Luxe : d'où vient cette course folle ?

Au premier trimestre 2012, les ventes de PPR ont bondi. Ses marques de luxe affichent des scores époustouflants, dont 33 % pour Yves Saint-Laurent. Gucci progresse de 18 % en Chine. Le groupe français est au diapason de ses concurrents, LVMH et Burberry. Notamment grâce aux millionnaires chinois. Mais le marché chinois oblige maintenant à la prudence.
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Yves Saint-Laurent vient de lancer une paire de Sneakers en cuir. Prix de ce modèle imprimé léopard à semelle de gomme : 595 euros. Demain jeudi, Burberry fait une fête monstre à Taipei (Taiwan) dans un nouveau megastore de 1.000 m², le plus grand de ses magasins en Asie. Le 2 juillet, Louis Vuitton installera son atelier de joaillerie à Paris, au-dessus de la première boutique du genre au monde. Ce sera place Vendôme, piège à touristes fortunés.

+ 40 % pour Bottega Venetta

Les marques de luxe peuvent s'accorder toutes ces extravagances. La crise de 2008 est bel et bien oubliée. Le marché est au plus haut. Il aurait atteint 191 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2011, selon les estimations du cabinet Bain & Company. Soit un bond de 10 %, après une année 2010 marquée par une croissance de 1 3%.

Et le début d'année 2012 commence sur les chapeaux de roue. Les marques de luxe de PPR affichent une croissance de 17,8 % à périmètre comparable et taux de change comparable, au premier trimestre 2012. Les compteurs de Yves Saint-Laurent et Bottega Venetta s'affolent avec des progressions respectivement de 33 % et 40 %. Les produits de luxe de L'Oréal se sont envolées de 12,2 %. LVMH s'est accordé 14 % de croissance sur la même période. Et les ventes dans les magasins Burberry ont bondi de 12 %, à périmètre comparable, au second semestre de son exercice clos le 31 mars.

Le milliardaire chinois est jeune

Qui contribue à cette envolée ? Les Chinois, répondent les chiffres. Le pays compte désormais plus de 2,7 millions de personnes à la tête d'un patrimoine supérieur à 720.000 euros, d'après le China Luxury Consumer White Paper 2012. S'y ajoutent 63.500 chinois au patrimoine supérieur à 12 millions d'euros. Soit une population équivalente à celle de la ville entière de Quimper !

Et ce cercle de riches chinois s'agrandit d'année en année. "Le nombre de foyers dont le revenu disponible est supérieur à 100.000 dollars a augmenté de 9,9 % en 2011. Celui des foyers dont le revenu disponible s'établit entre 25.000 et 100.000 dollars a progressé de 15,4 %", calcule la directrice des études du pôle européen luxe et distribution chez Bain & Company, Joëlle de Montgolfier. Ces millionnaires sont jeunes, leur âge moyen est de 41 ans. Et leur consommation est encore débridée.

Le Chinois achète de tout

Le marché domestique en profite à plein. Il flirterait désormais avec les 13 milliards d'euros, talonnant le marché français. Entre 2007 et 2011, sa croissance annuelle s'est établie à 30 %, estime Bain & Company. D'autres pays en touchent les dividendes. Car à l'étranger, les riches chinois achètent beaucoup et de tout : des montres d'abord (pour 65 % d'entre eux), des accessoires et des vêtements (49 %) des articles en cuir (48 %), des bijoux (45%) et des produits cosmétiques (43 %), selon une étude réalisée par l'institut Hurun Research.

En France, les Chinois sont la vraie locomotive du marché du duty-free depuis 2009. A eux seuls, ils ont payé un quart des achats réalisés sous détaxe en 2011, selon les données de Global Blue. En moyenne, ils dépensent 1.470 euros en shopping détaxé. Chez eux ou à l'étranger, les Chinois représentent désormais 20 % de la consommation totale de produits de luxe. Bref, ils sont au marché du luxe ce que furent les Japonais dans les années 80 : un bon filon.

A l'étranger, les Brésiliens se jettent sur les parfums

Les Chinois ne sont pas les seuls à aimer le luxe. Outre les Russes, les Brésiliens sont aussi de la partie. A l'étranger, ils se jettent sur les parfums et les cosmétiques soumis chez eux à des très fortes taxes douanières. Et, au Brésil, nombreux sont ceux qui craquent notamment dans les boutiques des deux plus grandes villes du pays, Sao Paulo et Rio. Les ventes y auraient progressé de 20 % l'an dernier, après 25 % en 2010. Et vue la croissance folle du pays, à la veille de la Coupe du monde de 2014 et des Jeux Olympiques, de beaux jours s'annoncent encore au pays de la samba.

Alors tout va bien dans le plus luxueux des mondes ? Pas si sûr. "Il existe actuellement des signaux contradictoires sur le marché du luxe", observe prudemment Joëlle de Montgolfier. La croissance du marché chinois était jusqu'ici alimentée par l'ouverture de nouveaux magasins de luxe. Mais Vuitton, Gucci et autres Cartier ont déjà bien maillé les grandes villes. Les inaugurations deviennent plus rares.

En 2011, Bain & Company a dénombré 120 ouvertures dans le pays, après 160 en 2010. "Ce qui laisse envisager un début de ralentissement de la croissance du marché", avertit Joëlle de Montgolfier. La prudence s'impose. Burberry en a déjà fait les frais. La progression des ventes de la maison anglaise a décéléré au cours du premier semestre de son exercice, en Chine, en passant de 30 % au troisième trimestre à 20 % au second semestre. Gucci a, elle aussi, vu ses ventes décélérées, plus légèrement que Burberry, à 11,6 % au premier trimestre, après une croissance de 12,2 % au quatrième trimestre et de 18,7 % sur l'ensemble de l'année 2011.

Les Américains et les Européens sont trop délaissés

Rien ne sera donc plus comme avant. D'autant que le consommateur chinois est désormais sur-sollicité par les enseignes de luxe. Dans les rues huppées des mégalopoles, il ne sait plus où donner de la tête. "Le véritable enjeu du marché chinois est maintenant celui de la fidélisation. Dans les grandes villes, les consommateurs sont de plus en plus sophistiqués, exigeants", estime Joëlle de Montgolfier.

Une deuxième mise en garde pourrait provenir d'Europe et des Etats-Unis. "Il ne faut pas négliger ces marchés. A eux deux, ils représentent 66 % du marché mondial en 2011", rappelle la spécialiste du luxe. Or, ces deux continents ne figuraient plus sur les feuilles de route des marques de luxe. Voilà PPR prévenu. Depuis la crise de 2008, le PDG de PPR, François-Henri Pinault, n'avait qu'un mot à la bouche, l'Asie. Cette année, une vingtaine des 47 nouveaux magasins Gucci ouvriront en Asie.

Le marché américain pourrait redevenir attractif. "Aux Etats-Unis, il existe beaucoup de segments à fort potentiel encore peu exploités. Parmi eux figurent le marché masculin et le web pour servir les villes secondaires américaines", note Joëlle de Montgolfier. En 2011, les ventes en ligne ont représenté 3 % du marché du luxe dans le monde.

 

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Commentaire 1
à écrit le 09/05/2012 à 22:24
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Il est dommage d?oublier la France, je trouve qu?il reste beaucoup de disparité selon les régions. Heureusement que le net est la pour nous petits provinciaux surtout au niveau de l?occasion entre les petites annonces de particuliers et les sites spé...

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