Budget défense : quatre questions cruciales en suspens

Les décisions d’Emmanuel Macron sur le budget de la défense soulèvent un certain nombre d'interrogations : financement des surcoûts des OPEX, fin de gestion du budget 2017, trajectoire pour atteindre un effort de défense de 2% du PIB, service national universel.
Michel Cabirol
En dépit de l'augmentation du budget défense promise en 2018 par Emmanuel Macron, le compte n'y est pas.

Vivement la loi de programmation militaire 2019-2025... Le Chef de l'Etat a laissé les militaires sur leur faim sur le plan budgétaire. Et c'est peu de le dire. Car, en dépit de la hausse du budget de la défense promise en 2018, les décisions du chef de l'Etat en matière budgétaire (2017 et 2018) posent des questions sur la crédibilité de la trajectoire vers un effort de défense à hauteur de 2% du PIB en 2025. Une ambition à nouveau confirmée jeudi par Emmanuel Macron. Soit plus de 50 milliards d'euros. Si on trace une ligne droite entre 2018 et 2025, la France doit faire croître son budget de la défense de plus de 2 milliards d'euros par an. Ce qui est ambitieux, très ambitieux. Trop peut-être ? Puisque le compte n'y est déjà pas en 2018 (1,3 milliard d'euros de hausse nette).

Au regard de son discours du 18 mars dernier, le candidat Macron avait été très clair sur le financement des surcoûts des OPEX : "nous devons augmenter notre effort de défense. Je propose donc de porter les ressources de la défense à 2% de la richesse nationale, mesurée en termes de Produit Intérieur Brut, en 2025. C'est un objectif très ambitieux : si on tient compte des hypothèses actuelles de croissance du Produit Intérieur Brut dans les prochaines années, ce budget atteindra, hors pensions et hors surcoûts OPEX (opérations extérieures, ndlr), plus de cinquante milliard d'euros en 2025, contre 32 en 2017 (en fait, 32,7 milliards, ndlr)".

Si le candidat avait été clair sur le financement des surcoûts des OPEX, le président l'est beaucoup moins aujourd'hui. En 2017, le budget de la défense supportera la totalité du surcoût des OPEX, qui devrait s'élever autour de 1,3 milliard d'euros, dont 450 millions d'euros ont déjà été provisionnés en loi de finances initiale (LFI). En 2018, ce sera au minimum 650 millions d'euros comme l'a annoncé Emmanuel Macron jeudi soir dans les jardins de l'Hôtel de Brienne. C'est déjà une première encoche de taille dans le budget de la défense par rapport aux ambitions affichées. La loi de programmation militaire qui couvrira la période 2019-2025 sera évidemment déterminante pour avoir le fin mot du financement du surcoût des OPEX, appelé à croître au regard des ambitions du président au Sahel notamment.

"Nous serons intraitables, avait-il assuré en mai à Gao. Nous avons besoin de poursuivre et d'accroître notre engagement. Il restera de haute intensité ici au Sahel comme dans d'autres opérations".

Une fin de gestion 2017 très, très compliquée

La ministre des Armées, Florence Parly, et son futur délégué général pour l'armement (DGA) pourraient avoir quelques sueurs froides pour boucler le budget 2017. Il existe plusieurs points chauds à régler. A commencer par le financement des surcoûts des OPEX. On croyait le problème résolu mais ce n'est pas encore le cas. Si Bercy a annulé 850 millions sur le programme 146 (Equipement), il a réattribué seulement 643,2 millions au programme 178 (Préparation et emploi des forces), qui sert à financer les OPEX : 450 millions (provisions en LFI) + 643,2 millions (transferts de crédits) = 1,09 milliard. Il manque encore 200 millions d'euros environ pour financer 1,3 milliard de surcoûts OPEX en 2017. Un  montant estimé par le chef d'état-major des armées, le général Pierre de Villiers. Qui va payer ces 200 millions ?

Par ailleurs, chaque année, environ 200 à 300 millions d'euros sont nécessaires pour abonder le budget de fonctionnement du ministère (Titre 2). Cette année ne devrait pas faire exception à la règle. En outre, le budget 2017 (32,7 milliards d'euros) prévoyait 250 millions d'euros de recettes exceptionnelles, qui sont toujours très difficiles à obtenir. Suspense en 2017. Dernier point chaud, le financement du carburant. Selon nos informations, le prix du baril estimé en début d'année serait inférieur au prix actuel du marché. "Une rallonge n'est pas impossible", explique-t-on à La Tribune. Au total, le ministère des Armées va certainement devoir financer entre 400 et 500 millions d'euros de dépenses supplémentaires. Le budget des équipements militaires va-t-il être mis à nouveau à contribution?

Enfin, Bercy a gelé 2,7 milliards d'euros de crédits budgétaires. Vont-ils être dégelés? Tout ou partie ? Emmanuel Macron a promis jeudi dernier que le ministère des Armées aurait 32,7 milliards en 2017. A suivre...

