Armement : l'Arabie Saoudite va-t-elle planter un poignard dans le dos de la France ?

La France va-t-elle perdre la flotte de l'Ouest en Arabie Saoudite, le dernier bastion qui lui était réservé. C'est possible. L'Arabie Saoudite pourrait préférer une offre de corvettes espagnoles.
Michel Cabirol
Armement, la France va-t-elle être touchée, coulée en Arabie Saoudite?

La France va-t-elle être touchée, coulée en Arabie Saoudite? Pas sûr encore. Mais la visite du président américain Donald Trump à Ryad samedi pourrait définitivement couler les quelques rares ambitions françaises de vendre enfin du matériel militaires dans le royaume wahhabite. Les États-Unis visent la signature d'une série de contrats d'armement avec l'Arabie saoudite pour un coût total de plus de 100 milliards de dollars. La visite de Donald Trump à Ryad arrive en outre en pleine transition de pouvoir en France.

Et pourtant Paris a accordé un véritable blanc-seing à la politique internationale saoudienne lors du quinquennat de François Hollande. Trop et en pure perte semble-t-il malgré les promesses de contrats mirifiques à la France. Ryad n'a finalement jamais renvoyé l'ascenseur à Paris ou très peu. La diplomatie française, désormais dirigée par Jean-Yves Le Drian, qui n'a lui-même jamais été récompensé de ses efforts, devra en tirer très vite les leçons.

Bérézina en Arabie Saoudite?

Qu'est-ce qui est en jeu ? Des contrats jamais mis en vigueur par le ministre de la Défense, le prince Mohammed ben Salmane, et surtout le dernier "bastion tricolore" en Arabie Saoudite, la flotte de l'Ouest, qui était dévolue aux industriels français. Ryad s'apprête à accorder au chantier naval espagnol Navantia un contrat de cinq corvettes de type Avante 2200 armés de missiles MBDA (VL MICA et Exocet MM40 Block 3) d'un montant évalué à trois milliards d'euros. Un nouveau cadeau fait à l'ancien roi d'Espagne, membre du fameux club de Marbella où se retrouvent responsables saoudiens et hommes d'affaires espagnols. le PDG de Navantia, Esteban García Vilasánchez, accompagné de son directeur commercial, Gonzalo Mateo-Guerrero, est d'ailleurs en Arabie Saoudite cette semaine.

Les corvettes espagnoles vont être basées en Mer Rouge, et non comme on le pensait initialement dans le Golfe. C'est le signe que le monopole français sur la flotte de l'Ouest est bel et bien remis en cause. Une base navale serait en outre créée par des entreprises de BTP saoudiennes pour accueillir les bâtiments espagnols. Pourtant, la France a remis une offre de valeur. DCNS a proposé cinq Gowind s'inscrivant parfaitement dans la ligne de la Vision 2030 du prince Mohammed ben Salmane, qui souhaite "saoudiser" son industrie de défense à l'image du "Make in India" en Inde. Il est donc temps que Paris reprenne la main sur l'Arabie Saoudite, sinon la flotte de l'Ouest va lui échapper définitivement.

Outre les corvettes en voie d'être perdues, de nombreux programmes discutés et négociés avec Ryad paraissent plus ou moins au point mort comme le serpent de mer Mark 3 de Thales (défense sol-air de courte portée), des satellites d'observation et de télécoms (Thales et Airbus) promis désormais aux américains, des patrouilleurs (CMN), des avions ravitailleurs (Airbus), le contrat DONAS et les promesses de 10 milliards de dollars de contrats annoncées lors de la visite du Premier ministre Manuel Valls.

Ankara et surtout Washington privilégiés par Ryad

Outre l'Espagne, la Turquie devrait, elle aussi, obtenir un contrat de corvettes de la classe I, des MILGEM allongées (3.000 tonnes contre 2.400 pour la classe A) après avoir vendu tout récemment quatre corvettes MILGEM de classe A au Pakistan. Pour faciliter la vente, Ankara pourrait céder quelques unités en service au sein de la marine turque.

