Sushi Shop tente de croquer Manthattan

Hervé Louis et Grégory Marciano, co-fondateurs de la chaîne de restauration Sushi Shop, comptent ouvrir 6 restaurants à Manhattan (États-Unis) en 2015. Comme les patrons de PME qui ont manifesté lundi, ils jugent trop lourde la réglementation française pour développer leur activité. L'un d'eux a d'ailleurs été condamné à 5.000 euros d'amende pour ne pas l'avoir respectée.
Grégory Marciano et Hervé Louis ont tous deux fondé Sushi Shop en 1998.

S'ils étaient absents de la manifestation des patrons de PME, le 1er décembre, ils n'en partagent pas moins les revendications. Hervé Louis et Grégory Marciano, co-fondateurs de Sushi Shop, et désormais premiers distributeurs français des spécialités de poisson cru à emporter mettent en avant des "lourdeurs administratives" pour se défendre d'avoir sciemment participé à une malversation. Pour celle-ci le second, Grégory Marciano, vient d'être condamné par le tribunal de Commerce de Paris (voir enrichissement).

Dans un entretien, les deux entrepreneurs, qui reçoivent sous l'immense verrière qui illumine leur bureau du Xe arrondissement de Paris, où l'ambiance start-up - malgré leurs 16 ans d'existence - est revendiquée, s'expliquent sur cette histoire. Et détaillent leurs projets de développements à l'étranger et en France. Signe qu'en dépit de leur sentiment d'être entravés dans leurs ambitions, ils parviennent tout de même à entreprendre.

La Tribune - M.Marciano, vous venez d'être condamné à 5.000 euros d'amende pour complicité de "manœuvre frauduleuse". Pourquoi?

Grégory Marciano - On a grandi très vite. Nous sommes passés de 6 points de vente à 100 en quatre ans. Nous n'étions pas structurés, pas assez vigilants. Des gens sont venus nous proposer des formations... On a reçu de l'argent au titre de formations professionnelles auxquelles nous n'avions pas le droit. C'est vrai que nous avons été négligents. Mais l'amende est faible et mon associé a été relaxé.

Ça fait partie des accidents de la vie d'une société. Il y a tellement de règles qu'il n'est pas évident de connaître tout sur tout. Aujourd'hui, nous sommes très structurés, nous avons 70 personnes au siège, un directeur financier, un département juridique...

Pourquoi ne pas avoir pris un conseil juridique plus tôt ?

Hervé Louis - Le problème, c'est qu'il faut le financer.

Grégory Marciano - Nous, on a toujours privilégié l'action, le fait de créer. On a préféré avancer et entreprendre puisque c'est ce que l'on aimait faire. Si on devait réaliser tout dans les règles, on ferait beaucoup moins. Déjà que le monde de l'entreprise en France n'est pas forcément en bonne santé, si, en plus, il fallait faire attention à tout... Ça demande tellement de temps !

Hervé Louis (le coupant) - Non, mais sans aller jusque là... Nous n'avons pas agi en connaissance de cause... Mais c'est vrai que l'administratif est un travail à plein temps, on ne fait pas de développement etc., en même temps. Il faut un autre associé qui ne s'occupe que de cela. Aujourd'hui, nous en avons un.

Grégory Marciano - Il y a deux poids deux mesures, les petits indépendants ne subissent pas le même contrôle que les grosses structures. Non seulement sur l'administration mais aussi sur l'hygiène...

En quoi cela vous gêne-t-il ? N'est-ce pas nécessaire, au moins pour rassurer vos clients ?

Grégory Marciano - Bien sûr, c'est fondamental. D'ailleurs, nous allons plus loin que ce que nous demande l'administration, et nous employons une société d'audit pour contrôler les restaurants.

Hervé Louis - En Belgique, nous avons même été consultés comme référents dans ce domaine.

Grégory Marciano - On ne peut pas se permettre un scandale sanitaire comme il y en a eu récemment avec la viande de cheval.

Donc c'est plutôt l'application - obligatoire - des règles administratives que vous blâmez ?

Grégory Marciano - Le code du travail en France compte des milliers de pages. Il est impossible pour un jeune entrepreneur de toutes les assimiler. Surtout qu'il y en a de nouvelles régulièrement.

Hervé Louis - Pendant le procès, le juge nous a reproché de ne pas avoir embauché un professionnel pour contrôler un autre professionnel...

Grégory Marciano - Bien sûr, nul n'est censé ignorer la loi. C'est la règle. Mais, habituellement, quand un professionnel vient nous voir, on lui fait confiance. S'il faut tout vérifier, cela demande énormément de temps et d'argent que les jeunes entreprises généralement n'ont pas. Cela se fait obligatoirement au détriment du développement. Le juste équilibre est dur à trouver. A l'époque, nous ne l'avions pas. Nous le regrettons.

