Quand ArianeGroup désorbite Arianespace

Selon des sources concordantes, une trentaine de personnes sur un effectif total de 290/295 salariés vont quitter Arianespace en 2017 sans plan social. Des recrutements sont prévus pour en compenser une partie.
Michel Cabirol
La nouvelle organisation industrielle dans les lanceurs a réduit le périmètre et la responsabilité d'Arianespace, et par conséquent, sa charge de travail.

Une page se tourne vraiment chez Arianespace. L'arrivée d'ArianeGroup en tant que maison mère (74%), le changement de périmètre industriel de certaines activités au profit d'Avio (lanceur Vega) et les optimisations de l'organisation (plan de réduction des coûts) vont entraîner cette année une vague de départs historique au sein des personnels pourtant jusqu'ici plutôt fidèles. "Le corps social d'Arianespace traverse une période compliquée", explique-t-on en interne à La Tribune.

Ainsi, selon des sources concordantes, une trentaine de personnes sur un effectif total de 290/295 salariés vont quitter Arianespace en 2017 sans plan social. Soit un peu de plus de 10% de la masse salariale de l'entreprise ce qui représente une dizaine de départs de plus qu'en 2016. "La situation reste sous contrôle", assure-t-on toutefois en interne. Au plus fort de l'activité, Arianespace a connu un pic dans ses effectifs (325/327) à la fin des années 2000 et au début des années 2010 avec l'arrivée des lanceurs russe Soyuz et italien Vega au Centre spatial guyanais (CSG).

Des départs en partie compensés

Parmi tous les départs, deux salariés d'Arianespace, dont un il y a plus d'un an (patron du bureau de Washington), ont rejoint un futur concurrent d'Ariane 6, le projet Blue Origin du patron d'Amazon, Jeff Bezos. Enfin, après avoir quitté la société européenne pour un cabinet de conseil en 2015, un ancien juriste d'Arianespace a également été recruté par Blue Origin. A l'inverse, la société européenne a recruté une commerciale de SpaceX. D'une façon générale, la plupart des personnes, qui ont quitté Arianespace, ont rejoint essentiellement ArianeGroup, notamment pour travailler sur Ariane 6 ; d'autres sont parties vers l'industrie satellitaire, le CNES ou encore l'Agence spatiale européenne (ESA).

Pour autant, ces départs devraient en partie être compensés par des recrutements, notamment liés au mégacontrat OneWeb (une dizaine de personnes) et la montée en puissance d'Ariane 6. Il y aurait près d'une vingtaine de postes ouverts environ pour faire face à un prochain accroissement de la charge de travail. Au niveau de l'organisation, Luce Fabreguettes a été préférée à Louis Laurent (ex-directeur du développement et de l'exploitation devenu conseiller du PDG, Stéphane Israël) pour le poste de directrice exécutive en charge des missions, des opérations et des achats. Elle a la confiance de Stéphane Israël, qui partage son temps entre ses nouvelles fonctions chez ArianeGroup, en tant que directeur des programmes de lanceurs civils, dont Ariane 6; et son poste de PDG d'Arianespace.

Pourquoi ces départs ?

Plusieurs raisons expliquent ces nombreux départs, dont notamment le changement d'une époque avec l'arrivée d'ArianeGroup. "Symboliquement, il y a une perte de pouvoir chez Arianespace", notamment au niveau des responsabilités de chacun au sein de l'entreprise, souligne-t-on en interne. Cette "crainte" a poussé des salariés à démissionner pour changer d'air alors qu'ils étaient jusqu'ici habitués à une certaine liberté qu'offrait Arianespace, PME de 300 personnes ayant une audience internationale. Une "liberté" désormais beaucoup plus encadrée par ArianeGroup. D'autres ont préféré jeter l'éponge en faisant valoir leur droit à la retraite, la pyramide des âges d'Arianespace étant relativement haute en raison de cette fameuse fidélité des salariés.

Par ailleurs, la nouvelle organisation industrielle de la filière lanceurs a réduit le périmètre et la responsabilité d'Arianespace, et par conséquent, sa charge de travail. Ce transfert s'est opéré en faveur des opérateurs industriels l'italien Avio et ArianeGroup. C'est déjà vrai pour le lanceur Vega, dont Avio est désormais responsable jusqu'à H0 c'est-à-dire jusqu'au moment du décollage. Le premier lancement dans cette configuration est prévu début novembre. Ce sera bientôt aussi vrai pour les lanceurs Ariane. En conséquence, les doublons apparus dans cette nouvelle organisation entre Arianespace et les maîtres d'oeuvre (ArianeGroup et Avio) sont en passe d'être supprimés.

Cette verticalisation des tâches industrielles a conduit à une redistribution des rôles, Arianespace étant recentrée sur la seule commercialisation des lanceurs européens. "C'est un changement d'orientation stratégique d'Arianespace. On le sait", décrypte-t-on en interne. Jusqu'où ira ce changement stratégique ? "Il est essentiel qu'Arianespace conserve son identité, ce qui ne peut que rendre service à la filière lanceurs", estime-t-on. Aussi, un déménagement d'Arianespace vers les Mureaux ne serait "pas judicieux". A suivre...

Michel Cabirol

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