Terrorisme : la guerre menée par la France exige un effort budgétaire supplémentaire

Au moment où la Grande-Bretagne et l'Allemagne se réarment très fortement, la France va décider des prochains budgets de 2017, 2018 et 2019. Les armées demandent un effort supplémentaire, compris entre 3 et 4,5 milliards d'euros sur la période 2017-2019.
Michel Cabirol
Dépense de défense : la France va-t-elle décrocher par rapport à la Grande-Bretagne et à l'Allemagne ?

Le gouvernement est à l'orée des premiers arbitrages sur le réajustement du budget du ministère de la Défense pour les années 2017, 2018 et 2019. Un réajustement que l'armée veut évidemment à la hausse au regard des nouveaux engagements opérationnels définis par le chef de l'État, François Hollande, au Congrès le 16 novembre, trois jours seulement après les attaques terroristes du funeste 13 novembre 2015. Lancés en janvier, les travaux menés par l'Hôtel de Brienne ont déjà fait l'objet de plusieurs réunions interministérielles. Les premiers arbitrages pourraient intervenir lors d'un conseil de Défense prévu ce mercredi 6 avril, selon des sources concordantes.

Pour l'heure, les armées ont fait leur calcul. Elles demandent une rallonge budgétaire de 3 à 4,5 milliards au total sur la période 2017-2019. Soit entre 1 et 1,5 milliard de plus par an par rapport à l'actuelle loi de programmation militaire réactualisée au printemps 2015. Ce qui apparaît très raisonnable au regard des nouveaux enjeux opérationnels. Mais cette demande fait bien sûr grincer les dents de Bercy. Interrogé sur ces montants, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, - qui ne les a pas confirmés -, a expliqué qu'il était le seul à savoir ce que son ministère demandait. Au moment où la France est en guerre contre Daech et le terrorisme international, une chose est sûre il lui faut absolument les moyens de la faire.

De l'intensification des frappes à l'arrêt des suppressions de postes

Le 16 novembre, François Hollande avait annoncé "qu'il n'y aurait plus aucune diminution d'effectifs dans la défense jusqu'en 2019". Soit 10.317 postes sauvegardés pour la défense. Un chiffre contesté par Bercy, qui estime que la création des 1.090 postes au bénéfice de la cybersécurité et du renseignement doit être déduite des 10.317 revendiqués par la défense. En tout état de cause, l'arrêt des suppressions de postes a un coût (soldes, hébergement, équipement) que les armées estiment entre 2 et 3 milliards d'euros.

Ce montant inclut également des mesures de revalorisation de la condition militaire, notamment pour compenser la suractivité des soldats en opération extérieure (OPEX) et pour augmenter les très bas salaires. Certains soldats ne toucheraient même pas le SMIC. Les familles doivent être aidées lorsque les militaires sont déployés en OPEX. Environ 100.000 militaires ont passé en 2015 plus de 200 jours en OPEX ou en OPINT (opération intérieure). En outre, les militaires seront alignés sur les rémunérations et les carrières des fonctionnaires civils dans les mêmes termes et les mêmes échéances. Un réajustement des soldes est donc attendu par les militaires.

François Hollande a demandé à Saint-Cyr Coëtquidan lors des vœux aux armées à Jean-Yves Le Drian "d'étudier les compensations à apporter pour mieux reconnaître les fortes obligations" qui pèsent sur les militaires. "Je veillerai personnellement à ce que la condition militaire soit améliorée car elle est un élément fondamental de l'efficacité opérationnelle", a-t-il ajouté.

Besoin de crédits pour l'entretien, l'équipement, le renseignement...

Enfin, la lutte contre Daech a mobilisé beaucoup plus les équipements de l'armée tricolore, notamment les avions de combat Mirage 2000, qui volent cinq fois plus que prévu, et Rafale dans le cadre de l'intensification des frappes exigées par François Hollande. "Il faut plus de frappes", avait-il annoncé en novembre 2015. Ce qui implique aujourd'hui une reconstitution des stocks de munitions ainsi que des crédits supplémentaires pour assurer le maintien en condition opérationnelle des appareils.

Par ailleurs, l'armée ne désespère pas de "mieux équiper" les forces engagées dans l'opération Sentinelle. Notamment, de rouler en véhicule militaire et non plus en Kangoo, qui ne sont pas adaptées aux militaires... Enfin, les armées doivent poursuivre leur montée en puissance dans le domaine de la cybersécurité et du renseignement. Cet effort (Sentinelle, intensification des frappes et cybersécurité-renseignement) est estimé à un montant "supérieur à 1 milliard d'euros" sur la période 2017-2019. Entre 1 et 1,5 milliard d'euros.

Réarmement massif de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne

"Si on obtient cette rallonge, on stabilise l'effort de défense à 1,80% du PIB, explique-t-on à La Tribune. Sinon, il déclinera à hauteur de 1,70% en 2019". Loin, encore très loin des 2% du PIB demandés par l'OTAN aux pays membres de l'organisation. D'ailleurs, selon les dernières statistiques publiées par l'OTAN fin janvier, seuls trois pays consacrent à leur effort de défense plus de 2% de leur PIB : les États-Unis bien sûr, mais aussi la Grande-Bretagne et la Pologne. Pour être vertueux selon le référentiel de l'OTAN, ces trois pays dépensent également au moins 20% de leur dépense de défense à l'achat de nouveaux matériels.

