Pourquoi Eutelsat a pu régler son ardoise au russe RSCC

L'affaire Ioukos a empoisonné les relations entre l'opérateur de satellites russe RSCC et Eutelsat. Mais une ordonnance du 23 novembre a apaisé le climat entre ces deux partenaires historiques.
Michel Cabirol
Eutelsat a payé au principal opérateur de satellites russe 70 millions d'euros environ.

C'est pour Eutelsat un profond soulagement. L'opérateur de satellites européen a enfin pu régler la dette qu'il avait auprès de son partenaire russe, Russian Satellite Communications Company (RSCC). A l'issue de l'ordonnance du 23 novembre de la Cour d'appel de Paris dans le cadre de l'affaire Ioukos favorable à RSCC, Eutelsat a donc immédiatement payé ce qu'il devait au principal opérateur de satellites russe, soit 70 millions d'euros environ, selon nos informations. Dans un communiqué daté du 24 novembre, RSCC a confirmé le paiement d'Eutelsat. L'opérateur européen loue notamment de la capacité sur deux satellites de RSCC lancés en 2013 et 2015.

Pourquoi Eutelsat est très satisfait de l'ordonnance

Au 4 septembre 2015, Eutelsat avait déclaré dans le cadre de l'affaire Ioukos qu'il devait à RSCC au titre des différents contrats conclus entre les deux sociétés 396 millions d'euros environ et au titre de dividendes 77,9 millions d'euros. Soit au total 474 millions d'euros. Toutefois, l'opérateur européen paiera à termes à RSCC dans le cadre de leur relation contractuelle en cours une somme proche de 600 millions d'euros, précise-t-on à La Tribune. Avec cette ordonnance, Eutelsat peut souffler (temporairement?). Car l'affaire Ioukos commençait sérieusement à empoisonner les relations entre RSCC et Eutelsat. Ce qui n'est jamais bon dans les affaires en partenariat. "Cette affaire dégradait le climat entre les deux sociétés", confirme-t-on à La Tribune.

Eutelsat est un acteur important dans le paysage audiovisuel russe. Il est même le premier opérateur de télévisions payantes en Russie grâce à RSCC, son partenaire historique depuis de 20 ans (1994). Il y réalise ainsi environ 100 millions de chiffre d'affaires par an en moyenne. Ce qui fait de la Russie, son deuxième client. En 2012, RSCC et Eutelsat avaient notamment signé un accord par lequel Eutelsat loue de la capacité à RSCC pour exploiter des services de télédiffusion et de services IP. La valeur de ces deux contrats de location s'élève à environ 300 millions d'euros sur une durée de 15 ans, avait communiqué Eutelsat. Puis en juillet 2013, les deux opérateurs avaient étendu cet accord.

Quel lien entre Ioukos et Eutelsat?

Tout comme Arianespace dont le dossier est plus médiatique, Eutelsat fait également partie des victimes collatérales du très sulfureux dossier Ioukos. Pourquoi ? A l'origine de cette affaire, le démantèlement du pétrolier russe Ioukos, qui aurait lésé des actionnaires, dont une société offshore Hulley Enterprises Limited basée à Nicosie (Chypre) et qui a été actionnaire d'Ioukos entre 1999 et 2007, date de son "expropriation" par la Russie. En juillet 2014, cette société obtient du tribunal à La Haye une sentence condamnant la Russie à verser une indemnisation de plus de 40 milliards de dollars en compensation de son "expropriation". Six mois plus tard, le 1er décembre 2014, le Tribunal de grande instance de Paris rend exécutoire cette sentence en France.

Le 3 juin 2015, Hulley en profite pour faire procéder à deux saisies-attributions de créances entre les mains d'Eutelsat et d'Eutelsat Communications rendant impossible le paiement des dettes de l'opérateur européen à RSCC. Une procédure renouvelée le 1er juillet 2015, Hulley estimant cette fois que les actifs saisis de RSCC appartiennent bien à la Russie. Moscou conteste par deux fois ces saisies (8 juin et 8 juillet). Puis le 20 juillet, la société chypriote a fait procéder à une saisie de droits associés et valeurs mobilières. Une nouvelle procédure dénoncée par la Russie. Ces saisies se fondaient sur les sentences arbitrales du 18 juillet 2014, rendues dans le cadre de l'affaire Ioukos, et finalement annulées le 20 avril 2016 par le tribunal de la Haye.

Les actifs saisis n'appartiennent pas à la Russie

Le 15 avril 2016, la roue commence à tourner en faveur de RSCC. Le Tribunal de Grande Instance de Paris a, dans une ordonnance, ordonné la mainlevée des saisies pratiquées par Hulley Enterprises sur les sommes dues par Eutelsat à RSCC dans le cadre de leur coopération commerciale en matière de satellites. Mais la société chypriote fait appel et obtient un sursis à exécution, qui bloque à nouveau le paiement des créances d'Eutelsat envers RSCC.

Finalement, dans son ordonnance du 23 novembre 2016, le Premier président de la Cour d'appel de Paris a considéré que les actifs saisis n'appartenaient pas à la Russie mais à RSCC, une société qui ne saurait être tenue des dettes éventuellement dues par Moscou. Rendez-vous en mai 2017 pour le jugement sur le fond. Mais d'ici là, Eutelsat pourrait peut-être se mettre sous la protection de la France. Paris travaille, selon nos informations, sur une protection des entreprises impliquées dans de telles procédures. Matignon a déjà organisé une réunion fin octobre, un jour après la mise en demeure de la Russie pour la France annule les saisies.

Michel Cabirol

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 13/12/2016 à 8:45
Signaler
Visiblement cette affaire Loukos sent le soufre comme pas mal de sociétés chypriotes, et dire qu'on a dépensé une fortune pour relever ce petit état, on aurait du le laisser plonger avec ses financiers relou, banques offshore etc.

à écrit le 13/12/2016 à 7:13
Signaler
Cela ne ressemble pas à un article de presse, mais a un compte rendu technique. J'aurais apprécié moins de détails inutiles, mais plus de synthèse.

à écrit le 13/12/2016 à 7:03
Signaler
Tribunal de Grande Instance de Paris: quelle blague!

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.