Il était une fois la révolution de Thales en Amérique Latine

Thales veut doubler de taille à l'horizon 2019 en Amérique Latine. Le groupe d'électronique privilégie les transferts de technologies pour gagner des parts de marchés.
Thales a une bonne marge de progression en Amérique Latine. C'est ce que semble indiquer le directeur général Patrice Caine (photo d'archive)

Caramba... Thales a décidé de passer la vitesse supérieure en Amérique Latine. Dirigé par Patrice Caine, le groupe d'électronique veut doubler en cinq ans son chiffre d'affaires, qui atteint actuellement entre 400 et 500 millions d'euros dans une région clé pour ses objectifs de croissance de Thales. Notamment au Mexique et au Brésil où Thales a installé son QG régional. Recruté en octobre dernier, le nouveau patron de la zone Amérique latine, Ruben Lazo, notamment passé par Areva (2007-2011), a présenté en décembre à Paris son plan stratégique pour développer la région dans le cadre du programme Ambition 10, qui prévoit une hausse du chiffre d'affaires de 10 milliards en 10 ans.

"En 2019, nous aurons doublé de taille en Amérique Latine", a assuré le patron de la zone  lors du salon de défense et de sécurité LAAD 2015 à Rio de Janeiro. D'ailleurs, Thales enregistre une "forte croissance depuis cinq ans", a-t-il constaté. Il n'a pas souhaité chiffrer cette hausse. Mais il veut mettre l'accent sur "des business récurrents qu'il faut renforcer", a-t-il expliqué. A l'image de ce que fait Thales avec la maintenance de 120 radars de gestion du trafic aérien et de nombreux autres systèmes d'aide à la navigation (NAVAIDS) sur le territoire brésilien, que le groupe, via Omnisys, sa filiale brésilienne détenue à 100%, a installé.

Des marchés à conquérir

Fin 2014, Ruben Lazo disposait déjà d'un carnet de commandes de 18 mois environ, soit environ 700 millions d'euros, selon nos informations. Pour le patron de la zone Amérique latine, le marché aussi bien dans la défense que dans le civil est significatif. Le marché de la défense représente entre 60 et 70 milliards de dollars par an en Amérique latine, a-t-il estimé, même si le Brésil coupe actuellement de 30% dans ses dépenses militaires. Pour autant, LAAD dont l'édition 2015 a fermé ses portes vendredi, grossit et se professionnalise d'année en année. Plus de 700 exposants nationaux et internationaux, venus de plus de 70 pays, étaient présents la semaine dernière à Rio. Surtout le Brésil représente plus de 41% des investissements militaires de la région.

Dans le civil, le marché des infrastructures est évalué à 100 milliards de dollars en 2014. Selon Ruben Lazo, "les besoins en infrastructures devraient tripler dans les dix ans à venir". Bref, Thales a de quoi faire à condition de s'adapter quelque peu à certaines  spécificités des marchés sud-américains. Et le groupe a commencé à défricher de nouveaux pays, comme la Colombie, le Chili, l'Equateur et la Bolivie. "C'est un nouveau front pour Thales", a fait valoir Ruben Lazo. Thales compte sur le Brésil, qui partage ses frontières terrestres avec 10 pays, comme plate-forme d'exportations.

Trouver l'équilibre entre civil et militaire

"Nous n'avons pas encore trouvé le bon équilibre entre activités civiles et militaires dans les pays de cette région, a estimé le vice-président Amérique latine. Chaque pays achète soit du matériel civil, soit des équipements militaires mais très peu des deux à la fois. Il faut donc trouver un équilibre entre civil et militaire dans chaque pays. C'est pour cela que nous avons effectué une revue de portefeuille". Par exemple, le Mexique achète à Thales 100% des matériels civils, notamment dans la sécurité - 7.000 nouvelles caméras à installer dans Mexico, qui en aura à terme 15.000 dans le cadre du programme Ciudad Segura -, tandis que la Colombie s'équipe avec le groupe tricolore principalement dans le domaine militaire.

Le groupe d'électronique, dont le chiffre d'affaires dans la région se partage à 50-50 entre le civil et le militaire, compte développer les ventes des produits, qui sont les plus adaptés à ces marchés spécifiques. Au salon de défense et de sécurité LAAD 2015, qui a fermé ses portes vendredi à Rio de Janeiro, Thales présentait 80 produits, contre seulement une quarantaine en 2013 sur un total de 5.000 produits maison environ.

Ainsi, Ruben Lazo compte s'appuyer sur quelques produits clés dans le portefeuille de Thales pour booster les ventes du groupe d'électronique en Amérique latine. "Ce sont les produits les plus adaptés aux marchés brésilien et d'Amérique Latine", a-t-il martelé. C'est bien sûr le cas des satellites télécoms et d'observation même si la plupart des projets de la région dérapent dans le temps, mais aussi des sonars, des radars, notamment les radars multifonctions GM 400, des caméras de surveillance et thermique, y compris la célèbre Sophie. D'une manière générale, Thales va se concentrer sur les programmes de surveillance de frontières, de l'Air Traffic Management (gestion de l'espace aérien), des aéroports, des transports ferroviaires, de la sécurité urbaine...

Le transfert de technologies comme Cheval de Troie

Pour pénétrer et s'implanter durablement en Amérique Latine, Thales a donc privilégié le transfert de technologies pour gagner des contrats. "La stratégie de Thales en matière de transferts de technologies est d'établir une base industrielle locale et de développer des partenariats locaux conformément à la politique d'investissements brésilienne", a souligné Ruben Lazo. C'est notamment le cas avec le satellite de télécoms duales SGDC que le groupe a remporté en 2013 auprès de Visiona, société conjointe entre Embraer et Telebras.