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Ces discussions sur des rallonges budgétaires interviennent en France au moment où deux grands pays européens sont en train de faire un important effort de défense. C'est le cas de l'Allemagne, où la chancelière Angela Merkel a décidé d'augmenter le budget de la défense sur la période 2017-2020 de 10 milliards d'euros pour faire face aux nouvelles missions de la Bundeswehr et la rééquiper. Pour autant, Berlin restera bien en dessous de la barre des 2% du PIB souhaitée par l'OTAN. En 2016, le ministère de la Défense allemand avait été déjà choyé, son budget passant de 32 milliards à 40 milliards d'euros. Non seulement la Bundeswehr intervient beaucoup moins que l'armée française en OPEX, mais elle n'a pas non plus à entretenir une force de dissuasion nucléaire. Au contraire de la France qui y a consacré 3,2 milliards d'euros en 2013.

L'autre grand pays européen engagé dans un important effort de défense, c'est la Grande-Bretagne. Le gouvernement britannique s'est engagé l'été dernier à augmenter le budget du ministère de la Défense (MoD) de 0,5% au-dessus de l'inflation chaque année jusqu'en 2021. Ce qui permettra à Londres de continuer à atteindre l'objectif de l'OTAN de consacrer 2% du PIB à sa défense. Le 1er avril a marqué la première année de cet engagement avec un budget, qui a augmenté de 800 millions de livres (1 milliard d'euros) passant de 34,3 milliards de livres (43,06 milliards d'euros) à 35,1 milliards de livres (44,1 milliards d'euros). En outre, le MoD recevra 2,1 milliards de livres du Fonds commun de sécurité à la fin de la présente législature. Au total, le budget de la Défense augmentera de près de 5 milliards de livres à 39,7 milliards de livres en 2020/2021 (soit 49,8 milliards d'euros).

Si l'Allemagne et la Grande-Bretagne l'ont fait, pourquoi pas la France?

Michel Cabirol

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Commentaires 13
à écrit le 08/04/2016 à 11:11
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Les socialos bradent le patrimoine des Français pour boucher les trous dans les comptes de l’état , ça a commencé avec Mit-mit , puis Jospin a battu des records avant l’arrivée de flenbi , qui ayant alourdit la dette à plus de DEUX Milliards à paye...

à écrit le 06/04/2016 à 18:12
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Malheureusement , la France n'a plus les moyen de faire le gendarme de l'Afrique, n'y de soutenir les démocraties tribal et dictatorial de l'Afrique central... La France-Afrique s'est finis et l'empire coloniale aussi... L'Europe doit prendre ses re...

à écrit le 06/04/2016 à 8:30
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il faut effectivement une rallonde de ce cote... maintenant faut voir ou l'etat va tailler dans les depenses ailleurs...

le 08/04/2016 à 20:39
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Ils veulent que les civils s'occupent des radars mobiles. Cela va libérer les policiers et les gendarmes pour faire autre chose comme demandeurs d"emploi...

à écrit le 06/04/2016 à 4:57
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Oui, Hollande a déclaré la guerre et est de facto responsable des attaques perpétrées en France en novembre 2015. Les Français l'ont laissé faire et doivent donc assumer cette décision. Être en guerre, ce n'est pas juste envoyer des drones et des avi...

à écrit le 05/04/2016 à 19:25
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puisque nous défiscalisons les dons faits a une armée étrangère (Israël) a hauteur de 60 pour cent cela me semblerait plus judicieux que de favoriser une pratique pourtant interdite

à écrit le 05/04/2016 à 12:47
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Avec le taux de dépenses publiques, et de gaspill le plus élevé du monde 57% du P.I.B Annuel : faute d'aucune réforme ( campagne quinquennale obsessionnelle de réélection présidentielle ) 130 milliards d'économies annuelles sont possibles sans remett...

à écrit le 05/04/2016 à 9:49
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Cet effort, évidemment indispensable, aurait été relativement facile à financer si Hollande n'avait pas pris la décision clientéliste de revenir sur les suppressions de postes dans l'éducation effectuées par Sarkozy (coût : 2,5 milliards par an). Tou...

le 06/04/2016 à 8:46
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Il n'y a aucun rapport entre la défense et l'éducation. Il faut en finir avec la globalisation des dépenses où on mélange tout et n'importe quoi. Il faut distinguer la production des services et la solidarité. La production des services doit être gér...

à écrit le 05/04/2016 à 9:15
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Pourquoi pas la France? Parce que la France n'en a pas les moyens. Lorsqu'on est pauvre, c'est difficile d'accepter la réalité.

le 05/04/2016 à 12:10
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Mais c'est aussi et principalement parce que la défense européenne n'existe pas. La preuve dans les budgets/PIB; peanuts. La défense européenne c'est l'OTAN = Tonton d'Amérique. On n'a pas de force européenne réelle. Malgré tous ceux qui veulent "plu...

le 05/04/2016 à 18:34
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Les USA reprisante 600 millards de $ à vous de faire la comp.

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