Matériel de cuisine : le secret bien gardé de la pâte en porcelaine Revol

Depuis 1789, l'entreprise familiale des Revol demeure l'un des plus beaux fleurons français de la porcelaine culinaire. Les crises, politiques ou historiques, lui ont fait accomplir des sauts technologiques salvateurs.
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Si le premier atelier avait été créé au village voisin de Ponsas en 1789, la première usine est sortie de terre en 1800 à Saint-Uze, dans la Drôme. Des platanes, des cèdres plus que bicentenaires encadrent des bâtiments de la même époque enchâssés dans le puzzle des ateliers et des hangars de stockage de céramique qui s'y sont adjoints progressivement. La porcelaine culinaire fabriquée par Revol a résisté au temps. Dans la seconde fabrique, à l'autre extrémité du bourg, sont préparées les pâtes à partir des kaolin, quartz, felspath et argile désormais importés qui sont destinées à élaborer les cinq millions de pièces sortant des fours chaque année.

Le matériau unique, la pâte dont Revol - le seul en France - a conservé la recette pour l'élaborer à demeure a néanmoins évolué pour répondre à des contraintes multiples ; l'entreprise familiale a traversé la Révolution, des guerres, des déboires techniques et économiques... La pérennité semble avoir été très tôt l'ambition de la famille Revol pour sa manufacture des porcelaines à feu. Pour cela, les générations successives de patrons et d'ouvriers ont du s'adapter. Olivier Passot, qui dirige l'entreprise depuis juin 2007 (la dix-septième génération d'une famille qui fait remonter ses racines à Jean-Baptiste Revol (1702-1757), le patriarche faïencier installé à Lyon), l'affirme : « Cette pâte est l'ADN de notre histoire qui s'inscrit dans le long terme. » Le jeune PDG a le sentiment d'être le « maillon d'une épopée industrielle » qui l'aiguillonne pour réussir. Il a d'ailleurs pour objectif naturel de « développer l'entreprise et la transmettre... J'en rêve en songeant à mes quatre enfants ». L'aîné n'a aujourd'hui que 9 ans...

La transmission de ce patrimoine et de ce savoir-faire devrait aussi se concrétiser avec l'ouverture d'un musée Revol. Le précédent dirigeant, Bertrand Passot, le souhaitait, son fils tient au projet.

En ces lieux où la poussière de porcelaine blanchit le sol et les murs, près de 200 personnes travaillent encore aujourd'hui. Déjà, de 1835 jusqu'à la fin du XIXe siècle, la fabrique faisait travailler 200 personnes dont 40 femmes et 25 enfants. Des générations d'ouvriers et de contremaîtres s'y sont succédé. Chez Revol, on y entrait adolescent et en partait à l'heure de la retraite. Jeannette Garcia, postée au coulage et démoulage (quarante-cinq ans de maison et à moins d'un an du départ), est une représentante de cette culture de l'entreprise : « Mes parents et mes deux frères ont travaillé ici. » Ses mains, son corps répètent, vigilants, les gestes qui respectent la matière.

Aujourd'hui cependant, la fidélisation des salariés n'est plus aussi évidente. « Nous allons veiller à mieux accueillir et faire évoluer les jeunes de façon à pouvoir pérenniser nos savoir-faire, souligne Olivier Passot. Notre philosophie de la continuité s'appuie sur le respect de l'homme, de la parole donnée et de la qualité. » Des valeurs qui ont permis à l'entreprise d'entrer dans le club très fermé des Hénokiens (1). Si Olivier Passot se nourrit de l'histoire familiale, il met bien en perspective les événements : « La grève de 1903, qui a marqué la famille, a été une véritable remise en question ; c'est alors qu'a été inventée une nouvelle technique, le coulage, automatisée depuis. Les crises ont le mérite de nous pousser à innover. » La fabrique produisait des céramiques utilitaires au XIXe siècle, des flaconnages au début du XXe siècle ; en 2010, Revol a vendu ses produits dans 74 pays et lancé une ligne design « Bistro&co » d'ustensiles qui passent du four à la table, élaborée avec Anne-Sophie Pic ; en mai 2011, est commercialisée la dernière collection, « Revolution ».

Deux ans de recherche en interne ont été nécessaires pour mettre au point une nouvelle porcelaine s'adaptant à tous les modes de cuisson, dont l'induction, et passant du congélateur au micro-ondes - la seule de ce type sur le marché. La légèreté des produits, l'élégance de leur design et l'assurance d'une cuisine saine ne sont pas les moindres atouts de cette ligne sur laquelle Revol fonde de grands espoirs. Un rebond était en effet indispensable après les difficiles années 2000. La loi Evin a fait perdre à l'entreprise des marchés d'objets publicitaires pour des marques d'alcool ou de tabac, clients privilégiés de la maison depuis des décennies. La levée des quotas et l'arrivée massive d'ustensiles de cuisine chinois lui a porté un nouveau coup. « Le chiffre d'affaires des produits classiques et de la collection générale a été divisé par trois », précise Olivier Passot. Revol a déployé « une énergie considérable pour lutter contre cette invasion », las ! La PME s'est donc concentrée sur des niches : les grands hôtels (55 % de l'activité) et les grands magasins, tissant des relations privilégiées avec les chefs de cuisine et fabriquant des produits sur mesure pour des grandes marques - des gobelets froissés pour McDonald's, par exemple. La maison se met en avant peu à peu comme fabricant, concepteur et designer. « Nous voulons parler directement au consommateur final », assure Olivier Passot qui se tourne avec prudence vers les réseaux sociaux sur Internet. Une nouvelle « Revolution » ?

(1) Cercle international d'entreprises familiales bicentenaires créé en 1981 ?qui rassemble 40 sociétés cooptées ?en Europe et au Japon.

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