Comment les Etats-Unis espionnent en France... légalement

Les États-Unis utilisent le droit comme une arme pour espionner les entreprises étrangères, estime le député PS, Jean-Jacques Urvoas. Aujourd'hui, c'est au tour du Crédit Agricole d'être dans les mailles du filet de la justice américaine.
Michel Cabirol
Pourquoi les Etats-Unis s'intéressent-ils au Crédit Agricole

BNP Paribas, Alstom... et maintenant Crédit Agricole. Des litiges qui permettent Washington d'espionner légalement de grands groupes français et étrangers, "un espionnage paré des vertus de la légalité", comme l'explique dans son rapport sur le renseignement le député Jean-Jacques Urvoas. Pour le député PS du Finistère, la ficelle est un peu grosse. "La législation américaine, notamment en raison de son caractère extraterritorial, apporte une illustration particulièrement éloquente de cette ambivalence par le biais de la procédure de discovery ainsi que l'existence du deal of justice", explique-t-il dans son rapport publié en décembre 2014.

"La procédure de discovery repose sur un principe fondamental de la common law selon lequel les parties dirigent l'instruction en lieu et place du juge, précise Jean-Jacques Urvoas. Dans cette configuration, le plaignant adresse des demandes de pièces au défendeur afin de cibler son action en justice. Le juge intervient alors uniquement pour valider le refus de communication ou, dans le cas contraire, prononcer des sanctions très lourdes lorsqu'il estime le refus infondé. Or, les demandes s'avèrent bien souvent extraordinairement vastes (d'où leur surnom de fishing expeditions ou parties de pêche) et peuvent procéder d'une volonté de profiter de cette procédure pour se livrer légalement à de l'espionnage économique".

En vertu de ce cadre législatif, les États-Unis s'arrogent le droit d'enquêter sur des agissements à l'étranger lorsqu'une entreprise est cotée sur une place boursière américaine. Jusqu'en 2004, Alstom était coté à Wall Street. S'agissant de BNP Paribas et de Crédit Agricole, ce sont des litiges portant sur des paiements en dollars impliquant des pays faisant l'objet de programmes américains de sanctions (Cuba, Iran, Libye, Soudan, Syrie...). Les États-Unis utilisent ainsi le droit comme une arme "d'une redoutable efficacité, qu'il soit détourné afin par exemple de voler des savoir-faire (notamment à l'occasion de contentieux déclenchés à cette fin) ou qu'il soit au contraire pensé comme un puissant instrument de prédation", assure le député PS du Finistère.

De lourdes amendes pour inciter à coopérer

Dans la plupart des cas de figure, les contentieux débouchent fréquemment sur des transactions dans le cadre de la pratique du "deal of justice", qui découle aussi directement du caractère extraterritorial de la législation états-unienne, notamment dans sa dimension anticorruption. Elle s'appuie principalement sur le Foreign Corrupt Act de 1977 et sur les lois de sanctions économiques contre des pays. Dans les faits, une entreprise se voit incriminée par le Department of Justice (DoJ) pour infraction à la loi états-unienne. Ce qui permet à l'administration d'agiter le spectre de lourdes amendes et de condamnations pénales pour les membres dirigeants de l'entreprise.

"Pour autant, en dépit de la lourdeur des fautes reprochées, elle propose opportunément une transaction avec les autorités administratives compétentes", explique Jean-Jacques Urvoas. L'entreprise doit alors reconnaître sa culpabilité et négocie le montant de l'amende infligée. En contrepartie, le DoJ renonce aux poursuites pour une période de trois ans, période pendant laquelle l'entreprise doit faire preuve d'un comportement exemplaire.

Un cheval de Troie imparable

"Pour prouver sa bonne foi, et là réside le principal problème", l'entreprise "doit accepter la mise en place d'un moniteur en son sein, moniteur qu'elle choisit mais dont la désignation définitive est soumise à l'approbation des États-Unis", souligne le député du Finistère. Ce moniteur a accès à l'intégralité des informations de l'entreprise afin de rédiger un rapport annuel extrêmement détaillé. Une aubaine pour les services de renseignement américain pour connaitre tous les marchés et les transactions d'une entreprise étrangère et de ses clients.