Surtout, dans le cadre de la visite du 23 mai, Donald Trump a promis de faire avancer les négociations sur plusieurs dossiers, notamment dans le domaine naval après des accords signés en 2010 et 2011. C'est le cas des quatre frégates MMSC de type Freedom (Lockheed Martin) avec l'armement et la logistique associés, un contrat évalué à 11,5 milliards de dollars et prévu dans le projet de vente FMS d'octobre 2015. Les États-Unis devrait fournir à la marine saoudienne une trentaine d'intercepteurs de type Mark V (1,2 milliard de dolars) en projet depuis 2013, une dizaine de drones navals de type Fire scout,  quatre avions de patrouille maritime armés de type Poseidon, une dizaine d'hélicoptères MH-60R et, enfin, la modernisation des neuf patrouilleurs Al Siddiq et quatre corvettes Badr en service.

Dans les autres contrats prévus figurent notamment un système de défense antimissile Terminal High Altitude Area Defense (THAAD) fabriqué par Lockheed Martin. Le système THAAD, comme celui en cours d'installation en Corée du Sud, coûte environ un milliard de dollars (900 millions d'euros). Également en cours de négociation, un logiciel informatique de commandement C2BMC, ainsi que des systèmes satellitaires, deux produits fournis par Lockheed Martin. Sont également envisagés des véhicules de combat fabriqués par le britannique BAE Systems, et notamment le blindé Bradley Fighting Vehicle (BFV) et le canon automoteur M109. BAE emploie 29.000 personnes aux États-Unis. Des contrats de plus d'un milliard de dollars portant sur des munitions sont aussi prévus comme les projectiles anti-blindage Penetrator Warheads et les bombes guidées laser Paveway fabriquées par le groupe Raytheon.

Saoudisation de l'industrie de défense

L'Arabie saoudite, l'un des principaux acheteurs d'armes au monde, a annoncé jeudi dans le cadre de sa nouvelle politique "Make in Saudi Arabia" la création d'une nouvelle entreprise militaire pour dynamiser son industrie de défense, Saudi Arabian Military Industries (SAMI). "SAMI établira des firmes par des coentreprises avec des fabricants d'équipements mondiaux et par la coopération avec des entreprises militaires locales", a indiqué dans un communiqué le fonds souverain Public Investment Fund (PIF).

Parmi les entreprises locales figure la Military Industries Corporation, également contrôlée par l'État, dont le patron avait indiqué en décembre à l'AFP qu'il faudrait "quelques années" pour réduire la dépendance de l'armement étranger. Le royaume a déjà commencé à développer des pièces de rechange, des véhicules blindés et des munitions. Le renforcement de l'industrie militaire locale est l'un des objectifs de l'ambitieux plan Vision 2030, lancé l'an dernier et prévoyant de réduire la dépendance du royaume de ses recettes pétrolières, en baisse depuis l'effondrement à la mi-2014 des cours du brut.

Dans le top 25 des entreprises de défense

SAMI, qui sera contrôlée par le gouvernement, "entend devenir l'une des 25 entreprises de défense mondiales d'ici à 2030", a indiqué dans un communiqué le fonds souverain Public Investment Fund (PIF). Cette nouvelle société sera à la fois fabricant et fournisseur de services, selon le PIF. Cela comprendra la maintenance et la réparation d'avions, la production de drones, la fabrication et la réparation de véhicules militaires. SAMI sera également impliquée dans les armes et les missiles ainsi que dans les radars et autres équipements électroniques de défense.

Elle contribuera à hauteur de 3,7 milliards de dollars au Produit intérieur brut et investira plus de 1,6 milliard de dollars dans la recherche et le développement d'ici à 2030, précise le PIF. Le gouvernement saoudien dit qu'actuellement, la part des dépenses militaires locales représente seulement 2% et qu'il vise à atteindre le chiffre de 50% d'ici à 2030. Dans un rapport diffusé en avril, le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) a indiqué qu'en 2016, l'Arabie saoudite était le quatrième importateur d'armes au monde avec 63,7 milliards de dollars.

Michel Cabirol

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Commentaires 37
à écrit le 23/05/2017 à 15:59
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Par hasard n'est ce pas l'Arabie Saoudite qui a payé tous ce qui a été livré par la France au Liban ? n'est ce pas l'Arabie Saoudite qui a payé les bateaux livrés à L'Egypte ??

à écrit le 21/05/2017 à 17:16
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Tout le monde sait que tous les contrats d'armements se font avec des commissions occultes... mais si une entreprise française a le malheur de remporter un contrat, on s'empresse de lui coller une enquête au derrière pour corruption (Cf. les sous-mar...

le 21/05/2017 à 20:55
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Plus que d'accord avec vous. Espérons qu'avec le départ de cette dinde de Ségolène ça s'arrange au moins pour les voitures.

