Les programmes européens de radionavigation par satellite, Galileo et EGNOS, vont coûter sur la période 1994-2020, "plus de 13 milliards d'euros, dont 2,45 milliards" pour la France, selon des estimations actuelles rendues publiques mardi par la Cour des comptes. Cette dernière a adressé un référé au Premier ministre, Manuel Valls. Soit trois fois plus que la facture initiale (4,6 milliards d'euros).
Galileo va coûter plus de 10 milliards d'euros à l'Europe
Galileo, le programme le plus emblématique de l'Europe, devrait coûter 10,2 milliards d'euros, dont la moitié avait été dépensée à fin 2013. Soit également "trois fois le coût initialement prévu", observe la Cour des comptes, en raison "d'une combinaison de déboires techniques, mais aussi d'une conduite de projet peu performante". Pour EGNOS, son déploiement aura coûté 700 millions d'euros, "soit deux fois plus cher que prévu", selon les sages de la rue Cambon.
Lorsque le programme a été approuvé par le Conseil en 1999, Galileo devait être mis en service en 2008. Finalement, seize ans après son lancement, l'exploitation de Galileo avec une constellation complète est repoussée à 2021, soit avec un retard de 13 ans. Pour sa part, le service ouvert d'EGNOS, qui fonctionne actuellement en interaction avec le seul système GPS, n'a été déclaré opérationnel qu'en 2009, avec un retard de six ans sur le calendrier initial.
Une timide promotion des applications civiles
La Cour appelle "tout particulièrement" sur la nécessité de promouvoir, dans les cadres à la fois européen et national, la commercialisation de services à composantes satellitaires, y compris, le cas échéant, en faisant appel, à l'échelon européen, à un opérateur spécialisé, public ou privé. Car elle considère que l'Europe, y compris la France, qui a pourtant joué un rôle majeur dans la création de Galileo et EGNOS, ne s'investit pas suffisamment dans la promotion des applications civiles, qu'elle juge "timide".
"Le succès de la nouvelle infrastructure européenne requiert une promotion efficace de ses utilisations potentielles, en s'appuyant particulièrement sur les avantages de Galileo par rapport au GPS (la constellation américaine concurrente déjà déployée, ndlr) : l'authentification du signal, la haute précision et un meilleur "temps d'accrochage" des satellites Galileo par les récepteurs. C'est aujourd'hui l'une des missions de la GSA", l'agence du GNSS (système de positionnement par satellites) européen, écrit-elle.
Pour autant, l'existence d'un service concurrent gratuit offert par le service ouvert du GPS, qui n'offre pas de service commercial, a conduit "à réviser à la baisse les perspectives de recettes commerciales susceptibles d'être procurées directement par Galileo". Le marché mondial des produits et des services liés à la mise en place de la radionavigation par satellite est en forte expansion (+ 30 % par an selon la Commission européenne).
Il est estimé qu'actuellement, 6 à 7 % du PIB de l'Union dépendent de la navigation par satellite. En plus des applications de géolocalisation, la radionavigation par satellite permet, entre autres, la synchronisation de réseaux essentiels à l'économie (communication, transport d'électricité, transmission de données, etc.). Dans le cas de Galileo, ces applications pourront emprunter soit son service ouvert (gratuit), soit son service commercial (payant).
Et la France?
Depuis le démarrage de ces deux programmes spatiaux, la France a contribué aux deux programmes à hauteur de 1,28 milliard d'euros, aprécisé la Cour. Selon les prévisions actuelles, en 2020, elle aura déboursé 2,45 milliards jusqu'à la mise en service complète du système. Soit 18, 7 % du coût estimé à terminaison. Sous réserve que Galileo et EGNOS fonctionnent convenablement dans le calendrier aujourd'hui prévu, "cette mise de fonds apparaît raisonnable au regard de l'éventail des services attendus d'un système que la France n'aurait pas pu, financièrement, réaliser seule", a estimé la Cour.
Mais elle constate aujourd'hui un certain désintérêt de la France pour ces programmes en dépit de son rôle moteur à leur création. À l'échelon européen, "son influence s'est ces dernières années, érodée dans les instances de pilotage de la maîtrise d'ouvrage des deux programmes", a fait remarquer la Cour au Premier ministre. Elle regrette la baisse de "la visibilité politique d'EGNOS et de Galileo". En outre, l'importance des enjeux aussi bien que les incertitudes qui pèsent sur l'avenir des deux programmes ont moins retenu l'attention, notamment au Parlement, a-t-elle déploré. D'autant qu'elle a affirmé que la gouvernance de ces programmes restent "encore problématique".
"Tout comme sur le plan industriel, le risque existe, selon la Cour, que la France ne tire pas suffisamment parti de Galileo et d'EGNOS, après en avoir été pourtant le premier et le plus tenace promoteur", a averti la Cour des Comptes.
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