"Grâce au "Foreign intelligence surveillance act", les services de renseignement américains peuvent solliciter toute information nécessaire, y compris les rapports de monitorat. De telle sorte que la communauté du renseignement états-unienne, fort impliquée dans la vie économique du pays (à titre d'exemple, la CIA a créé et gère le fonds d'investissement IN-Q-Tel), dispose potentiellement d'informations concurrentielles précieuses", résume Jean-Jacques Urvoas.

Comment se prémunir contre ces ingérences légales? Pour le député du Finistère, "il est devenu impératif de disposer d'une législation nationale protégeant le secret des affaires conformément aux préconisations de l'article 39 du traité ADPIC issu de la convention de Marrakech de 1994 qui a institué l'Organisation mondiale du commerce".

Michel Cabirol

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Commentaires 30
à écrit le 08/08/2015 à 22:18
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De Gaulle n'aurait jamais accepté cela..... Hollande est incompétent et Sarkozy lui nous a carrément vendu.

à écrit le 07/08/2015 à 9:28
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tout cela est encore bien peu de choses comparé à ce que l'angleterre pratique en europe depuis le fondement de l'europe unie pour le compte des USA en vrai cheval de troie qui n'est pas dans l'euro et qui n'est pas dans shengen .

à écrit le 06/08/2015 à 14:14
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Ahurissant..!! Bonjour,la confiance entre amis...

à écrit le 06/08/2015 à 13:19
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Urvoas vient enfin de comprendre la fable du loup et de l'agneau et sa morale sur le droit du plus fort. Il ne lui reste plus qu'à lire Le discours sur la servitude volontaire de La Boétie...

à écrit le 06/08/2015 à 13:04
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peut-on imaginer que Obama " tienne" Hollande par la connaissants ( et possible divulgation ) d'informations secrètes obtenues par espionnage qui obligeraient ce dernier à une démission immédiate et une disparition totale du paysage politique ? cel...

à écrit le 06/08/2015 à 10:05
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Bien aidés en cela par la naïveté et l'absence de sens de l'intérêt commun des dirigeants des grandes entreprises françaises. Quand cela arrive le PDG devrait être viré par le conseil d'administration pour avoir mis sa société en position de faibles...

à écrit le 06/08/2015 à 0:28
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Pourquoi d'autres Etats ne rendent pas leurs lois extraterritoriales? Faire le pendant...

à écrit le 05/08/2015 à 22:43
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il y a 20ans vous auriez été pendu, vile complotiste :D

à écrit le 05/08/2015 à 22:04
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Notre pays doit retrouver sa grandeur, et cela passe par son indépendance. Le problème, c'est cette bande de bras cassés qui nous gouvernent depuis plus de 40 ans...

à écrit le 05/08/2015 à 21:57
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Tiens le député Urvoas vient de se réveiller et de s'apercevoir que c'est très mal d'espionner tout le monde ! Rappellez-moi qui est à l'origine de la très controversée loi sur le renseignement, par laquelle tout citoyen français est espionnable, à t...

à écrit le 05/08/2015 à 21:50
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Ils utilisent aussi le droit pour mettre des amendes énormes pour raisons bidons alors que l'UE n'ose pas poursuivre les entreprises US qui font des actes illégaux importants.

à écrit le 05/08/2015 à 17:30
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Et on veut en plus nous ajouter le TAFTA???!!!! Bravo Mr Moscovici!!!

à écrit le 05/08/2015 à 15:02
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Il n'y a rien à attendre des dirigeants Européens et de nos dirigeants, ils se comportent les vassaux des USA. Alliés, oui, mais pas lèches bottes, est-ce si difficile à comprendre pour nos petits marquis ?