à écrit le 21/05/2017 à 14:19
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Vendons à l'Iran pays solvable et arrêtons de croire les mensonges des pays du golfe Arabie Saoudite,Qatar financiers occultes de mouvements divers implantés dans toute l'Europe et trop souvent opposés à la civilisation occidentale...

à écrit le 21/05/2017 à 10:38
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Si l'Arabie Saoudite semble devenir un marché fermé pour la France, cela reflète son inquiétude devant des pays beaucoup plus dynamiques dont l'Iran, pays qui offre un marché beaucoup plus prometteur et varié. L'Arabie Saoudite n'est pas toujours un...

à écrit le 20/05/2017 à 23:15
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La France a un allié dans cette région: l'Iran ! Et il n'y a qu'un concurrent, la Russie! Qu'on oublie ces soutiens de l'islamisme radical en France, déclarée -terre d'Islam !

à écrit le 20/05/2017 à 22:01
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Trump sait faire du business, mais n'avait-il pas préparé le terrain en ayant dit que les Saoudes ne tenaient que grâce aux USA, le message a été visiblement compris. Les saoudiens continuent de se doter d'une jolie marine malgré les difficultés réc...

à écrit le 20/05/2017 à 18:59
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Les saoudiens se sentent un peu isolés et reviennent à leur bonne vieille pratique de corruption vis à vis de l'occident. De toute façon , si demain les américains laissent l'iran balancer des bombes atomiques sur les saoudiens ... le pétrole de sch...

à écrit le 20/05/2017 à 18:39
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ça lui apprendra a ramper , a Pèpère qui n'en a plus rien a faire !

à écrit le 20/05/2017 à 15:24
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Et s'ils n'avaient pas de pétrole, il leur resterait quoi ? Qu'on arrête de faire les larbins devant ces ex-éleveurs de chameaux et de chèvres du désert qui nous méprisent et cherchent à nous affaiblir par les deux seules choses dont sont capables l...

à écrit le 20/05/2017 à 10:57
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Toute notre politique au moyen orient au service de contrat militaire. Soutenons toujours les "rebelles" djihadistes pour esperer avoir des contrats avec les émirats et l'arabie saoudite. Honte de ces politiques qui nous font la morale sur l'extremi...

le 20/05/2017 à 14:42
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Tout à fait, contrairement à nos voisins européens, nous avons une politique d'intervention unilatérale qui a fait de nous la première cible européenne du terrorisme. Nos voisins plus malins ne se mouille pas et font du commerce. Hèlas les premiers p...

à écrit le 20/05/2017 à 9:13
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Des contrats d un tel volume sont d une honte quand on voit la misère sur le continent africain aux portes de l Arabie Saoudite. Aucun pays du Golf a besoin de ces contrats d armement. et les pays producteurs gagneraient autant à livrer d...

à écrit le 19/05/2017 à 22:44
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Un autre pays pourrait être intéressé pour un rapprochement d'armement avec la France l'Iran, l'ennemi juré de l'Arabie. Il faut parfois montrer autre chose qu'une désolation diplomatique. On pourrait s'attendre à des représailles américaines mais la...

à écrit le 19/05/2017 à 20:47
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Des âneries. La guerre n ' existe plus . Le pain aux pauvres plutôt que les achats d ' armes. On verra si je me trompe. Mais je ne me trompe jamais. Barcos

à écrit le 19/05/2017 à 20:33
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Pourquoi l'Arabie Saoudite achèterait-elle des corvettes gowind DCNS dont la France ne s'équipe même pas ?

à écrit le 19/05/2017 à 18:29
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L'Espagne est un pays raisonnable : elle vend des bateaux à l'Arabie et n'envoie pas de soldats au Sahel.

à écrit le 19/05/2017 à 18:07
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Un mal pour un bien....Relancer la croissance sans passer par la vente d' armes aux pays du golfe qui ont provoqué toutes les crises au levant et moyen orient . L' islamisme radical se développe de plus en plus dans le golf , pas sur que le choix d' ...

le 19/05/2017 à 22:27
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A qui profite les crimes?

