L'exportation française, indispensable à la souveraineté nationale, est rendu difficile aujourd'hui par l'existence de règles très contraignantes ou des problèmes de financement. Comment le politique peut-il aider ? La création d'un marché européen et d'une base de défense européenne peut-elle être une solution ? Fournir l'ensemble du spectre de matériel militaire est une des marques de fabrique de la France, souligne Thierry Carlier, directeur du développement international à la Direction générale de l'armement. Et exporter, c'est la manifestation d'une volonté politique et l'expression d'une politique étrangère.
C'est aussi le moyen de garder les compétences et une industrie dans le pays. Un point de vue rejoint par Philippe Keryer, directeur général chez Thales. L'exportation permet notamment de lisser les cadences et de rentabiliser l'innovation, dit-il, tout en maintenant en France de l'emploi qualifié. Pour Alexandre Ziegler, directeur groupe international et relations institutionnelles chez Safran, il est indispensable de trouver des clients à l'étranger en l'absence de préférence européenne. Si on prend le cas du F-35 américain, il a été déjà produit à 500 exemplaires depuis 2015, et les États-Unis en ont commandé 2000. La Chine produit quant à elle tous les trois ans l'équivalent de la flotte française... Les moyens de la France sont donc sans commune mesure avec la concurrence essentiellement américaine et russe.
Soutien de l'État à l'exportation
Le sénateur Cédric Perrin a de son côté insisté sur la nécessité de l'exportation pour garantir la pérennité de la BITD, indispensable à l'autonomie stratégique. Le marché français seul est trop limité pour garantir les 200.000 emplois indirects de la filière. Mais le politique et le législateur doivent accompagner les industriels : si ce sont eux qui gagnent les contrats, ils ont besoin du soutien de toutes les institutions, que ce soit dans les ambassades et au Parlement, grâce notamment aux missions parlementaires bilatérales. Pour ce faire, la question de la confiance mutuelle est indispensable. Il faut par ailleurs que la question de l'exportation soit dissociée de celle de politique intérieure, à l'inverse de ce qui se produit souvent en Allemagne, souligne Cédric Perrin.
Il ne peut par ailleurs pas y avoir d'exportation sans un financement organisé. Les intervenants déplorent la frilosité des banques à aider les entreprises de défense : des questions éthiques, mais également de sur-conformité (over-compliance) empêchent beaucoup d'entreprises de la filière, principalement des PME et de ETI, d'accéder au crédit. Le plan de relance consécutif à la crise du COVID-19 pallie en partie à ses problèmes, notamment aussi grâce à l'existence ou la création de nouveaux fonds d'investissements pour soutenir la filière.
Comment vaincre une concurrence très agressive
Mais, comme le souligne Alexandre Ziegler, le premier problème à régler pour aider l'exportation est celui du déplacement : la quasi-absence de vols internationaux empêche les industriels français de se rendre actuellement à l'étranger pour vendre leurs produits. Il est impératif, de façon très pragmatique, de pouvoir de nouveau voyager pour ne pas se faire distancer par la concurrence.
Pour affronter cette concurrence, il faut aussi s'y préparer. De ce point de vue, les lois d'extraterritorialité américaines par exemple doivent être contrées, explique le sénateur Cédric Perrin. Il faut également prendre en compte dès la conception des programmes des règles ITAR ou des nouveaux règlements américains sur les biens à double usage, et réduire la dépendance résiduelle, explique Thierry Carlier. S'il est irréaliste de vouloir sorti totalement de la dépendance américaine, il faut néanmoins prendre en considération que l'Europe est un des marchés les plus ouverts du monde. Philippe Keryer insiste également sur quelques beaux exemples industriels qui existent, permettant de créer en France des filières, dans l'infrarouge ou les composants de puissance.
L'Europe est-elle la solution pour la France
Finalement, le renforcement de cette base industrielle ne peut-elle se faire que dans le cadre de l'Europe ? Les intervenants sont optimistes sur le développement des programmes européens de défense. Si l'OTAN est encore aujourd'hui trop souvent une chambre des ventes américaines, le lancement du SCAF ou de l'Eurodrone montre une volonté conjointe des Européens, notamment des Allemands, pour faire des développements ensemble, ce qui permettra notamment de mettre en place des règles communes, et peut-être d'aller vers une vraie autonomie stratégique.
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