à écrit le 05/08/2015 à 14:27
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Avouons le, l’espionnage américain a eu un effet très bénéfique. La peur d’être rattrapé par les "long bras" de l'Oncle Sam a été un facteur décisif de la moralisation relative des grands groupes français travaillant à l'international. Souvenons-nous...

à écrit le 05/08/2015 à 13:40
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Protégeons nous!!!

à écrit le 05/08/2015 à 13:39
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Protégeons nous!!!

à écrit le 05/08/2015 à 13:37
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Bonjour, Il y a un moyen simple de ne plus se faire espionner et de ne plus dépendre du droit Us. Il suffit de ne pas avoir d'entreprises françaises cotées sur les indices US, pour les entreprises installées aux US, n'installer que des filiales dites...

le 05/08/2015 à 18:33
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le souci est qu'il faut des gens competents pour mettre tout ca en place ...

à écrit le 05/08/2015 à 12:40
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Mais les accords internationaux qu'on signe que ce soit L’OMC ou même actuellement l'accorde transatlantique, ça devrait servir de cadre pour empêcher l'extraterritorialité judiciaire des lois américaines. Voilà, par exemple, que BNP-Paribas s’acq...

à écrit le 05/08/2015 à 12:40
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Mais les accords internationaux qu'on signe que ce soit L’OMC ou même actuellement l'accorde transatlantique, ça devrait servir de cadre pour empêcher l'extraterritorialité judiciaire des lois américaines. Voilà, par exemple, que BNP-Paribas s’acq...

à écrit le 05/08/2015 à 11:36
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...Et ensuite, les américains s'étonnent de ne pas être aimés, voire haïs tout autour du Globe, au point de leur "descendre" deux tours...L'UE, au nom des Européens, l'UE antidémocratique, félonne, soumise au lobbies anglo-saxons négocie pour les peu...

à écrit le 05/08/2015 à 10:42
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vision étroite : "législation nationale"... "législation européenne" serait beaucoup mieux

à écrit le 05/08/2015 à 10:09
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HOLLANDE Président Normal homme sans honneur les américains espionnent honteusement notre pays et lui continue de ramper devant M. OBAMA HOLLADE a même été jusqu'à mettre en péril l'économie de la FRANCE pour soutenir les intérêts stratégiques amé...

à écrit le 05/08/2015 à 10:05
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le credit agricole fiche aussi les clients (ouvriers = pauvres=non rentables)

à écrit le 05/08/2015 à 9:39
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Réciprocité ! Point barre .... Ils contrôlent internet et les banques ... Mais que va t'il nous rester !!

à écrit le 05/08/2015 à 9:20
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Mais pourquoi s'en priveraient-ils ? puisque nous leur ouvrons toutes grandes nos portes. Cet état de fait est-il une nouveauté ? Bien sur que non. Et puis chez nous personne n'a envie que cela change. (Sauf ceux qui n'ont plus aucuns pouvoirs décisi...

à écrit le 05/08/2015 à 9:17
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Je ne comprends pas bien les commentaires précédents... l'article explique que les États-Unis ont mis en place un dispositif particulièrement efficace pour espionner légalement des entreprises internationales : il ne me semble pas que l'objet du déba...

à écrit le 05/08/2015 à 9:10
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L'extraterritorialité, quelle belle invention. Écrire à l'OMC ! Ou faire pareil au niveau européen ! Parmi les entreprises citées figure une grande banque européenne qui s'est acquittée, il y a à peine quelques mois, d'une amende de plusieurs mill...

à écrit le 05/08/2015 à 8:24
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En ce qui concerne les transactions en USD, la législation des Etats Unis sur les transactions en USD est connue et les banques doivent s'y conformer. D'après mes infos, le CA a annoncé l'enquête le jour de la publication de ses résultats trimestri...

à écrit le 05/08/2015 à 7:37
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Il ne manque pas d'air ce monsieur ! Après avoir rapporté la dernière loi qui permet tout aux services de renseignements français à l'encontre des citoyens, oser partir à la défense des habituelles entreprises délinquantes pour les protéger, il faut ...

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