à écrit le 19/05/2017 à 14:18
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Tiens ça me fait penser à la pologne ... et depuis ... rien ! Ici au moins ils vivent avec leur propre argent et non celui des subsides européens

à écrit le 19/05/2017 à 12:58
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Le matériel français devrait être techniquement et indiscutablement au dessus de celui proposé par les espagnols et les turcs et la question du choix ne se poserait pas. On finit par payer l'exil vers d'autres cieux plus cléments de nos jeunes diplôm...

le 19/05/2017 à 16:15
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Justement les diplomés les plus competents restent eux en France .Ceux qui s'expatrient sont ceux qui trouvent pas de boulot et c'est pas les meilleurs loin de là .Toutes les grandes écoles d’ingénieurs en France arrivent trés facilement à caser leur...

le 20/05/2017 à 23:33
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Je sais pas si la mévente de nos armes est due à un manque de talents mais je connais pas mal d expats de grandes écoles qui sortent des écoles du top. Il y a 200000 français dans la Silicon Valley, et ce sont loin d être des ingénieurs de 2e divisio...

le 21/05/2017 à 14:45
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@ABC La fuite des cerveaux français est une légende, je dirais que ce n'est pas une question que les salaires puissent être plus attractifs ailleurs, je dirais que c'est carrément culturel. J'ai dans ma jeunesse suivi mes parents à l'étranger et le...

le 21/05/2017 à 18:54
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@johnmckagan La réponse n'a rien à voir. Les pratiques culturells F à l'étranger que vous décrivez (de manière caricaturale) n'ont pas de corrélation avec le niveau de savoir faire de ceux -ci, qui était mon propos. La logique ne semble pas être v...

à écrit le 19/05/2017 à 12:39
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Dans le dos de la France serait gênant en effet, mais dans le dos de Hollande pourquoi pas, cela nous ferait économiser 1,5 miilion d'euros par an :-)

à écrit le 19/05/2017 à 12:33
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Ces armes servent à maintenir une dictature impitoyable, à bombarder les populations du Yémen. Argent gagné grâce à la mort.

à écrit le 19/05/2017 à 10:51
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Cela prouve aussi qu'un pays Européen seul aura de plus en plus de difficultés à être concurrentiel, sauf à dépenser des fortunes dans l'armement. C'est un axe de développement technologique et industriel, encore faut il disposer des ressources néces...

à écrit le 19/05/2017 à 9:48
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Il faudra en tirer les conclusions. Les dirigeants de ce pays se sont payés notre tête en "achetant" notre soutien, notre silence et l'avalement de couleuvres par des promesses d'immenses contrats mirifiques qui ne se sont jamais concrétisés (excepté...

le 19/05/2017 à 16:22
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Faire croire que les achats militaires saoudiens sont financés par les saoudiens est une heresie .C'est de la propagande gouvernementale .Les egyptiens n'ont nul besoin de Mistral et en regle générale ces pays achetent du materiel militaire d'occasi...

le 19/05/2017 à 17:18
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En effet, malgré la frustration de ne pas avoir eu de contrats 'directs' de l'Arabie Saoudite, son influence indirecte est notable dans d'autres contrats et en particulier pour l'Égypte. Il faut rester humble : la France est un acteur de second pl...

le 20/05/2017 à 13:02
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C'est comme les rafales pour les Emirats Arabes Unis du temps de Mr Sarkozy : des promesses d'achat contre des concessions (entre autre des créneaux aériens pour les compagnies du Golfe) qui n'ont jamais vues le jour... Ah si les créneaux ont bien ét...

à écrit le 19/05/2017 à 8:52
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Qualifier "cadeau" au Roi d'Espagne le choix des saudiens et une affirmation très simple. Pourquoi ne pas admettre que la France a des concurrents valables et moins chers ?

le 19/05/2017 à 11:19
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parce que l'ex roi d'Espagne aime beaucoup l'argent, non?

le 04/08/2020 à 11:17
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Vous doutiez de la force de conviction de Juan Carlos dans les affaires commerciales entre l'Espagne et l'Arabie Saoudite. Vous avez votre réponse avec son départ en exil.

à écrit le 19/05/2017 à 8:30
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Qui croît qu'en matières d'armes il y a des "promesses de contrats mirifiques promises" n'est pas réaliste.

le 20/05/2017 à 9:20
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Les contrats " signés" sont souvent du marketing. Même quand les livraisons ont rellement lieu , rien ne prouve qu il y a réellement un paiement !

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