Airbus réduit fortement la voilure, la crise du transport aérien est trop violente

Airbus a annoncé mercredi la réduction d'un tiers de sa cadence de production d'avions pour répondre à la multitude de demandes de reports de livraisons des compagnies aériennes frappées de plein fouet par la crise du Covid-19.
Fabrice Gliszczynski
(Crédits : Pascal Rossignol)

La crise sans précédent qui frappe le transport aérien se répercute sur Airbus. Face aux menaces d'annulations et de reports de commandes d'avions, l'avionneur européen a décidé de réduire sa production d'un tiers "dans les prochaines semaines". Une diminution colossale si l'on songe qu'Airbus avait pu traverser la crise financière de 2008-2009 sans réduire la voilure.

Le niveau de production de 2015 pour l'A320

Alors qu'il était encore question fin février d'augmenter les cadences de l'A320 au-delà de son rythme de 60 appareils par mois, Airbus va les ramener à 40 unités mensuelles, quasiment au niveau qui était le sien en 2015. Celles des gros-porteurs A350 et A330 sont également revues à la baisse. Elles passeront de 9-10 par mois à 6 par mois pour l'A350 et à 2 par mois pour l'A330, alors qu'Airbus comptait livrer 40 appareils de ce type cette année (soit un peu plus de 3 par mois). Réduite à sa portion congrue en raison de son arrêt programmé l'an prochain, la production de l'A380 reste quant à elle inchangée. Les dix derniers appareils sont en cours de construction. Ces nouvelles cadences vont débuter au cours des "prochaines semaines" et seront maintenues pendant quelques mois. Un point sera fait à ce moment-là, et "nous ajusterons", a indiqué le directeur général d'Airbus, Guillaume Faury, lors d'une conférence téléphonique.

Chômage partiel

Airbus n'a pas précisé les réductions d'activité par site. Mais aucun de ses quatre sites de production (Hambourg, Toulouse, Mobile aux Etats-Unis et Tianjin en Chine) ne fermera. Pour autant, la baisse de capacité pose évidemment la question des sureffectifs. Airbus Commercial Aircraft, la branche aviation civile du groupe, compte 81.000 employés dans le monde, dont 22.700 en France.

Si Airbus indique "travailler en coordination avec les partenaires sociaux pour définir les mesures sociales les plus appropriées afin de s'adapter à cette situation nouvelle et évolutive", des mesures de chômage partiel se profilent. A la question "Avez-vous appliqué les mesures sociales prises par les différents gouvernements, comme la prise en charge par l'Etat français du chômage partiel", Guillaume Faury a répondu "pas encore", avant d'ajouter que le groupe se préparait "à demander ce type de mesures, mais un peu plus tard". Jusqu'ici, Airbus a proposé à ses salariés de prendre des congés ou de puiser dans leur compte épargne-temps.

Pour préserver le cash, d'autres actions de baisse de coûts sont prévues. Pour rappel, Airbus a pris plusieurs mesures pour améliorer sa trésorerie et dispose de 30 milliards d'euros de liquidités. Contrairement à son rival Boeing, aucune aide d'Etat "n'a été demandée", a rappelé Guillaume Faury, en espérant qu'un "fair playing field"soit maintenu.

Le coût est rude pour l'ensemble des fournisseurs, dont certains devront être aidés pour ne pas couler.

Reports de livraisons

Ces nouveaux rythmes de production "reflètent la meilleure appréciation possible de la situation actuelle", a expliqué Guillaume Faury, en précisant que les demandes des compagnies portaient jusqu'ici sur des reports de livraisons et non sur des annulations.

Plutôt que de construire des avions que ne pourraient pas prendre les compagnies aériennes en difficulté, Airbus préfère réduire la voilure. Cherchant à tout prix à préserver leur trésorerie, mise à mal par l'arrêt quasi-complet de leur activité, les compagnies aériennes limitent les investissements. Pas question pour une grande partie d'entre elles de prendre livraison d'avions neufs aujourd'hui. D'autant plus que la reprise s'annonce lente en raison de la récession de l'économie. Si cette sombre perspective se vérifie, Airbus sera privé des rentrées de cash qui accompagnent les livraisons d'avions qui étaient prévues, puisqu'une bonne partie du prix des appareils est payée à ce moment-là. Le groupe européen sera également privé des prépaiements liés aux prises de commandes. Guillaume Faury ne s'attend pas en effet sur de nouvelles ventes avant 6, 9, voire 12 mois.