"Toute notre action est de permettre à l'industrie spatiale brésilienne de fabriquer son propre satellite d'orbite basse dans trois à cinq ans", a expliqué le patron de Thales Alenia Space (TAS) au Brésil, Joël Chenet. Dans ce cadre, le programme SGDC "se déroule bien", a-t-il observé. Et de préciser qu'il "existe une très bonne relation entre le client brésilien qui est satisfait du transfert de technologies". En outre, TAS se dit conforme avec tous ses engagements de planning de livraison au sol en 31 mois. Notamment la filiale de Thales et de Finmeccanica a passé l'étape critique dite CDR (Critical design review) avec succès en décembre 2014.

Après avoir signé en 2013 un protocole d'accord (MOU) avec l'Agence spatiale brésilienne (AEB) pour être le partenaire du développement spatial au Brésil, TAS a paraphé le 10 mars avec l'AEB, l'accord de transfert de technologies (ToT), qui précise les grandes lignes de l'accord définitif, les sujets retenus et le calendrier. La société a également mis en place un Transfert de Connaissance sous forme de "Space Academy". Par exemple, TAS s'est engagé à former 40 ingénieurs brésiliens à Cannes et à Toulouse dans le cadre du programme d'absorption technologique lié au contrat SGDC.

En outre, TAS et Omnisys ont inauguré en mars le "Centro Tecnologico Espacial" dans le parc technologique de San José Dos Campos, près de São Paolo. Il a pour vocation dans un premier temps de développer des partenariats technologiques avec les sociétés locales brésiliennes qui composent le tissu industriel spatial brésilien. D'ailleurs, TAS, l'AEB et la Société locale brésilienne ont signé un contrat tripartite, qui permettra de décliner rapidement à la demande les contrats de ToT.

De nouveaux transferts de technologies en préparation

Il y a donc le contrat SGDC. Mais pas que. Car Thales a d'autres projets en matière de  transferts de technologies. Notamment dans les sonars. "L'objectif est de développer la  production de sonars au Brésil pour les sous-marins de la marine brésilienne, a expliqué Ruben Lazo. Nous voulons localiser la technologie. C'est la démonstration de la volonté de Thales de transférer les technologies comme le gouvernement brésilien le souhaite". En 2012, Thales avait également un projet de délocalisation de radars. Omnisys, qui fabrique également des radars, a déjà exporté 12 radars du Brésil vers l'Amérique latine, l'Europe et l'Asie. Depuis 2001, Thales a investi environ 120 millions d'euros dans le transfert de technologie pour produire 30 radars ATM par Omnisys à Sao Bernardo de Campo.

C'est le cas également avec le programme Sotas. L'armée brésilienne a attribué en février 2014 plusieurs contrats à Thales portant sur la livraison de systèmes de communication inter-véhicules Sotas pour divers programmes tels que le nouveau véhicule Guarani et les programmes de modernisation des véhicules Cascavel, M113 et Urutu. Les systèmes ont été livrés en 2014. Le contrat prévoyait également un transfert de maintenance aux utilisateurs finaux.

Des campagnes en cours

Thales est engagé dans plusieurs campagnes importantes en Amérique Latine. C'est le cas pour les satellites d'observation même si les programmes sont décalés dans le temps.  Mais TAS compte beaucoup sur deux nouveaux produits - Earth-Observer Optical (optique) et Earth-Observer Sar (radar à synthèse d'ouverture) - pour s'imposer en Amérique Latine, notamment au Chili, Colombie et Bolivie. Pour s'adapter à ce marché, TAS a conçu Earth-Observer Optical, qui vise un niveau de performances intermédiaire par rapport à l'offre sur la très haute résolution de TAS.

Le groupe est également engagé dans des négociations exclusives en Bolivie pour signer un contrat d'environ 200 millions d'euros. La Paz a choisi sur décision présidentielle le groupe tricolore en vue de s'équiper d'un système de contrôle et de surveillance aérien civil et militaire (ATM) équipé de dix radars. Un système qui sécurisera le ciel bolivien et luttera contre les narco-trafiquants. Une annonce est attendue cette année pour un contrat signé début 2016. En outre le groupe vise un programme de ticketing au Mexique.

Enfin, lors de LAAD 2015, Thales a signé un accord de partenariat avec le chantier naval colombien Cotecmar. Objectif de Thales, vendre des équipements à la marine colombienne, via le chantier naval : combat systems (Tacticos de Thales Nederland), command-and-control systems, information systems, radars et sonars. L'accord couvre également des possibles transferts de technologies, la création de sociétés communes et une aide à l'exportation en Amérique Latine à partir de la Colombie.

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Commentaires 3
à écrit le 20/04/2015 à 14:57
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son QG pas sont QG... attention à l'orthographe !

à écrit le 20/04/2015 à 14:12
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Encore une RP à prendre avec beaucoup de précaution. Les économies des pays de l'Amérique latine (et c'est La Tribune qui le dit) sont au ralenti et les investissements étrangers (notamment européens et nord-américains) se font rares. Dans cet "Eldor...

à écrit le 20/04/2015 à 11:00
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ca fait beaucoup de transfert tout cela... en espérant que le chiffre d'affaire d'aujourd'hui ne vampirise pas celui de demain...

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