Rapport sur les ventes d'armes : les bizarreries de Jacques Maire sur l'Egypte

Dans le rapport d'information sur le contrôle des exportations d'armements, le député LREM Jacques Maire estime que "les équipements d'envergure acquis par l'Égypte n'ont qu'un lointain rapport avec les besoins pressants d'une armée". Pourtant, Le Caire, qui est revenu sur les marchés financiers, est confronté à plusieurs préoccupations de sécurité légitimes.
Michel Cabirol
Les relations compliquées entre l’Égypte et la France depuis la visite d'Emmanuel Macron au Caire en janvier 2019
Les relations compliquées entre l’Égypte et la France depuis la visite d'Emmanuel Macron au Caire en janvier 2019 (Crédits : Philippe Wojazer)

"Des échanges et de la mission effectuée en Égypte, votre rapporteur garde le sentiment que les équipements d'envergure acquis par l'Égypte n'ont qu'un lointain rapport avec les besoins pressants d'une armée dont la vocation est la défense du territoire national", a estimé à l'issue d'un déplacement de la mission en Égypte Jacques Maire, le co-rapporteur d'un rapport d'information sur le contrôle des exportations d'armement. Cet ancien diplomate évoquait entre autre les achats auprès d'industriels français d'avions de combat Rafale, de corvettes Gowind, de frégate FREMM et de BPC. Au-delà, "de nombreux pays de l'Union européenne exportent vers l'Égypte, comme la Belgique, l'Italie, la République tchèque ou l'Allemagne,qui a vendu des sous-marins à l'Égypte", a rappelé Jacques Maire.

Et pourtant, l'Égypte, qui se voit comme une puissance qui compte en Méditerranée et la grande puissance arabe, a de très nombreuses préoccupations de sécurité légitimes : risque terroriste très élevé, forte instabilité de son voisin libyen, situation compliquée au Sinaï et relations dégradées avec la Turquie, qui soutient les Frères musulmans et qui a des visées sur les ressources gazières offshore en Méditerranée orientale. Dans ce cadre, elle a opéré un net rapprochement stratégique avec la Grèce et Chypre, notamment au moyen de ses nouvelles capacités navales. Ainsi, le Caire a déployé début 2020 une frégate et un sous-marin en soutien d'une opération de recherche pétrolière et s'est attachée à en faire la publicité. Enfin, l'Égypte est très concernée par la construction du méga-barrage hydroélectrique que construit l'Éthiopie. Le Caire dépend à plus de 90% du Nil pour ses besoins en eau. D'où sa colère conjointe avec le Soudan.

L'Égypte, un pays qui assainit ses finances publiques

Jacques Maire a également assuré que ces achats posaient également "question sur le plan de la solvabilité de l'État client, alors que le huitième critère de la Position commune de 2008 prévoit que les exportations de matériels militaires doivent être compatibles avec la capacité économique du pays destinataire". Pourtant, la direction générale du Trésor a indiqué en décembre 2019 que l'Égypte, en quasi situation de défaut de paiement à l'été 2016, a procédé à "un assainissement conséquent de ses finances publiques via des mesures de consolidation budgétaire". En outre, en matière énergétique, elle est devenue exportatrice nette d'hydrocarbures en 2019 à la suite de l'entrée en activité du champ gazier Zohr notamment.

Cet ancien conseiller diplomatique, chargé des affaires européennes, auprès du Premier ministre Pierre Bérégovoy a expliqué dans le rapport d'information que "l'Égypte n'a pas accès aux financements internationaux du fait de sa très grande fragilité financière". Or, la direction générale du Trésor a indiqué fin 2019 le retour de l'Égypte sur les marchés financiers internationaux. Et selon le Trésor, "l'ajustement conjoncturel engagé par l'Egypte a permis de restaurer sa crédibilité sur les marchés financiers" : 17 milliards de dollars et 4 milliards d'euros ont été levés sur les marchés internationaux depuis janvier 2017 pour couvrir une partie de ses besoins de financement. Les investisseurs étrangers de portefeuille sont également revenus en Égypte (12 milliards de dollars en 2017/18). Les principales agences de notation ont quant à elles relevé la note souveraine de l'Égypte qui s'établit désormais à B2 "stable" pour Moody's ; B "stable" pour S&P ; B+ "stable" pour Fitch et B+/B "stable" pour Capital Intelligence.

"Dans un environnement mondial momentanément plombé par la situation sanitaire dans de nombreux pays,l'Égypte tire particulièrement bien son épingle du jeu. C'est ainsi sans surprise que le FMI et la Banque Mondiale viennent, conjointement, de revoir à la hausse leurs prévisions économiques pour le pays. De fait, la bonne gestion sanitaire de la crise a participé à contenir la baisse d'activité prévue au deuxième trimestre 2020 permettant une croissance de +3,5% sur l'année fiscale 2019/2020 selon le FMI", a écrit en octobre 2020 Michel Oldenburgh, chef du Service économique du Trésor.

L'Égypte, un pays dans le collimateur des ONG

Jacques Maire rappelle que les exportations d'armement françaises vers l'Egypte, notamment les matériels servant au ministère de l'Intérieur, font l'objet d'une mise en cause par les ONG. Ce qui est parfaitement exact. Pour autant, le rapport apporte lui-même une réponse : "l'analyse fine des prises de position des ONG, sur une base factuelle et sans préjugé, révèle une réalité : la France est bien plus souvent ciblée que ses partenaires par les critiques des ONG, sans que sa part dans les exportations ne le justifie".

Ce qui n'empêche pas Jacques Maire de conclure concernant l'Égypte : "la capacité à honorer nos engagements et à maintenir notre partenariat dans le futur pourrait dépendre du débat politique dans notre pays et de sa prise en compte par l'exécutif". Et de rappeler la la conférence de presse conjointe entre les chefs d'État français et égyptien le 28 janvier 2019 pendant laquelle Emmanuel Macron avait évoqué le respect des droits de l'Homme en Égypte. Une maladresse qui a coûté des milliards à la France : l'Égypte qui n'a pas conclu de nouveaux contrats avec la France, en a signé avec l'Italie et l'Allemagne.

Michel Cabirol

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Commentaires 3
à écrit le 19/11/2020 à 9:44
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Et au nom de quoi déciderions-nous de ce que l'Egypte "doit" et "peut" acheter ? Ah c'est d'accord pour une corvette - mais pas une frégate. Ok pour un hélicoptère moyen - mais celui-là il est un peu gros. Hein, pardon, l'industriel s'est donn...

à écrit le 18/11/2020 à 12:59
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L’Egypte est une dictature militaire qui emprisonne les opposants et militants des droits de l’homme, sous couvert d’appartenance aux Frères Musulmans. La grande majorité de la population est pauvre, voire extrêmement pauvre. Et nous leur vendons de...

à écrit le 18/11/2020 à 8:27
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Ils sont habitués à nous mentir abondamment nos LREM, visiblement ils ne savent faire que cela mais bon, dans le domaine de la vente d'armes ce ne sont pas les premiers et ne seront pas les derniers, difficile de lui imputer quoi que ce soit de ce fa...

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