Faudra-t-il aller plus loin?

Reste une question qui donne des frissons dans le dos à tous les acteurs de l'aéronautique. Cette réduction de voilure sera-t-elle suffisante? Car les cadences annoncées débouchent tout de même sur une production sur 12 mois de plus de 550 avions.

Surtout, si les compagnies aériennes sont fragiles, les sociétés de leasing, qui représentent 50% du carnet de commandes des avionneurs, sont également sous pression. L'annulation vendredi dernier par le loueur Avolon d'une partie significative de ses commandes (essentielement des Boeing) en témoigne. Certains professionnels estiment que la profondeur de la crise est telle qu'elle pourrait entraîner une baisse de la production encore plus forte, certains évoquant même un arrêt complet de la construction d'avions mondiale.

Boeing en est là. La production d'avions civils est à l'arrêt. Alors que la production du 737 MAX est arrêtée depuis janvier, le groupe a également suspendu sa production de gros-porteurs, en raison des mesures de confinement.

Lire aussi : Les loueurs d'avions sous pression : l'autre menace pour Airbus et Boeing

Encadré  : le premier trimestre était satisfaisant pour Airbus

Airbus a enregistré 21 commandes nettes en mars et livré 36 appareils. Cela porte son bilan au premier trimestre à 290 commandes nettes et 122 livraisons. Soixante autres appareils ont été produits durant le trimestre, mais n'ont pu être livrés aux clients en raison de l'épidémie de Covid-19. L'avionneur a par ailleurs enregistré un total de 66 annulations depuis le début de l'année, dont 44 en mars. Son carnet de commandes s'établissait à fin mars à 7.650 appareils dont 6.749 monocouloirs A220 et de la famille A320.

Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 8
à écrit le 09/04/2020 à 16:04
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Il est sans doute temps pour airbus de penser à des avions bien plus petits ~100 places fonctionnant avec des carburants alternatifs pouvant être utilisés dans tous les aérodromes de province à terme automatisés pour réduire à zéro la dépendance aux ...

à écrit le 09/04/2020 à 12:06
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Il est à craindre que la crise de production soit bcp plus profonde, car les cies de leasing ppaux acheteurs vont faire leur marché de l'occasion auprès de grosses cies comme Lufthansa qui réduisent fortement la voilure et vont vendre à prix cassé de...

à écrit le 09/04/2020 à 12:00
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Pour découvrir la manière dont la Chine a dépecé un Airbus A320 pour le copier au profit de son avion commercial, lisez "L'empreinte du Dragon" de Jean Tuan chez C.LC. Editions. Une lecture édifiante et jubilatoire ! Disponible sur amazon.fr et fnac....

le 09/04/2020 à 15:26
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Tt ça n'est pas nouveau. Il faut se rappeler avec quelle vitesse, les chinois se sont équipés ds les années 2000 en réseau TGV de loin le plus dense de la planète avec les transferts de technologie de Siemens. De même, plus récemment ds la construc...

à écrit le 09/04/2020 à 9:48
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"Le niveau de production de 2015 pour l'A320" Ben avec l'UE qui veut que les avions volent vides forcément la production des avions sous perfusion d'argent public a décuplé ! C'est quand même assez vertigineux comme chiffre de s'alarmer alors...

le 09/04/2020 à 11:28
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@ multipseudos: tu es grotesque, signalé.

le 09/04/2020 à 15:53
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Reconnaissez qd même que c'est qd mieux que d'avoir des stocks d'avions invendus qui croupissent sur les tarmac depuis des mois, comme chez B.

le 10/04/2020 à 23:13
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A ce niveau-là mon pauvre blasé, ce n'est même plus de la mauvaise foi, c'est de l'aberration intellectuel. Arrêtez vos commentaires à côté de la plaque.

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