Pourquoi le constructeur ATR est devenu résilient avec un prix du pétrole très bas

Nouveaux records en 2015 pour le constructeur d'avions régionaux turbopropulseurs. ATR a battu son record de livraison (88 appareils) et de chiffre d'affaires (2 milliards de dollars).
Michel Cabirol
ATR écrase à nouveau la concurrence avec 37% de parts sur le marché des avions régionaux de 50 à 90 places, devant les jets de ses concurrents, le canadien Bombardier, le brésilien Embraer ou le japonais MRJ

Avec un prix du baril aussi bas, ATR aurait dû vivre un cauchemar. Cela n'a pas été le cas même si l'incroyable chute du prix du baril de pétrole tout au long de l'année dernière a eu un impact sur les résultats commerciaux et opérationnels de 2015. Petit retour en arrière, en 2003 avec un prix du pétrole équivalent (moins de 30 dollars le baril), le constructeur d'avions régionaux turbopropulseurs ne livre que 9 appareils et surtout n'enregistre que 10 commandes. Pour les deux actionnaires à parité (Airbus et Finmeccanica), la messe est dite. ATR vit ses derniers mois.

Mais l'incroyable se produit. A partir de 2004, la facture de kérosène s'envole et commence à sérieusement peser sur les coûts opérationnels des compagnies. Le pétrole grimpe à New York à 37,66 dollars (43,42 dollars ajusté à l'inflation 2010), puis surtout en 2005, à 50 dollars (55,80 dollars). Dès lors, les commandes de l'avionneur basé à Toulouse s'envolent également. Et ATR, promis à la casse, renait.

La nouvelle résilience d'ATR

En dépit des résultats revus à la baisse, ATR a toutefois réalisé une belle année en 2015 dans un environnement macro-économique difficile. "Cela n'a pas été une année simple", a d'ailleurs convenu le président exécutif d'ATR Patrick de Castelbajac lors d'une conférence sur les résultats de 2015. Tout au long de 2015, l'avionneur a dû voler face à des vents contraires : la chute du prix du baril, la baisse du dollar pour ses clients et les difficultés de la chaine de sous-traitants (supply chain). Mais le résultat est loin d'être décevant.

"Malgré un contexte économique difficile dans des régions historiquement importantes pour nous, nous avons réussi à consolider notre succès commercial, basé sur la versatilité, la fiabilité et le confort des ATR de dernière génération", s'est félicité Patrick de Castelbajac.

L'année dernière, ATR a établi de nouveaux records en termes de livraisons (88 appareils) et donc de chiffre d'affaires (2 milliards de dollars, contre 1,8 milliard en 2014). Pour autant, le constructeur toulousain n'a pas atteint les objectifs qu'il s'était fixé début 2015. Il n'a livré que 88 appareils (au lieu de 95) et n'a obtenu que 76 commandes fermes au lieu des 90 environ espérées. Du coup, son carnet de commandes, amputé par huit annulations, s'est légèrement effrité sur un an, passant de 280 appareils à 260 à fin 2015 (6,6 milliards de dollars, contre 6,8 milliards en 2014). Ce qui toutefois garantit au constructeur trois années de production. On est loin du cauchemar de l'année 2003 où le constructeur était alors très, très proche du clap de fin.

Enfin, ATR écrase à nouveau la concurrence. Il conserve 37% de parts sur le marché des avions régionaux de 50 à 90 places, devant les jets de ses concurrents, le canadien Bombardier, le brésilien Embraer ou le japonais MRJ. Sur le marché des turbopropulseurs, il domine le Q400 de Bombardier avec 77% de parts de marché. Un concurrent qui ne pousse pas ATR dans ses retranchements, le canadien n'ayant pas de projet d'appareils de 90 ou 100 places. Bref, ATR peut être assez relax.

Des ambitions pour 2016

En outre, Patrick de Castelbajac a de belles ambitions pour 2016. ATR vise plus de 90 livraisons et environ 100 prises de commandes en 2016. L'avionneur compte désormais atteindre son rythme de croisière d'une centaine de livraisons par an en 2018 au lieu de cette année. Il a le carnet de commandes pour. D'autant qu'il détient près de 400 options.  L'avionneur régional a un taux de conversion des options très élevé, de l'ordre de 80%. Il a été en baisse l'année dernière. Bref, le constructeur est loin d'être moribond.

Après avoir fait une percée au Japon, "un pays représentant un fort potentiel", au profit d'une filiale de Japan Airlines, Japan Air Commuter, ATR pourrait séduire dès cette année les compagnies de pays nordiques en disposant d'un ATR-42 pouvant atterrir sur des pistes plus courtes. Une compagnie est prête à signer une commande importante si les actionnaires d'ATR lancent cette version, qui nécessite des coûts de développement. ATR pourrait également profiter de la levée des sanctions contre l'Iran, où il pourrait "facilement" vendre 50 appareils, selon Patrick de Castelbajac.

Un avion de 100 place à moyen terme?

2016 est également une année où Patrck de Castelbajac tentera notamment de convaincre Finmeccanica de lancer l'ATRneo. Airbus Group est semble-t-il prêt à donner son feu vert à ce développement de cet avion, qui coûterait plusieurs centaines de millions d'euros. Cet appareil permettrait de réduire la facture kérosène de 15% et les coûts de maintenance de 20%. Ce dernier point semble crucial au moment où ATR travaille actuellement sur le modèle économique d'un tel appareil (business case).

Enfin, ATR évoque à moyen terme le développement d'un avion de 100 places, et non plus de 90 places. Pourquoi un tel appareil? Parce que la densification de la cabine des ATR-72-600 (78 places désormais, voire 80-82), rend le projet d'avion de 90 places moins convaincant.

Michel Cabirol

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Commentaire 1
à écrit le 21/01/2016 à 17:28
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J'ai vu personnellement que ATR a besoin de "speed up" cette type de l'avion (je l'ai pris à plusieurs fois). Pourquoi pas pousser son performance de vitesse vers 0.72m comme A400M.

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