.

à écrit le 10/03/2015 à 10:36
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La situation n'est pas nouvelle, les armées sont exsangues. Depuis 30 ans, elles suivent des cures d'amaigrissement et vont de réformes en réformes. La Défense est la seule variable d'ajustement d'un pouvoir qui est incapable de mener la moindre réfo...

à écrit le 10/03/2015 à 9:22
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Un entretien avec le Colonel (ER) Régis Chamagne qui en dit long sur les raisons de cette situation si ..particulière de la défense française..: La défense nationale, l’OTAN, la paix Publié le 17 octobre 2014 dans Emissions radio et TV Entretie...

à écrit le 10/03/2015 à 9:10
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Disons en résumé et en clair , que les opérations néocoloniales africaines de Normal 1er , explore les budgets de fonctionnements ....

le 10/03/2015 à 11:31
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Vous appelez "néocoloniales" les opérations qui consistent à porter secours à des pays africains suite à leurs demandes d'assistances. Il me semble que ce serait de ne pas répondre qui serait du "néocolonialisme"

le 10/03/2015 à 12:06
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Mais après avoir savamment créé les conditions du danger grâce à des déstabilisations et pour vendre à l'opinion publique la nécessité d'une intervention, pratiquant en Afrique à l'image des US dans le reste du monde..

à écrit le 10/03/2015 à 8:52
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Trop facile..on peut payer longtemps et les politiques se servent d une petite guerre pour remonter dans les sondages...

à écrit le 10/03/2015 à 8:01
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Si l'armée française avait le même ratio opérationnels/fonctionnels que l'armée anglaise (60/40 au lieu de 40/60) elle n'aurait pas ces problèmes.

le 10/03/2015 à 9:44
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Quand je voie l'etat de l'armée anglaise, cela ne fait pas envie. Pratiquement plus de vraie troupe pour les opérations extérieures. Un tiers des troupes souffre d'obésité, et on considère que cela pause des vrais problèmes opérationnel. Hormis l'asp...

le 10/03/2015 à 12:36
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@degun Les anglais ontle meme ratio que nous sauf qu'ils ont externalisé le soutien...donc plus cher et moins efficace et réactif que du militaire. En plus nos soldats de la fonction soutien dont aussi vigipirate sentinele et des opérations. .et...

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