Une hausse du budget 2018 qui ne résout pas tout

En dépit de l'augmentation du budget défense promise en 2018 par Emmanuel Macron, le compte n'y est pas. Emmanuel Macron a annoncé que le budget de la défense serait porté à 34,2 milliards d'euros en 2018 (contre 32,7 milliards cette année), dont 650 millions pour les opérations extérieures (OPEX). Une hausse nette de 1,3 milliard par rapport à 2017 si le budget est exécuté à l'euro près.

C'est beaucoup moins que la croissance attendue entre 2018 et 2025 pour atteindre un effort de défense de 2% du PIB (hors pensions, hors OPEX). Il faudrait que la France augmente son budget de la défense de plus de 2 milliards d'euros (hors surcoûts des OPEX).

Service national universel, Macron persiste

Emmanuel Macron tient vraiment "à mettre en place un service national universel", "une voix qui permet de sortir de l'individualisme au profit d'un engagement collectif" et qui "aussi le fondement d'une société stable et équilibrée". Pour tenir un engagement pris devant les Français, le président va désigner "prochainement une commission chargée" de lui "faire des propositions avec cet objectif".

Il ne souhaite "pas remplacer les dispositifs qui aujourd'hui fonctionnent (...) mais bien de redonner un sens à ce service national universel dans un cadre que nous aurons à définir".

Pourtant le service national universel est une folie, qui coûterait jusqu'à 30 milliards d'euros sur cinq ans, selon un rapport d'information du Sénat. Pourquoi dépenser une telle somme dans un contexte budgétaire très contraint, comme l'a d'ailleurs rappelé Emmanuel Macron, alors que les armées manquent de beaucoup d'équipements? Et qui va payer ? Le candidat Macron avait assuré que "son financement comme les effectifs d'encadrement nécessaires s'inscriront au-delà de l'enveloppe de 2 % du PIB de la programmation militaire, la mise en œuvre du service national universel étant indépendante du renforcement planifié de notre outil de défense".

Michel Cabirol

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Commentaires 14
à écrit le 19/07/2017 à 10:59
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Si on n'a plus assez d'argent pour envoyer des troupes à l'étranger, faisons rentrer nos soldats à la maison. Laissons les Russes et les Américains faire le job en Irak et en Syrie. Sortons des théâtres africains. Et que Macron arrête avec les prom...

à écrit le 18/07/2017 à 17:30
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30 milliards sur cinq ans à ce service nal, qui seraient plus productifs pour l'équipement et l'entrainement des armées. 75% des moyens aériens sont immobilisés faute de budget maintenance. Les équipements des armées font travailler les petites entre...

le 20/07/2017 à 8:15
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Comme on dit, les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent. Il est dommage que les coupes s'appliquent d'abord à ceux qui risquent leur vie pour nous. Macron a choisi la facilité. Il a perdu toute crédibilité.

à écrit le 18/07/2017 à 15:01
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Emmanuel Macron se trompe dans sa vision "à mettre en place un service national universel", une folie, qui coûterait jusqu'à 30 milliards d'euros sur cinq ans, selon un rapport d'information du Sénat (la dette atteint aujourd'hui les 100%, deuxième p...

le 18/07/2017 à 17:58
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Excellent, cette vérité est si évidente qu'elle est "aveuglante" pour nos politiciens. En attendant je verrais bien les 850 M€ refusés aux armées, imputés à l'Education Nationale!

à écrit le 18/07/2017 à 14:03
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Le complexe militaro-industrielle français va devoir revoir ses marges pléthorique a la baisse!!!

le 19/07/2017 à 11:02
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Ce sont aussi des milliers d'emplois non délocalisables.... Mais baissons nos investissements. On perdra notre avance technologique et il ne nous restera plus qu'à acheter des équipements aux Américains, quand ceux ci consentiront à nous les vendre.....

à écrit le 18/07/2017 à 10:22
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Nous ne sommes pas en guerre. Nos interventions armées "sont" financées en grande partie par l'ONU ou par l'Organisation des états Africains; notre matériel est hors service pour un tiers, suite à l'incurie de nos gouvernements et parlementaires. Ach...

à écrit le 18/07/2017 à 9:44
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Restoration du service national ! Micron est totalement a l'ouest.

le 20/07/2017 à 18:35
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Oui, surtout pour un mec qui ne l'a pas fait.

à écrit le 18/07/2017 à 9:11
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Einstein disait : "je ne sais pas avec quelle arme sera utilisée lors de la prochaine guerre mais je peux vous dire que la suivante se fera avec des arcs et des flèches..." c'est dans cette perspective que M. Macron s'inscrit en réduisant le budget d...

à écrit le 18/07/2017 à 9:05
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Mollande était menteur et embrouilleur. Micron est le fils de Mollande. Que croyez-vous qu'il soit ? Les chiens ne font pas des chats ;-))

à écrit le 18/07/2017 à 8:01
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Service national pour fille et garçon, Opex à tout va, Sentielle, Mr Macron veut tout faire avec ses 2%. Qu'en restera-t-il puisqu'en parallèle , il ne veut pas réduire le nombre de Colonels et de généraux pour ne pas "froisser" les grands chefs !!

le 19/07/2017 à 10:09
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Combien y a t il de colonel et de généraux?

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