Un fonds activiste actionnaire de Safran juge le rachat de Zodiac "surpayé"

Le fonds activiste TCI (The Children Investment Fund) a demandé mardi à l'Autorité des marchés financiers (AMF) d'intervenir dans le projet de fusion entre Safran et Zodiac Aerospace et réclamé un vote des actionnaires de Safran sur ce projet avant le lancement de toute OPA.
Fabrice Gliszczynski

La valorisation de Zodiac par Safran dans son projet d'OPA puis de fusion est trop élevée. C'est ce qu'estime le fonds activiste TCI (The Children Investment Fund), actionnaire d'environ 4% du capital de Safran. Dans un courrier adressé à Ross McInnes, président du conseil d'administration de Safran, TCI estime que Safran "surpaye significativement" Zodiac Aerospace en proposant 29,47 euros par action Zodiac, alors qu'il considère la juste valeur de Zodiac à environ 20 euros par action. Soit un peu moins que le cours de Bourse de Zodiac la veille de l'annonce des négociations exclusives entre Safran et Zodiac le 19 janvier. Cette offre représente une prime de 26,4% par rapport au cours de Bourse du 18 janvier (plus de 23 euros). Pour rappel, l'action Zodiac, qui culminait à plus de 35 euros en mars 2015, a plongé lorsque les déboires industriels ont éclaté au jour pour atteindre 14 euros en février 2016, avant de remonter au-dessus de 20 euros avec les premiers effets des mesures de redressement. Dans son histoire, le cours de Zodiac n'a dépassé le seuil de 30 euros que pendant 5 mois. Le prix proposé par Safran tient compte du plan de redressement de Zodiac.

Demande à l'AMF de défendre les intérêts des minoritaires

Dans un autre courrier adressé à l'AMF, TCI a aussi demandé à l'Autorité des marchés financiers d'intervenir dans le dossier pour défendre les intérêts des actionnaires minoritaires. TCI souligne que le lancement de l'offre de Safran sur Zodiac Aerospace avant la consultation des actionnaires serait "une violation" de la réglementation française.

"Il nous semble que le dépôt d'une offre publique d'acquisition avant un vote des actionnaires de Safran sur le projet de fusion constituerait une violation des droits des actionnaires de Safran et une violation des principes d'égalité de traitement et d'égal accès à l'information des actionnaires de Zodiac Aerospace", écrit TCI qui dit être actionnaire des deux groupes français, dans ces courriers disponibles sur son site internet.

 "Nous craignons que le conseil d'administration de Safran ne décide de lancer l'offre publique avant toute consultation des actionnaires de Safran", poursuit le fonds activiste.

Safran s'est refusé à tout commentaire mardi soir tandis que l'AMF n'a pas fait de commentaire dans l'immédiat. Selon certaines sources, une consultation des actionnaires avant le lancement d'une OPA n'est pas obligatoire en France.

Un montage complexe mais nécessaire

Le mois dernier, Safran a annoncé un accord pour racheter Zodiac Aerospace dans le cadre d'une transaction évaluée globalement à 9,7 milliards d'euros, marquant ainsi une nouvelle étape de la consolidation du secteur trois mois après une méga-fusion aux Etats-Unis.

Dans le cadre de la transaction, qui doit donner naissance au troisième équipementier aéronautique mondial, le motoriste a prévu de lancer une OPA amicale à 29,47 euros par action Zodiac, puis, dans un second temps (et à condition que l'OPA ait réussi), une fusion pour les actionnaires de Zodiac qui n'auront pas participé à l'OPA, afin de leur permettre de transformer leurs actions Zodiac en actions Safran, selon des parités d'échanges « cohérentes » avec le prix de l'OPA. Autrement dit, Safran propose deux offres différentes pour les actionnaires de Zodiac, l'une en cash (l'OPA), l'autre en échange d'actions (la fusion), sachant que la première doit réussir pour déclencher la seconde. Si un nombre important d'actionnaires de Zodiac ne souscrit pas à l'offre publique d'achat, le deal capotera.

Un schéma d'acquisition pour les familles actionnaires de Zodiac

Ce montage complexe a été imaginé pour convaincre les actionnaires de référence que sont les familles fondatrices de l'entreprise (Domange, Maréchal, Desanges, Schelder..), et les actionnaires institutionnels (FFP et le fonds stratégique de Participations). Ces derniers ne veulent pas en effet vendre leurs parts, mais préfèrent au contraire les échanger contre des actions Safran, tout en conservant leurs droits de votes doubles chez Safran. Ils ne participeront donc pas l'OPA.

Vu leur poids (32% du capital et 45% des droits de vote de Zodiac), une OPA sur l'ensemble des titres était donc impossible. Une offre publique d'échange (OPE) n'était pas non plus envisageable car, juridiquement, elle ne permettait pas aux actionnaires de référence de conserver leur droit de votes doubles dans Safran. La structure de cette offre était donc la seule possible pour aboutir au rapprochement des deux entreprises.

Selon des experts et des sources impliquées dans les négociations, ce montage est destiné à préserver les avantages fiscaux des actionnaires familiaux de Zodiac. Dans son courrier à l'AMF, TCI rappelle d'ailleurs que les actionnaires familiaux de Zodiac bénéficient des avantages fiscaux du dispositif dit "pacte Dutreil".

Fabrice Gliszczynski

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