Pourtant, à l'étranger, où vous vous développez, il existe aussi des règles contraignantes. Êtes-vous présents au Brésil, où les démarches sont réputées être longues?

Grégory Marciano - Non, nous ne sommes pas au Brésil. C'est vrai que les barrières y sont fortes et qu'il vaut mieux avoir un associé brésilien.

Hervé Louis - L'Italie est pas mal aussi. Il y a des pays très compliqués, comme la Suisse.

Quels problèmes y avez-vous rencontrés?
Hervé Louis -  Il faut un à deux ans avant d'ouvrir un restaurant en Suisse. Ce n'est pas une légende!

Grégory Marciano - Il y a aussi des pays beaucoup plus propices, comme le Royaume-Uni.

Dans quel pays votre activité vous rapporte-t-elle le plus : ceux où il est possible d'ouvrir un restaurant tout de suite, ou bien ceux où la réglementation vous semble plus restrictive ?

Hervé Louis - En ce moment, l'eldorado c'est Dubaï et les Émirats arabes unis.

Grégory Marciano - Dubaï est un État qui veut attirer les entreprises, grâce à une politique fiscale très intéressante avec très peu d'obligations.

Vous projetez également de vous développer aux États-Unis, le pays du "california roll", une forme de sushis que vous avez adaptée en France. Comment comptez-vous faire ?

Hervé Louis - Nous nous sommes associés avec Sushiro, des Japonais leaders du sushi aux États-Unis, qui appartient au fonds d'investissement Permira.

Grégory Marciano - Sushiro compte plus de 400 restaurants et réalise plus d'1,4 milliard de dollars de chiffre d'affaires. Leur stratégie vise le Fast Casual, un segment de restauration à mi-chemin entre le fast-food type McDonald's et la restauration plus classique. Cojean ou Chipotle appartiennent à cette catégorie. C'est celle qui croît le plus. Or, aux États-Unis, il n'existe pas d'entreprise identifiée vendant des sushis dans ce segment. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes associés avec eux. Notre feuille de route c'est d'ouvrir six restaurants en 2015/2016 sous notre nom à Manhattan. Puis nous verrons si nous nous développons sur la côte Est ou pas.

Avec Bottega Romana (nouvelle enseigne de restauration du groupe), vous vous lancez sur le marché de la pizza, déjà bien établi. Ensuite, ce sera le hamburger?

Hervé Louis - Les hamburgers, c'est compliqué à livrer. Ça fonctionne bien sur la vente à emporter mais ça ne se conserve pas longtemps. C'est pour cela que nous avons choisi la pizza romaine pour Bottega Romaine parce que la pâte épaisse tient mieux à la livraison.

Grégory Marciano - Il y a des modes, puis des consolidations. Cela a été le cas pour la pizza. Il y a eu beaucoup de chaînes. Aujourd'hui, Domino's et la boîte à Pizza dominent surtout en province. Le sushi, lui, est dans cette deuxième phase. Et comme nous voulons être le leader européen du sushi, nous ne devons pas nous éparpiller.

Hervé Louis - Par ailleurs, nous allons lancer un programme de fidélité pour mieux connaître nos clients pour la vente à emporter, grâce à un investissement dans le digital.

Vous allez leur proposer de faire des sushis personnalisés, comme des concurrents l'on fait avec des hamburgers ?

Grégory Marciano - Ce serait compliqué à réaliser sur le plan technique et pas forcément bon. Et puis nous sommes peut-être allés un peu loin dans la créativité, ça a été positif mais on veut que les clients puissent retrouver les mêmes saveurs, les mêmes recettes que dans les grands restaurants chez Nobu, Soma etc.

Vous êtes allés trop loin avec les sushis au foie gras par exemple?

Hervé Louis - C'était une création du chef Cyril Lignac. [Que Sushi Shop commercialise toujours au prix de 3,20 euros l'unité sur son site web en France ndlr]

Grégory Marciano - On pense plutôt à des recettes avec du chèvre, des tomates séchées, des saveurs qui ne sont pas en général liées à l'univers du sushi. Mais ce type de produit ne rencontre aucun succès à Londres ou New York. Il faut satisfaire tous les goûts, pas seulement ceux des Français.

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Commentaires 3
à écrit le 07/12/2014 à 15:31
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Bon appétit ! Sushi shop est au sushi ce que mc do est à la gastronomie française.

à écrit le 06/12/2014 à 15:11
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Les règles du code du travail sont digne de l'URSS Pour un artisan comme moi on est obligé de s'en foutre sinon on ne fait rien Vive Bruno Lemaire et un code dd 150 pages

à écrit le 06/12/2014 à 13:12
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Très bonne interview , très intéressante pour le monde politique et ceux qui veulent créer une entreprise. J'espère un avenir radieux à ce groupe et j'espère qu'ils ne feront pas intervenir un fond d'investissement pour voir ce qui est arrivé à mezzo...

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